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Publié le 23 Janvier 2009

Fred Frith et Wu Fei : le label Tzadik à l'honneur...
  
  Le label Tzadik fondé par le saxophoniste, improvisateur et compositeur John Zorn en 1995, se consacre aux musiques expérimentales, avant-gardistes, bruitistes. Plus de 400 titres à ce jour, et un bel éclectisme. Vous le rencontrez un peu plus souvent ici depuis quelques mois, mais je trie, je reste parfois partagé, perplexe, et pas toujours emballé. Bref, je vous propose deux disques très différents sortis en 2008.
  Wu Fei est chinoise, compose pour instruments solistes, ensembles à cordes, orchestres, pour des chorégraphies et des films. Elle joue du guzheng, une cithare chinoise sur table, depuis l'âge de six ans. Après des études de composition en Chine, elle étudie au Mills College avec...Fred Frith, dont il sera question juste après ! La mélodie chinoise qui ouvre Yuan ne m'enthousiasme pas, mais la suite est nettement mieux. "Red carriage" est une impressionnante pièce pour percussion solo, le percussioniste passant du marimba aux tam-tams et au gong. En écoute, j'ai sélectionné "Yuan? Yuan! Yuan!", un solo pour guzheng préparé, autrement dite la rencontre entre la tradition et l'expérimentation dans le sillage de John Cage. La pièce suivante  mêle instruments traditionnels et l'ensemble "Percussions claviers de Lyon". Le disque se termine par "Before I wake" pour piano solo en cinq sections : c'est Stephen Drury -pianiste et directeur artistique du Callithumpian Consort, qui collabora avec John Cage et John Zorn, qui les interprète avec une intensité retenue.
Paru en 2008 chez Tzadik / 9 plages / 42 minutes environ
  
                                        
Fred Frith et Wu Fei : le label Tzadik à l'honneur...

      Et le voilà, enfin, il rôdait depuis un moment, cherchant où rentrer sur ces pages... Je ne vais pas retracer toute la carrière de ce cofondateur d' Henry Cow, groupe phare de la pop progressive expérimentale des années soixante-dix, improvisateur inventif et imprévisible, que l'on a vu aux côtés de beaucoup de musiciens importants. Incroyable Fred Frith, qui enseigne la composition et l'improvisation au Mills College déjà évoqué plus haut, qui se métamorphose une fois de plus. Car Back to Life est un disque de piano et de musique de chambre!  Avec un certain humour  et des "instruments" inattendus en sus, vous l'imaginez bien.  Le pianiste  Daan Vandewalle y interprète les sept pièces des "Seven circles" qui parsèment le disque, alternant avec des compositions pour ensemble de chambre. J'ai sélectionné pour l'écoute "Elegy for Elias", admirable trio pour le violon de Gabriela Diaz, le marimba de William Winant et le piano de ...Stephen Drury !

Paru en 2008 chez Tzadik / 7 plages / 46 minutes environ

Rien à vous proposer en écoute, alors un petit tour dans la technologie des larmes, ça vous ira ?

Pour aller plus loin :
- un site sur la cithare guzheng.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 9 décembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Hybrides et Mélanges

Publié le 4 Février 2010

Joan Jeanrenaud : "Strange toys", le violoncelle éperdument.

   Le temps est venu de célébrer une violoncelliste dont la carrière a été associée pendant vingt ans à celle du Kronos Quartet, c'est-à-dire à l'un des quatuors les plus étonnants de notre temps, à la fois par la qualité de ses interprétations et son engagement indéfectible du côté des meilleures musiques contemporaines. Joan Jeanrenaud a rejoint le quatuor de David Harrington en 1978, pour le quitter en 1999. Depuis, elle se consacre à une carrière solo tournée vers  diverses expérimentations. Strange toys, sorti en 2008 sur le label californien Talking House Records est le résultat d'une série d'envies sonores, d'un face à face avec son violoncelle en studio, et de rencontres avec quelques musiciens.

   Le premier titre, "Sling shot", nous plonge dans une ambiance mystérieuse, un jeu d'écho entre glissendi langoureux et pizzicati énigmatiques. Étirement des cordes, lâcher du projectile qui rebondit dans des jungles courbes. "Axis" : le violoncelle se déploie somptueusement, se multiplie sur fond de boucles. Joan ne s'enfonce pas dans des expérimentations pénibles pour l'oreille. Son violoncelle chante, magnifié par une utilisation intelligente de la technologie. "Kaleidoscope" peut ainsi proposer un curieux duo avec les beats acidulés de Pc Muñoz, juste avant que ne surgisse...deux violes de gambe sur "Transition", le plus long titre, presque treize minutes intemporelles, sur un schéma ABA : majestueuse introduction des violes dans le goût baroque ; développement d'esprit minimaliste aux deux violoncelles, tout en inflexions capricieuses et décrochements, violes en sourdine ; court retour au premier plan des violes pour une languide extase. On peut être catalogué "avant-garde" et jouer et composer dans la grande tradition ! "Tug of wars" prolonge "Transition" par une plainte dépouillée, le violoncelle dans un jeu de miroirs exsangues. La suite de l'album invite à deux reprises le percussionniste William Winant, au marimba sur "Dervish" et au vibraphone sur "Livre", l'un des morceaux les plus fascinants de cet album atypique et si personnel. "Air & Angels" convoque  autour du violoncelle une sculpture  carillonnaire, un quadrachord -instrument électroacoustique à longues cordes, pour accompagner la lecture par Pc Muñoz d'un poème de John Donne : moment extraordinaire aussi ! Bref, laissez-vous transporter par le violoncelle réinventé d'une musicienne pleinement d'aujourd'hui. Une grande !!

