la musique et les mots

Publié le 25 Février 2011

Harold Budd / Clive Wright - A Song for Lost Blossoms

L'infinie dérive de la beauté perdue

   Harold Budd, compositeur majeur de la musique ambiante, doit sa renommée internationale à ses collaborations avec Brian Eno : Ambient 2 / The Plateaux of Mirrors, en 1980, puis The Pearl en 1984. Sa prolifique carrière a alterné albums solos et nombreuses collaborations. De même qu'il avait annoncé  qu'Avalon Sutra (2004) serait l'aboutissement de sa carrière, je pensais en avoir fini avec lui. Peut-être de l'avoir tant écouté, tant aimé, de reconnaître si facilement la somptuosité mélancolique et diaphane de sa musique, ô rien moins que tonitruante, de celle qui fuit la lumière crue, se pare de brume par native discrétion. C'était sans compter avec l'un de mes lecteurs - merci Dom, qui m'a signalé cet album sorti fin 2008, en collaboration avec le guitariste californien Clive Wright. Rien de bien nouveau, si ce n'est cette guitare électrique, justement, aux phrasés qui tracent des flèches de lumière dans la mer mélancolique : échos, réverbérations, retardements, éclaboussent l'horizon saturé de claviers à la douceur engloutissante, comme si souvent dans les compositions éthérées d'Harold. C'est une musique à faire peur, tant elle rend tangible le sentiment de vacuité de toute chose. Tout se dérobe, s'enrobe dans le voile de l'illusion. On cherche un appui, on trouve des sons comme des vecteurs qui s'enfoncent dans le lointain. "Pensive Aphrodite", magnifique premier titre de plus de trente-deux minutes! Je  pressentais, dès que j'ai entendu ces deux mots, qu'ils ne pouvaient être associés à une pièce ordinaire. Soudain plus rien ne compte, on est embarqué dans une poursuite virtuellement infinie. Déchirante dérive vers l'absence de rive, le néant qui absorbe tout sans jamais rien rendre. Cette musique splendide ne nous fait pas de cadeau : aux antipodes de la distraction, et même de ce qu'on appelle souvent à tort de la musique ambiante, elle nous extrait de notre enveloppe pour nous propulser dans l'océan prodigieux, chatoyant, si séduisant, de la mort universelle. Car la Beauté suprême, n'est-ce pas elle, médite Aphrodite, pensive ?

   Le reste de l'album vit à l'ombre de cette comète sidérante. Bluette hyper mélancolique, le titre éponyme vaut par le poème magnifique écrit et dit par Anna LaCazio (chanteuse du groupe Cock Robin, auquel a appartenu Clive Wright), du bout des lèvres, avec une douceur indicible. Le troisième titre, "Forever Hold My Breath", est une reprise nettement plus courte de "As Long as I can Hold my Breath", deuxième partie de l'album Avallon Sutra. Moins effrayant que la version longue, sorte de lutte avec la mort, grâce aux échappées lumineuses de la guitare électrique, mais quelque peu déprimant par son côté malgré tout glauque. "At this moment" nous tire des abysses, s'anime pour survoler les décombres. Le piano, peu présent dans cet album, se manifeste dans le très buddien "Of Many Mirrors" sous le signe de la raréfaction et de l'exténuement. On risque de sombrer dans les rets de cette acédie qui, de morceau en morceau, exprime la tristesse existentielle la plus accablante. Il faut être fort pour tenir le choc de cette musique insidieusement corrosive, d'une beauté malade.

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Paru en 2008 chez Darla Records / 7 titres / 74 minutes

Pour aller plus loin

Un poème personnel lié au titre éponyme : mise en page bricolée...

                           Aphrodite pensive

                                                                                     à Harold Budd & Clive Wright

Derrière la porte

Il n'y a rien
Une guitare

Éclaboussures

De lumière

Dans le ciel

Qui n'existe pas

Le soleil a fondu

Sous les doigts

De l'aveugle
Qui voit le jour

D'après

Perler
Au front pensif

D'Aphrodite

Interdite
De séjour
Les mains
Sur le clavier

Des Songes

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Pourquoi
Les étoiles

Filent-elles
Dans la nuit
Qui n'en finit pas

De dénoncer

L'imposture

Du jour ?