Paru en 2008 chez Talking House Records / 14 plages /

Voici le texte de John Donne, "Air & Angels", dit (fort bien dit !) par Pc Muñoz.

Joan Jeanrenaud : "Strange toys", le violoncelle éperdument.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 29 janvier 2021)

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Publié le 23 Janvier 2020

Christopher Cerrone - The Pieces That Fall to Earth

   En sélectionnant les vidéos pour un de mes articles précédents sur la pianiste Vicky Chow, je suis tombé sur une composition remarquable de Christopher Cerrone, compositeur américain qui m'était inconnu. Bien sûr, je me suis renseigné, et j'ai découvert ce disque, sorti cet année chez New Amsterdam Records, The Pieces That Fall to Earth. Un choc majeur ! Qui me laisse rêveur : existe-t-il aujourd'hui, en France, un disque équivalent, qui allie musique et poésie de notre temps ? Car Christopher Cerrone met en musique trois ensembles de textes de trois poètes américains du XXe siècle. J'imagine un disque consacré à des textes de Philippe Jaccottet, Yves Bonnefoy et Jude Stéfan, avec une musique de Pascal Dusapin, par exemple. Je crains qu'un tel disque n'existe pas et que, pire, nos compositeurs ne pensent même plus à servir la poésie française... Le texte de présentation en anglais par le compositeur et pianiste Timo Andres est remarquable de précision. Il me faudra l'oublier pour vous en parler à ma manière. Pas facile !

   L'album comprend trois cycles. Le premier, qui donne son nom à l'ensemble, The Pieces that fall to earth (Les Pièces qui chutent à terre), est de la poétesse Kay Ryan (née en 1945), dont on compare parfois la poésie à celle d'Emily Dickinson par son caractère dense, ramassé. Le second, The Naomi Songs (Chansons de Naomi), est signé par Bill Knott (1940 - 2014), auteur d'une œuvre où se retrouve l'influence de poètes européens comme Rimbaud, Desnos, Char, Trakle, ou encore Lorca. Enfin, The Branch will not break (La Branche ne cassera pas) rassemble sept poèmes de James Wright (1927 -1980), qui influença d'ailleurs le second. Trois cycles pour trois univers. À la poésie abrupte, énigmatique de Kay Ryan répondent les fragiles chansons sentimentales et désabusées de Bill Knot et le désenchantement des textes autobiographiques de James Wright, dans lesquels on retrouve ses déséquilibres, sa lutte contre l'alcoolisme. Mais les trois univers  ne sont pas pour autant séparés. Ce qui les rapproche an fond, c'est un sens de l'image métaphysique, transfigurée par l'humour ou la dimension illuminée.

   Avant de parler de la musique de Chritopher Cerrone, j'aimerais vous donner à lire un poème de chacun d'entre eux. Traductions personnelles (perfectibles...).

De Kay Ryan :

The Pieces That Fall to Earth

One could

almost wish

they wouldn't ;

they are so

far apart,

so random.

One cannot

wait, cannot

abandon waiting.

The three or

four occasions

of their landing

never fade.

Should there

be more, there

will never be

enough to make

a pattern

that can equal

the commanding

way they matter.

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On espèrerait

presque

qu'elles ne le fassent pas ;

elles sont si

éloignées,

si étranges.

On ne peut pas

attendre, ne peut pas

cesser d'attendre.

Les trois ou

quatre raisons

de leur atterrissage

ne disparaissent jamais.

S'il y en avait

plus, il n'y en aurait jamais

assez pour faire

un motif

qui vaille

l'impressionnante

manière dont elles adviennent.

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  Dernière des Naomi Songs de Bill Knot :

What language will be safe

When we lie awake all night

Saying palm words, no fingetip words -

This wound searching us for a voice

Will become a fountain with rooms to let

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Quelle langue sera sûre

Quand nous reposerons éveillés toute la nuit

Disant des mots paume, pas des mots bout du doigt -

Cette blessure nous cherchant pour une voix

Deviendra fontaine avec chambres à louer.

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Premier texte de James Wright :

Lying in a Hammock at William Duffy's Farm in Pine Island, Minnesota

Over my head, I see the bronze butterfly,

Asleep on the black trunk,

Blowing like a leaf in green shadow.

Down the ravine behind the empty house,

The cowbells follow one another

Into the distances of the afternoon.

To my right,

In a field of sunlight between two pines,

The droppings of last year's horses

Blaze up into golden stones.

I lean back, as the evening darkens and come on.

A chicken hawk floats over, looking for home.

I have wasted my life.

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Étendu dans un hammack, ferme de William Duffy à Pine Island, Minnesota

Au-dessus de ma tête, je vois un papillon couleur bronze

Endormi sur le tronc noir,

S'envoler comme une feuille dans l'ombre verte.

Dans le ravin derrière la maison vide,

Les sonnailles se succèdent

De moment en moment dans l'après-midi.

À ma droite,

Dans une étendue de lumière entre deux pins,

Les crottes des poulains

Flambent comme des pierres d'or.

Je me penche en arrière, tandis que que le soir s'assombrit et descend.

Un faucon plane, cherchant à rentrer.

J'ai gâché ma vie.

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   Les trois cycles ont ceci de commun qu'ils abolissent la hiérarchie entre voix et ensemble de chambre. Les instruments n'accompagnent pas la ou les voix, ils sont à égalité avec elle(s), chacun jouant sa partie en tension avec l'autre. Aussi Christopher Cerrone accroit-il le potentiel émotionnel de ses pièces. Leur relative brièveté n'en fait pas de jolies mélodies pour salons mondains. D'abord parce que l'ensemble instrumental est étoffé, offrant une palette très large de timbres : flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, trombone, deux violons, alto, harpe, violoncelle, basse, piano, deux percussions, ce qui permet des couleurs et des intensités très diverses, à l'intérieur même d'une composition qui peut, en moins de cinq minutes, parfois en moins de deux, passer d'une atmosphère intimiste à des envolées sublimes. Ensuite parce que l'écriture musicale dilate la temporalité en alternant, superposant, des brèves et des longues, c'est-à-dire des à-plats percussifs discontinus et des notes tenues, glissées, des phases introductives épurées et des montées en puissance impressionnantes. La musique de Michael Cerrone surprend constamment, tient son auditeur par un sens dramatique très sûr, par sa densité : rien de trop, une concision éblouissante !

   La soprano Lindsay Kesselman chante le premier cycle, éponyme. La musique est à l'image des textes, mystérieuse et intrigante, ciselée. Dès la première pièce, quelle force, quelle émotion, quelle beauté fulgurante ! La voix s'envole, archangélique, on reste suspendu aux volutes de la mélodie, on vibre aux basses profondes qui la sertissent. Il y a longtemps que je n'ai pas entendu une telle musique. Je pense à Donnacha Dennehy dans Grá agus Bás, en particulier au cycle "That the Night Come" sur des poèmes de William Butler Yeats. C'est une musique foudroyante... Les demi-teintes relatives de "Hope" culminent sur le plateau de « the always tabled / righting of the / present » (le redressement toujours remis du présent), débouchent sur le très langien (de David Lang) "That will to Divest", nerveux, tranchant, sorte de crescendo descendant dans l'absurde, fini en cri. "Swept us whole", au texte à l'ironie métaphysique, revient au thème central de la première pièce, qui se fond dans un jeu de boucles vertigineux, voix et instruments en miroir. "Shark's Teeth" est murmuré comme une confidence défiant l'entendement, dans une atmosphère d'antre de sorcière, avec halètements instrumentaux, frémissements, coups de gong, et se termine sur une clausule malicieuse où le texte est dit de manière neutre sur un fond de frottements rapides. L'atmosphère devient inquiétante, grinçante, avec "Insult" : la musique est cisaille qui déchire, marteau qui frappe, voix qui déraille dans les aigus comme en panique. Le cycle se termine avec "The Woman Who Wrote Too Much", véritable micro opéra à la puissance envoûtante exprimant le drame de l'aliénation de cette femme qui écrivait trop.

   The Naomi Songs, sur des textes intimistes et désabusés, non dénués d'humour, de Bill Knott, n'est pas d'une moindre densité. La voix chaude et caressante de Theo Bleckmann (qui est également compositeur, notamment du prodigieux Anteroom sorti en 2005) monte aussi dans d'incroyables sommets et mélismes pour servir ces tableautins. Dans la troisième pièce, le montage en miroir de ses voix multipliées est l'équivalent musical parfait du contenu du texte, lequel célèbre l'ouverture infinie des mains de l'aimée lorsqu'elles s'ouvrent seules. La question au cœur de " What language Will Be Safe ?" donne sa structure répétitive obsessionnelle à la première moitié de la pièce, à laquelle répond le relâchement de la tension liée à l'irruption de l'humour.

   Avec le troisième cycle, The Branch Will Not Break,un véritable ensemble vocal répond à l'ensemble instrumental : deux sopranos, deux altos, deux ténors et deux basses. La première pièce commence comme du Philip Glass, langoureux minimalisme qui nous transporte dans le hammack du personnage principal. Peu après, les montées vocales irrésistibles ont la grâce sidérante des grandes pages d'Arvo Pärt. Nous sommes en état de grâce, c'est somptueux, grandiose ! "Two Horses Playing in the Orchard", la seconde pièce, est étonnante par le contraste entre la partie instrumentale, dramatique, comme la mise en musique du galop des chevaux, mais ramassée, compacte, tranchante, et la partie vocale, qui prend des allures médiévales ou fait penser à des chants séphardiques. C'est en tout cas irrésistible ! Retombée dans les langueurs avec "Two Hangovers, Number One", dont le texte évoque les rêveries éthyliques du narrateur. Des contrepoints instrumentaux cinglants fouettent comme à plaisir cette gueule de bois trop complaisante... Émerveillemnt pastoral avec "From a Bus Window in Central Ohio, Just Before a Thunder Shower", voix surtout masculines, chœur populaire. Quasi marche funèbre, timbres lugubres, pour "Having Lost My Sons, I Confront the Wreckage of The Moon : Christmas, 1960".  Puissance sombre du trombone, explosions des voix pour l'atmosphère apocalyptique de la fin du texte. "Two Hungovers, Number Two" s'abandonne à une autre rêverie, délicieuse celle-ci, le narrateur riant de l'exultation d'un geai bleu qui ne cesse de sauter sur une branche, sûr qu'elle ne cassera pas. La musique se fait caresse, chants d'oiseaux, les voix rendent grâce en un cantique touchant. La dernière pièce est illuminée d'une ferveur intense, scandée par des répons évoquant une cérémonie qui célèbre la beauté du monde, des choses simples, lesquelles font prendre conscience au narrateur que « if I stepped out of my body i would break / into blossom » (Si je sautais hors de mon corps je commencerais / à fleurir) : vertige suicidaire, jubilation extatique ? La musique rend ce mouvement extatique avec une force confondante, superbe. 