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Bientôt viendra

L'aurore
À fleur de rien

Danser

Sur le flanc lisse

Du vide
Et ça ira

 

© Dionys Della Luce

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 26 mars 2021)

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Publié le 14 Février 2011

Alain Kremski - résonance / mouvements

     Résonance / Mouvements // Mouvement / Résonances, tel est le titre complet du dernier disque du pianiste, compositeur et improvisateur Alain Kremski. Pas un seul article en français, si j'ai bien cherché, sur ce disque admirable (en dehors d'une brève présentation sur le site du label). Signe des temps ? Conséquence de la discrétion de cet homme à la carrière atypique ? Remarqué par Igor Stravinski, élève de Nadia Boulanger et d'Olivier Messiaen, premier grand Prix de Rome de composition et donc pensionnaire de la villa Médicis, il esquive une brillante carrière de pianiste. Car il se passionne pour les sons des cloches de temples d'Asie, des gongs, collectionne les bols chantants tibétains. Cet intérêt pour l'Orient, mais aussi les voyages, les arts, l'architecture, le pousse dans une direction unique. S'il enregistre l'intégralité des œuvres de Georges Gurdjieff, retranscrites pour le piano par le compositeur russe Thomas de Hartmann, ou encore celles de Nietzsche, il aime associer son piano aux cloches, gongs, bols tibétains. « Ce qui est important pour un artiste, c’est d’avoir un but. Et chaque but est possible, s’il est clair. Le mien est de réveiller dans le public la nostalgie de la « source » perdue, quelque chose qui vient de très loin, parfois même de l’enfance. J’aime la rencontre des disciplines artistiques : la musique, l’architecture, le cinéma, la danse, la peinture, la réalisation de calligraphies pendant que l’on joue du piano etc. » confiait-il dans un entretien en 2010. En concert, il se produit parfois avec un portique spécialement conçu pour ces instruments qui ont un point commun avec le piano : percussifs comme lui, ils résonnent, parfois longuement, après avoir été frappés.

   « Tout l'Occident est basé sur la dualité – y compris l'ordinateur avec les zéros et les uns. En Asie, on compte jusqu'à trois : entre les sons et les silences, entre le plein et le vide, il existe un passage, et c'est dans ce passage que réside le mystère.  Les instruments tibétains ou japonais vibrent très longtemps. Entre le moment où le son s'arrête et le vrai silence, on ne discerne pas très bien la limite : c'est comme le passage entre le jour et la nuit... dans cet instant-là, on atteint quelque chose qui est de l'ordre du Sacré. » nous dit Alain Kremski sur le passionnant et très beau livret, illustré de peintures, encres et photographies de Simon Leibovitz qui accompagne le disque. La musique est un médium : « Au Conservatoire, on était encore très influencés par ce qu'on appelle le style et le langage, mais la quintessence de mon travail, c'est autre chose : essayer de retrouver l'énergie pure. Qu'est-ce qu'une énergie pure ? C'est être en contact avec une énergie du cosmos qui ne passe pas par toutes les références intellectuelles...C'est réveiller chez l'auditeur la nostalgie de la source perdue, cette impression que j'éprouvais quand je lisais  les contes de fée ou Michel Strogoff...Attention, ce n'est pas de l'apitoiement sur soi, cette nostalgie-là est de l'ordre du Sacré, comme le souvenir de quelque chose d'où l'on vient et qui est unique. »

   Le disque est divisé en deux : cinq danses pour piano, gongs et grands bols rituels, avec pour titre celui de l'album entier ; puis cinq pièces pour piano et gongs regroupées sous le titre "L'Appel des Îles Lointaines". Le chroniqueur ici s'arrête un temps : qu'ajouter aux commentaires lapidaires d'Alain Kremski ? Aux fragments de textes, poèmes qu'il y adjoint ? L'essentiel n'est-il pas dit ? 