   Pour moi aucun doute : le plus beau disque de 2019, et un des plus beaux de la décennie qui se termine !

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Paru en juillet 2019 chez New Amsterdam Records / 18 plages / 46 minutes environ

Pour aller plus loin :

- le disque en écoute et en vente sur bandcamp :

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Publié le 14 Février 2014

   Le pianiste français Nicolas Horvath, ardent défenseur et interprète des musiques minimalistes les plus exigeantes, est à Kiev pour les promouvoir. Deux concerts sont prévus, le premier consacré aussi bien à Philip Glass qu'à Scriabine, illustrant l'éclectisme de ce pianiste curieux. Le second fait partie des défis qu'il aime se lancer : une nuit minimaliste du 15 au 16 février, de 23h à 8h du matin !! Un programme énorme, fascinant...Nicolas est un de ces défricheurs que j'aime à suivre (parfois à précéder, je n'en suis pas peu fier !). Vous savez ce qu'il vous reste à faire, si vous n'avez aucune obligation urgente...(Ce n'est hélas pas mon cas...)

Nicolas Horvath à Kiev - Nuit du piano minimaliste

Voici le programme complet :

Valentin Silvestrov
Quiet Song n°1: Song Can Tend The Ailing Spirit (Baratynsky)
 
John Cage
In a Landscape
Dream
 
Andrew Chubb
Motion One  (NP)
 
Terry Jennings
Winter Sun  (NP)
Winter Tree (NP)
Piano Piece for Christine (NP)
1950 Piece (NP)
 
Victoria Poleva
Lulaby for ….
Trivium
 
Frederic Lagnau
Bagatelle sans modalite (NP)
Wind Mozaics (NP)
 
Simeon Ten Holt
Canto Ostinato  (NP)
 
Morteza Shirkoohi 
Arteeman (wp)
 
Philip Glass
Metamorphosis 1 to 5   
The Olypian - Lighting of the Torch
Trilogy Sonata
2 Pages
 
Jaan Rääts  :
Prelude n° 4 Op33
Bagatellen n°3,4,8,15,22 op50
Madrigaali n° 1,19, op65
 
Liis Viira
Nova Vision  (np)
 
Mihkel Kerem
Piano solo from Nimeta Lood (np)
Prelüüd Nr. 9, 11,12,13,14,15,16    (np)
 
Arvo Pärt
Für Alina
Variationen zur Gesundung von Arinuschka
 
Tomasz Kamieniak
 Nuits a Paris op.53  (NP)
 
Denis Levaillant
une barque sur le Niger
Etude XIV Transe
 
Arnaud Desvignes
Sur une branche morte
 
Fabio Mengozzi
Reverie IV (NP)
Segreta luce (NP)
 
Julius Eastman
Piano 2 I/II/III   (NP)
 
Jeroen van Veen
Minimal Préludes 15 , 17 , 18 , 21 , 23 & 26  (NP)
 
Antonio Correa
Surface 1   (NP)
5 Shorts pieces  (NP)
Day 5 (NP)
 
Regis Campo
Mysterium Simplicitatis  (NP)
 
Alvin Curran
Inner City n°1 & 2   (NP)
For Cornelius  (NP)
 
John Psathas 
Sleeper   (np)
 
Eve Beglarian
Night Psalm   (np)
 
Denis Johnson
November  (NP)
 
John Luther Adams
Nunataks (NP)
 
Jean Catoire
Sonate n°19 Opus 520  (wp)
 
William Susman
Quiet Rhythms Book I: Prologue 3 / 4 /5 / 6  Prologue + Action 7 / 8  (NP)
 
Michael Jon Fink
5 piano pieces  (NP)
 
Svyatoslav Lunyov
Mardongs 1 - Anonim XIV
 
Carlos Peron Cano
Yoga Music (WP)
 
David Toub
 For Four   (np)
 
Svitlana Azarova
Chronometer
 
Lawrence Ball
Piano Suite n°8  (wp)
 
Terry Riley
 Keyboard Study #1
 
Melaine Dalibert
Variations  (wp)
Cortège    (wp)
Gruppetto   (wp)
Ballade   (wp)
 
Morton Feldman
Nature Piece
 
Douwe Eisenga
Simon Song 1   (NP)
 
Kyle Gann
Going to bed  (NP)
 
LaMonte Young
X for Henry Flynt   (NP) 
 
  Du pain sur la planche pour INACTUELLES jusqu'à l'an 3000 !!
Pour aller plus loin
- "Wind mosaics" de Frédéric Lagnau, un compositeur minimaliste français vraiment à découvrir (cliquez sur son nom pour en savoir plus), par Nicolas (Précision : la vidéo commence par "In a landscape"... si vous n'arrêtez pas la vidéo, vous voilà partis pour écouter toutes ses vidéos de musique minimaliste, ce qui est le mieux que je puisse vous souhaiter après tout)  :

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Le piano sans peur, #Minimalisme et alentours