   La danse rituelle "Résonance / Mouvements qui ouvre l'album est une entrée saisissante, un portique impressionnant. Gongs initiaux, contraste puissant entre deux registres pianistiques :  massifs martelés sans ménagement et fluidité caressante d'une source sans cesse renaissante malgré les interruptions abruptes. Comme un combat fondamental, l'affrontement du Yang et du Yin, nous dit Kremski. L'auditeur est happé dans cette dialectique qui l'installe dans une autre durée, presque 14 minutes. Des falaises à escalader pour découvrir le miracle. Nous voici "Sous les étoiles silencieuses", danse sacrée translucide, délicate, sur les pointes lumineuses des aigus qui surplombent quelques notes graves et les résonances profondes des bols et des gongs, comme sur un pont suspendu. On retient son souffle devant l'invisible rendu visible, pour paraphraser la belle phrase de René Daumal que le musicien place en exergue au disque tout entier : « La Porte de l'Invisible doit être visible. » "Pour invoquer la Terre", danse chamanique, est un pièce presque facétieuse. Les notes se bousculent, se répètent, ponctuées par une frappe sèche et les résonances percussives conjuguées. Nous sommes prêts pour l'embarquement sur le fleuve de l'Amour : "Rituel de l'Amour", danse incantatoire, enveloppe l'auditeur dans les courbes puissantes d'une mélodie profonde comme le désir, qui se dérobe pour réapparaître plus séduisante. On n'échappe pas à cette insidieuse emprise qui seule pourra nous révéler la "Présence de l'Âme Oiseau", dernière des cinq danses, elle aussi initiatique. Longue marche méditative jalonnée d'éclats acérés dans la splendeur de l'ailleurs. C'est fragile et solide, volatile et si dense, l'égrènement d'une tranquillité transcendante qui transforme le temps en or audible.

   Que dire de la suite ? Les cinq pièces de "L'Appel des Îles Lointaines" sont admirables, bouleversantes, au point de synthèse improbable et magique des musiques de Gurdjieff, Debussy, Messiaen, et j'ajouterais John Luther Adams, tous animés de cette recherche de la source qui ressurgira quelque part...Au milieu pourquoi pas de "L'Oubli, l'Eau et les Songes", ce lointain écho de la cathédrale engloutie debussyste, justement, qu'est le sixième mouvement résonnant de ce voyage vers l'essentiel. Les titres disent assez que la musique est poème, tremblement de l'indicible. "Neige, les pas étoilés des oiseaux", inspiré d'une poésie de Théophile Gautier, avance à pas rêveurs mais décidés dans un paysage raréfié. Avant de s'envoler dans un frou-frou gracieux d'ailes, c'est "D'Ailleurs, l'Oiseau Annonciateur", qui virevolte et se dissout dans le silence. Plus grave est la "Rencontre, le passage de l'Aube", morceau traversé de vapeurs, tout en miroitements rentrés, l'intériorité qui se regarde en lissant ses plumes, occupée à faire briller très doucement ses couleurs qui coulent dans l'espace en gouttes éclaboussées. Miracle de délicatesse radieuse. Ce toucher limpide, ferme et doux, que l'on sent animé d'une ferveur extraordinaire, d'une concentration au-delà de toute tension..."L'Appel des Îles lointaines" répond au premier titre, d'une durée d'ailleurs très voisine. Carillonnements, balancements, la houle des harmonies fluides prend les allures d'une symphonie légère et majestueuse, ultime danse, Vénus toujours naissante sur les flots d'une mer verticalisée par la montée incessante des vibrations et les plongées dans les abîmes lumineux.

   Un disque rare. Un Absolu.

Paru en 2009 chez Iris Music / Cézame Carte blanche. 10 titres / 73 minutes.

 Je comprends qu'Alain Kremski cite à plusieurs reprises Jean-Yves Masson, son frère, et le mien...

"Est-ce toi qui reviens dans les jardins de fièvre,

Voix d'une ancienne solitude, est-ce la mer

dont l'appel sous les pins murmure dans le soir,

là-bas comme si d'immenses fontaines

s'étaient ouvertes sous le ciel plein de nuages ?"