Publié le 14 Mars 2017

Michael Gordon - Timber remixed

   J'avais salué avec enthousiasme la sortie de Timber en 2011 (ici). Ce double album ne mérite pas moins le détour. Outre une excellente version en public de l'œuvre originale par Mantra Percussion sur le cd2, le cd1 nous offre douze remixes inédits, douze relectures, certaines vraiment magnifiques. C'est le cas de la première, par l'islandais Johánn Jóhannsson. Le tapis percussif laisse passer des nappes fluctuantes d'orgue qui semblent l'envelopper, qui le font voyager comme le ferait un tapis volant. Une magistrale envolée ! Le new-yorkais Sam Pluta croise percussion et électronique dans une trame serrée parcourue d'harmoniques, créant une respiration vibratoire hypnotique par ses longues ondulations qui vivent de plus en plus intensément. Deuxième indéniable réussite ! Le canadien Tim Hecker disloque la nappe percussive, agitée de battements puissants, démultipliée dans une véritable galerie des glaces sonore, mais la pièce est trop courte, je trouve, comme souvent chez lui, si bien que l'on se sent un peu frustré, on attend des développements qui ne viennent pas (c'est la raison principale pour laquelle je n'avais pas rendu compte de son dernier opus, Love Streams). Après lui, l'autrichien Fennesz transfigure vraiment la pièce, ça décolle vite et fort, du superbe travail. La réappropriation est brillante, très inattendue, à la fois puissante et rêveuse !! Le musicien expérimental Oneohtrix Point Never cerne les percussions de voix synthétiques, de perturbations sonores, dans un collage comme il les affectionne, un peu foutraques, mais sacrément efficaces, avec un long crescendo final de toute beauté. Le batteur de Deerhoof, Greg Saunier, sature la composition avec ses propres percussions, d'où une courte pièce étrange et folle...non dénuée d'une pointe d'humour, ce qui ne fait pas de mal dans ce parcours ! Avec le titre suivant, je découvre HPRIZM / High Priest of APC, membre fondateur du Antipop Consortium, qui propose une version tribale avec des déhanchements rythmiques, des invasions de claviers. Là aussi une très convaincante relecture, une recomposition passionnante, qui condense au mieux la dimension de transe. Le guitariste de rock Ian Williams joue sur les échos rapprochés, accélérés, ce qui donne un titre presque abstrait dans sa ligne pure. Quant au britannique Tom Jenkinson, alias Squarepusher, il recrée le morceau avec sa guitare et diverses clochettes. On pense à Pantha du Prince et ses très beaux Elements of Light (2013) ou encore Black Noise (2010). Il réussit un moment bucolique très inspiré, traversé de zébrures de synthétiseurs, de sourdes attaques vibratoires. Un des sommets de ce disque ! Installée à New-York depuis 1977, la japonaise Ikue Mori, comme à son habitude, transforme ce qu'elle visite en OVNI sonore : chambre hantée dans laquelle surgissent girations sonores, crépitements, grondements, métallophones peut-être, toute une vie qui fait penser à une toile de Tanguy ou de Miro. Venue de Warp Records, la britannique Mira Calix crée une pièce résonnante, grouillante de facettes translucides, véritable kaléidoscope pour un voyage au pays des merveilles : c'est fragile et cristallin, lumineux, mystérieux ! Superbe ! Ce premier cd se clôt avec le remix de Hauschka, qui noue si l'on peut dire son piano préparé aux percussions initiales pour une sorte de danse qui s'embrase, radieuse, chargée de sons électroniques orchestraux. Magistral ! 

   Un album remarquable, foisonnant !

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Paru en 2016 sur le label Cantaloupe Music / 2cds / 12 remixes + la version en public de Timber / 69' + 51'

Pour aller plus loin :

- la page consacrée à l'album sur le site de la maison de disque.

- l'album en écoute sur bandcamp :

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Publié le 1 Avril 2012

Donnacha Dennehy - Gra agus Bas

Sublimes chants d'amour et de mort

   Né en 1971, ce musicien irlandais, résidant à Dublin, a fait de solides études musicales dans sa ville, dans l'Illinois et à l'IRCAM de Paris. De retour chez lui en 1997, il fonde le Crash Ensemble, dont il est toujours le directeur artistique. Les commandes ne manquent pas. Parmi les interprètes, je remarque le Bang On A Can All-Stars. Je ne connais pas encore son premier disque, Elastic Harmonic, sorti en 2007. Grá agus Bás est son second album.

   Fasciné par l'antique tradition irlandaise du "sean-nós" — expression signifiant "vieux style" — tradition de chant non-accompagné transmise oralement de génération en génération, Donnacha Dennehy a utilisé le matériau de deux sean-nós comme noyau d'une pièce originale faisant appel à l'un des meilleurs représentants du renouveau de ce courant, le chanteur Iarla Ó Lionáird. La composition dérive d'une écoute attentive de la voix de Iarla, enregistrée et analysée par ordinateur pour en extraire les caractéristiques et en faire le point de départ de l'accompagnement par le Crash Ensemble. Grá agus Bás, le premier titre éponyme, est le résultat de cette fusion quasi alchimique, de cette transmutation. Vingt-quatre minutes trente absolument extraordinaires, éblouissantes. D'abord parce que Iarla Ó Lionáird possède la voix d'un barde inspiré, fervente, puissante, vibrante, souple : quel souffle, quel sens des modulations ! Ensuite parce que l'accompagnement est d'une beauté âpre, violente, d'un dynamisme sans appel, mais aussi d'une sensualité caressante et déchirée. La voix semble se renverser parfois, l'on chavire dans un océan tumultueux. Les sons éclatent, nerveux, dans une trame rythmée par des cordes fiévreuses, des percussions lourdes. Comme nous sommes loin du marasme sentimentalo-folkisant de tant de groupes ! Cette incroyable musique ferait pâlir bien des groupes de hard-rock, métal, par l'onde de choc qu'elle génère. Sombre, tendue, extatique, elle ne va qu'aux extrêmes, chantant l'amour et la mort comme rarement, avec un final grandiose, la voix de Iarla au bout d'elle-même, escaladant les cieux. Je n'ai rien entendu de tel depuis longtemps, si ce n'est chez les plus grands, David Lang en particulier, par son sens de la densité orchestrale, magmatique, parcourue de fulgurances écorchées. Le Crash Ensemble est sans aucun doute l'un des meilleurs ensembles contemporains, offrant une palette de timbres enrichie par l'adjonction d'une guitare électrique et de sons électroniques.

  La suite de l'album est consacrée, sous le titre "That the Night Come", à un cycle pour soprano et ensemble constitué de six poèmes du poète irlandais William Butler Yeats (1865 - 1939). Le projet, s'il peut sembler plus conventionnel, débouche sur un résultat aussi splendide. La soprano américaine Dawn Upshaw y est divine, servie par un accompagnement suave, sublime. Chaque mot de Keats est modulé, coulé dans un phrasé admirable, donnant l'impression d'une temporalité distendue, comme dans "He wishes his Beloved were Dead". "The old men admiring themselves in the water" déploie une orchestration en vagues rapides tandis que la voix de Dawn Upshaw s'envole, dérive loin, très loin. Le sommet du cycle, si tant est qu'on puisse en trouver un, serait "The White birds": répétitions de mots, mélismes bégayants, amplifient encore le vaste mètre du poème, avec des passages d'une douceur vertigineuse, la voix qui tremble au bord de l'indicible lors d'élans successifs. Donnacha Dennhy a réussi à capter l'âme profonde d'un romantisme intemporel, cet immense mouvement si souvent desservi par certains de ses représentants mêmes et de pâles affadissements. Les trois pièces suivantes sont tout aussi convaincantes. La voix de Dawn flambe, descend dans les graves avec une souveraine majesté, remonte avec l'aisance des cygnes dans des aigus brumeux. La musique de Donnacha Dennehy vit "dans la tempête et les querelles / Son âme éprouve un tel désir / Pour ce que la Mort farouche apporte / Qu'elle ne pouvait pas supporter / Le train ordinaire des choses" : j'applique ce passage de "That the Night Come" au compositeur et à son travail. Il reconnaît d'ailleurs que les obsessions de Yeats — l'amour inaccessible, ou du moins qui ne saurait durer, le désir d'une plénitude d'expérience, la colère contre la fugacité du bonheur, et la certitude des ravages du temps et de la mort — sont les siennes. Ce dernier poème est le plus grinçant du cycle, ramassé comme l'âme qui lutte pour chasser le temps où la mort arrivera, piano, accordéon et cordes tourbillonnant, papillonnant autour de la voix qui s'échappe, clame son désir. Grand, magnifique d'un bout à l'autre.

   Un disque magistral. Un des événements musicaux de ce début de siècle. Servi par une pochette, un livret qui devraient servir de modèle si l'on croit que le disque n'est pas forcément condamné par les fichiers numériques téléchargeables : une présentation claire du contenu, lisible grâce au choix de beaux caractères, agrémentée d'un choix de photographies, superbes, de Sophie Elbrick Dennehy. Le contraire des pochettes faussement artistiques avec des collages insignifiants, illisibles, vides d'information.

   La musique de Donnacha est à l'image des paysages farouches d'une Irlande de landes rocheuses à la beauté foudroyante.

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Paru chez Nonesuch Records (le label de Steve Reich !!) en 2011 / 7 titres / 59 minutes

Pour aller plus loin

- le site de Donnacha Dennehy.

- Le troisième des six poèmes de William Butler Yeats :

 

                                            The White Birds

I WOULD that we were, my beloved, white birds on the foam of the sea!
We tire of the flame of the meteor, before it can fade and flee;
And the flame of the blue star of twilight, hung low on the rim of the sky,
Has awakened in our hearts, my beloved, a sadness that may not die.
 

 

A weariness comes from those dreamers, dew-dabbled, the lily and rose;
Ah, dream not of them, my beloved, the flame of the meteor that goes,
Or the flame of the blue star that lingers hung low in the fall of the dew:
For I would we were changed to white birds on the wandering foam: I and you!
 

 

I am haunted by numberless islands, and many a Danaan shore,
Where Time would surely forget us, and Sorrow come near us no more;
Soon far from the rose and the lily, and fret of the flames would we be,
Were we only white birds, my beloved, buoyed out on the foam of the sea!

 

- un extrait de Grá agus Bás : le poème de Yeats The White Birds chanté par Dawn Upshaw :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 22 avril 2021)

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Publié le 17 Octobre 2019

Michael Vincent Waller - Moments

  Compositeur américain installé à New-York, Michael Vincent Waller a étudié avec La Monte Young, Bunita Marcus (pianiste, amie proche et collaboratrice de Morton Feldman à la fin de sa vie). Deux ans après Trajectories, il sort Moments, un album de pièces pour piano solo, avec quelques compositions pour vibraphone solo. Au piano, l'un des pianistes les plus engagés dans la défense des nouvelles musiques, R. Andrew Lee. Au vibraphone, William Winant, percussionniste américain d'avant-garde. Comme sur Trajectories, c'est "Blue" Gene Tyranny, lui-même pianiste et compositeur, qui signe une partie des notes du livret d'accompagnement, très bien fait, passant en revue toutes les pièces. Un autre texte de Tim Rutherford-Johnson, écrivain et professeur de musique contemporaine, aborde la musique de Michael de manière plus synthétique, pointant notamment l'ombre d'Erik Satie. C'est passionnant. Pas question pour ma part d'empiéter, si ce n'est ponctuellement, sur leurs approches.