(Extrait de Offrandes, paru chez Voix d'Encre en 1995)

Pour aller plus loin :

Hélas, rien sur le disque. Quelle honte !

- Piano et bols chantants, extrait d'un autre disque :

- Alain Kremski interprète la musique de Nietzsche :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 26 mars 2021)

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Publié le 16 Décembre 2010

Portrai d'Anna de Noailles par le peintre Ignacio Zuloaga (1870 - 1945)

Portrai d'Anna de Noailles par le peintre Ignacio Zuloaga (1870 - 1945)

   On célèbre le bicentenaire de la naissance du musicien d'origine polonaise Frédéric Chopin. Profitons-en pour redécouvrir la très sensible Anna Elisabeth de Brancovan, comtesse de Noailles (1876-1933). Née à Paris, mais d'origine gréco-roumaine, la poétesse qui éblouit tout le monde artistique de son époque est aujourd'hui assez oubliée. Elle a eu le tort de ne pas faire partie des avant-gardes, de rester fidèle à une forme plutôt classique. La relisant, on est pourtant frappé par la beauté souple de la langue, l'exaltation frémissante qui parcourt des pages au lyrisme très personnel. C'est en feuilletant Les Vivants et les Morts, recueil paru chez Arthème Fayard en 1913, que je suis tombé sur ce texte. Je me suis pris à rêver à la manière dont on concevait alors la critique musicale : quelle simplicité, quelle passion (le poème figure dans la première partie, justement titrée "Les Passions") ! Foin de jargon, d'étiquettes incompréhensibles, mais une langue, tenue, qui cherche à saisir l'essence de son objet par un réseau serré d'images sensibles, je reviens à cet adjectif injustement décrié. Stimulante leçon d'écriture pour tout blogueur...

   Vous pouvez lire ce poème en écoutant un prélude de Chopin (j'en ai placé un plus bas), ou avant, ou après, ou sans. Même chose pour la musique...

 

La Musique de Chopin

 

                                    Tandis que ma mère jouait un prélude de Chopin

 

Le vent d’automne, usant sa rude passion,

Élague le jardin et disperse les fleurs,

Et les arbres, emplis de force et de fureur,

Avec des mouvements de dénégation

Refusent d’écouter ce sombre séducteur…

 

Une humidité terne, éplorée, abattue,

Enveloppe l’étang, se suspend aux statues,

Rôde ainsi qu’une lente et romanesque amante.

La nue est alourdie et pourtant plus distante.

Le vent, comme un torrent déversé dans l’allée,

Roule avec une voix cristalline et fêlée

Des graviers reluisants et des pommes de pin…

Et, dans la maison froide où je rentre soudain,

Un prélude houleux et grave de Chopin,

Profond comme la mer immense et remuée,

Pousse en mon cœur ses sonores nuées !

— Ô sanglots de Chopin, ô brisements du cœur,

Pathétiques sommets saignant au crépuscule,

Cris humains des oiseaux traqués par les chasseurs

Dans les roseaux altiers de la froide Vistule !

Soupirs ! Gémissements ! Paysages du pôle

Qu’entrouvre le boulet d’un soleil rouge et rond,

Noir cachet de la foudre au cœur chenu des saules,

Tristesse de la plaine et des cris du héron !

Ô Chopin, votre voix, qui reproche et réclame,

Comme un peuple affamé se répand dans nos âmes ;

Vous êtes le martyr sur le gibet divin ;

Votre bouche a goûté le fiel au lieu du vin ;

Toute offense a meurtri votre cœur adorable ;

La mer se plaint en vous et arrache les sables,

Chopin ! Et nous pleurons les bonheurs refusés,

Tandis que votre sombre et musicale rage

S’étend, sur l’horizon chargé de lourds nuages,

Comme un grand crucifix de cris entre-croisés !

 

 

Pour aller plus loin

- un site très bien fait consacré à Anna de Noailles.

- un blog de passionné(e).