    Le titre de l'album, Moments, annonce des pièces plutôt brèves, de 1'02 pour la plus courte, à 5'58 pour la plus longue, un Nocturne. Elles sont nettement liées à des personnes de l'entourage du compositeur, auxquelles elles sont parfois dédicacées. Aussi sont-elles chargées d'émotions, exprimées dans le style propre de Michael, un mélange de clarté, de simplicité et de savantes combinaisons harmoniques entre modalités traditionnelles et influences minimalistes.

   Trois notes à la main gauche, c'est la trame de "For Papa", étayée par une mélodie limpide et gracieuse, répétée et variée, à la main droite. Une nostalgie légère s'en dégage. "Return from L.A", en quatre moments, commence aussi à la main gauche, très rêveuse, puis s'envole dans un gai frémissement de lumière. Tout tourne. Les mélodies coulent, discrètement obsédantes avec leurs boucles rapides. Comme le remarque "Blue" Gene Tyranny, le troisième moment fait songer à la musique de gamelan par ses cycles colorés, rythmés autour d'une assise de grave. Le quatrième moment est lui d'une grâce élégiaque admirable, tout en retenue, avec des suspensions ineffables. Comment rester insensible à une telle musique ? Succède à ce petit cycle un "Divertimento", rêverie à peine grave à base de grappes de notes jetées en un geste répété tout au long de la pièce, à chaque fois débouchant sur un silence comme une interrogation insistante à laquelle il n'est pas répondu, si bien que le piano semble improviser une réponse. "For Pauline", dédié à la mémoire de Pauline Oliveros, pionnière de "l'écoute profonde" (deep listening) disparue en novembre 2016, est bouleversant de simplicité : pas de mélodie, une harmonie fondée sur des répétitions de notes alternativement dans les aigus et les graves, leur lent décalage donnant l'impression d'entendre comme un cortège de cloches. "Jennifer", par contraste, est un moment virevoltant, mélodieux, célébration de la vie retrouvée après les inquiétudes de la maladie marquées par des phrases plus graves dans ce flux qui ne cesse d'aspirer à la lumière tout en se souvenant des ombres de la mort.

   Deux "Nocturnes" suivent, pièces un peu plus longues. Le N°1 est une pure extase, la mélodie montant et descendant d'une si douce manière, soutenue par quelques notes graves. Quelle suavité sereine, quelle délicatesse émouvante ! On retient son souffle dans ce délicieux vertige au ralenti... Le N°4 a cette gravité limpide, cette grâce bouleversante que sait si bien exprimer la musique de Michael Vincent Waller. Un parfum suranné, exquis et douloureux à la fois, quelque chose de déchirant et magnifique. Un sens du sublime intériorisé, sans posture dramatique ou grandiose. On peut se laisser aller à la douceur de pleurer et de s'enfouir dans la pénombre chère des jours perdus.

   "Love" est un cycle de quatre pièces pour vibraphone solo. La première a une allure extrême-orientale proche de la musique pour gamelan par son aspect chatoyant, ses à-plats harmoniques. La seconde est plus mélodique, se change en improbable valse à mi-chemin de la berceuse - le titre "Baby's Return invitant au rapprochement. L'évanescence rêveuse de la troisième a un charme fou : on n'imaginait pas que le vibraphone puisse ainsi résonner, questionner le mystère. La dernière est une cavalcade effrénée, joyeuse.

   Avec "Roman", retour au piano solo pour une narration labile au cours de laquelle la mélodie se déploie sous des jours variés, entre une basse sourde et des aigus et médiums agités d'une houle qui se fait parfois un peu folle. On sent des poussées de tendresse, un amour irraisonné de la vie, jusqu'au bord de la mélancolie finale.
  

 

   Ah ! ces moments volés, dérobés ! "Stolen moments", arpèges mystérieux sur les crêtes de silence, lents envoûtements face au destin insondable. L'art de Michael culmine en de telles pièces si dépouillées, si expressives qu'elles donnent paradoxalement une sensation de plénitude. L'étude pour vibraphone qui lui succède, "Vibrafono studio", va dans le même sens : une petite phrase variée, égrenée lentement, entrecoupée de silences, et qui reprend avec insistance, modeste, pour accueillir des miracles harmoniques minuscules, puis qui continue dans une autre octave, plus grave, tout en jouant d'accélérés inattendus dans les aigus. Une humble antienne qui se change l'air de rien en litanie extatique. Ma pièce préférée pour vibraphone !

   Le disque s'achève avec "Bounding", pièce d'allure minimaliste par ses boucles, ses variations, qui serait inspirée d'airs anciens selon le commentateur du livret, ce qui ne surprend pas quand on  connait le goût d'un Steve Reich ou d'un Philip Glass pour les musiques anciennes. Il y a d'ailleurs un côté très Philip Glass dans l'allure de la mélodie, sa simplicité désarmante, mais s'y ajoute une dimension rêveuse et folle à la fois, un plaisir à casser la virtuosité par de brusques descentes méditatives.

   Cela va sans dire : un des plus beaux disques de l'année 2019 !

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Tout frais paru en octobre 2019 chez Unseen Worlds / 18 plages / 56 minutes environ

Pour aller plus loin :

- le disque en écoute et en vente sur bandcamp :

  

Addenda

   Comme la couverture m'intriguait beaucoup, j'ai demandé à Michael ce qu'elle représente. Il s'agit d'un gros plan très agrandi d'une cosse d'asclépiade, une plante que l'on redécouvre actuellement en Amérique du Nord, dont on peut tirer une sorte de soie très chaude. Bref, un trésor de douceur et de chaleur, comme ce disque !

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 15 octobre 2021)

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Publié le 3 Mars 2017

Richard Moult (3) - Sjóraust

   Troisième album sur le label Second Language, Sjóraust est encore un beau disque improbable, inclassable. Richard Moult nous convie depuis les îles des Hébrides extérieures où il semble s'être détaché du temps commun à mieux écouter la voix de la mer, signification du titre « Sjóraust », amalgame de deux termes de vieux norrois. Lui-même au piano, aux claviers, à l'échantillonneur orchestral, aux percussions, il est accompagné par David Colohan - son collaborateur habituel - à l'autoharpe (sorte de cithare) sur trois titres, par Amanda Ferry à la clarinette sur deux, sans oublier un peu de flûte baroque, du violoncelle par Aaron Marton sur quatre et deux vocalistes occasionnels. L'album se présente comme une suite, chaque titre étant désigné par la mention "Sjóraust" avec son numéro d'ordre.

   À mon sens il s'agit plus encore d'un poème musical en six chants formant un vaste hymne à la mer, présente dès l'introduction à l'autoharpe de la première partie. On l'entend gronder à l'arrière-plan, déferler sur les galets. Cordes frottées, violoncelle rejoignent David Colohan en longues touches, puis une voix féminine lit un extrait de texte de chants gaéliques tirés du recueil Carmina Gaedlica, et c'est la mer à nouveau, des oiseaux. Une étrange sonnerie ouvre le chant II, elle reviendra plus lointaine derrière le piano presque sépulcral pour cette introduction solennelle. Les cordes surgissent en force dans un véritable maëlstrom langoureux qui se résorbe assez vite dans une atmosphère apaisée. Ces deux premières parties sont évidemment des préparations pour la longue pièce trois, plus de treize minutes. Une pièce d'abord d'un grand dépouillement : le piano hésite, la clarinette pose quelques notes aussi. Le rythme est lent, méditatif. Les deux instruments tiennent un dialogue plus serré, comme une marche dans les rochers quand les pieds cherchent des appuis stables, glissent parfois. L'autoharpe leur répond en sourdine. C'est le cheminement d'une ascèse, la recherche de la lumière. Il y a évidemment du mystique chez ce solitaire (aonaran en norrois) de Richard Moult, et parler de folk mystique n'est donc pas faux, mais je vois en lui, au fur et à mesure des écoutes, une sorte de Arvo Pärt celtique. Des chœurs d'hommes et de femmes alternés vont d'ailleurs constituer l'essentiel du matériau de ce III. Qu'il s'agisse probablement de sons produits par un échantillonneur n'enlève rien à la beauté grandiose de ce chant face à la mer, s'élevant et descendant comme les marées. Comment ne pas être saisi par ce face à face hiératique qui pourrait évoquer des tableaux de peintres préraphaélites comme John William Waterhouse ou encore les scènes sublimes peintes par le romantique John Martin ?

   Les deux pièces suivantes sont à leur tour des introductions à la seconde longue pièce, la VI, si bien qu'on peut voir comme deux livres (I - III // IV - VI) dans ce cycle. "Sjóraust IV", qui fait d'abord dialoguer mouettes lointaines criaillantes et piano résonnant, se fait brièvement danse tournoyante et folle. La mer revient avec "Sjóraust V"; un récitant lit ce qui fait d'abord penser à un fragment liturgique, mais, nous dit la pochette, serait un énigmatique texte mathématique (j'avoue ne rien avoir compris)...peu importe, c'est l'ambiance de messe qui compte, et les cordes qui surgissent, ardentes, en vagues courtes, brisées par le silence seulement occupé par la mer toujours en fond, chaque poussée comme un prière fervente, renouvelée, dans l'attente de quelque chose, de cette voix féminine qui vient enfin se fondre dans les cordes comme la corde ultime. "Sjóraust VI" peut alors se déployer après un court introït en gaélique. L'orchestre des vagues et des vents loge en son sein une chanson gaélique traditionnelle interprétée par la chanteuse irlandaise Alison O'Donnell avant de laisser dialoguer le piano, le violoncelle et la flûte baroque. Puis le silence, une clochette, la clarinette, les autres instruments revenus tournent, une vague énorme propulse le tout un niveau plus haut, une autre encore, le lyrisme intense, celui qui soulève et qui palpite pourtant de moments plus doux, plus suaves, qui épouse la mer revenue entre les phrases musicales. L'autoharpe accompagne les derniers moments apaisés de cette pièce à la sombre beauté désolée.

   Peu à peu, Richard Moult élabore une œuvre vraiment singulière, quelque part entre folk mystique et néo-classicisme épuré, servie par des apports électroniques parfaitement fondus dans le tissu musical.

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Paru en 2016 sur le label Second Language / 6 titres / 40' environ

Pour aller plus loin :

- Mon article consacré à Aonaran (2013 sur Wild Silence, reparu en février 2017 sur bandcamp)

- Mon article consacré à Rodorlihtung (2012)

- la page consacrée à l'album sur le site de la maison de disque

- Sjóraust II en écoute ci-dessous :

Richard Moult (3) - Sjóraust
Peinture de Richard Moult, reproduite à l'intérieur de la pochette du cd.

Peinture de Richard Moult, reproduite à l'intérieur de la pochette du cd.

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 août 2021)

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