- Grygory Sokolov interprète le prélude opus 28 n°4

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 22 mars 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #La Musique et les Mots

Publié le 24 Août 2010

J.-H. Rosny Ainé : Musique et vérité.

  J.-H. Rosny Ainé n’est plus guère à la mode. Tout au plus se souvient-on, grâce au film de Jean-Jacques Annaud, que Joseph Henri Honoré Boex, de son vrai nom, est l’auteur avec son frère Séraphin Justin François (ils écrivent en collaboration jusqu'en 1909) de La Guerre du feu, roman préhistorique considéré avec une condescendance ironique dans le meilleur des cas. Ce qui est très injuste pour un roman splendidement écrit, au souffle épique, tout à fait au niveau des œuvres d’un Kipling ou d’un Rider Haggard. Mais le roman d’imagination ou d’aventures n’est pas encore reconnu dans la littérature française comme il l’est chez les Anglo-saxons.

   De toute façon, ce n’est pas un roman de cette veine que je veux évoquer.  Les frères ont été des romanciers prolifiques, populaires dans le meilleur sens du terme. Je suis tombé  sur un roman d’amour et d’analyse psychologique, d’ailleurs bien mené, autour d’un personnage féminin charmeur et troublant heureusement surnommé Liane – la pauvre s’appelle Lucette dans cette histoire d’adultère où elle vient perturber le ménage harmonieux de sa cousine très aimée,  l’éblouissante Geneviève. L’Appel du bonheur parut en 1919. Vous allez me dire que vous ne voyez pas le rapport avec ce blog, et vous aurez raison. J’y viens. Lors d’une des conversations familiales qui émaillent le roman, l’un des personnages, Hippolyte, vieil homme amer en recherche d’absolu, oppose la musique au langage, entendez ici "les mots" :

« — Il me semble parfois, — dit Hippolyte, — que la musique est destinée à combattre les méfaits du langage. Elle ne saurait mentir. Chacun à la vérité peut lui prêter ses fables, mais d’elle-même, elle échappe à toute signification. Je trouve que par là, elle est l’art supérieur, le grand art moral. »

Ce à quoi un autre personnage, Frédéric, rétorque :

   «  C’est une esclave (…) Elle sert indifféremment nos vertus et nos vices. Je le lui reproche. J’aime mieux le langage qui peut mentir mais aussi conduire à la vérité. La musique ne nous y mène pas plus que l’alcool, le café ou la morphine… »

   À quoi sert la musique ? Vaut-elle mieux que nos mots si aisément menteurs, ou n'est-elle qu'une drogue parmi d'autres ? Partagez-vous l'idéalisme d'Hippolyte ou le scepticisme de Frédéric ? Faut-il d'ailleurs opposer la musique aux mots ? Ce qui me semble sûr, en ce qui concerne la musique instrumentale, c'est qu'elle repose des mots, qu'elle est d'abord au-delà d'eux, avant d'être annexée par nos réactions, critiques...

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Rédigé par Dionys

Publié dans #La Musique et les Mots

Publié le 30 Juillet 2010

Guillermo Cabrera Infante et "La Plus que lente"

   La rubrique La Musique et les Mots me permet d’évoquer des musiques que j’ai choisi de ne pas chroniquer dans ce blog déjà très éclectique, mais qui comptent pour moi, ou qui interrogent mon oreille, ma sensibilité. Plongé dans l’excellent roman du cubain Guillermo Cabrera Infante, La Havane pour un Infante défunt, dont le titre est une transparente paronomase de la ravélienne Pavane pour une Infante défunte, je n’ai été qu’à demi-surpris par un chapitre intitulé « La plus que lente », qui établit un rapprochement inattendu, en tout cas pour moi (qui connais si peu la musique cubaine), entre Debussy et la musique populaire cubaine. Voici le début du chapitre qui prend justement pour titre celui de la valse du compositeur français :

   «  Notable fut l’influence de Claude Debussy sur la musique  populaire cubaine, ou plutôt un certain domaine de la musique populaire, d’où j’excepte le faux folklore et l’expression presque savante  illustrée par le meilleur d’Ernesto Lecuona ou le style typiquement havanais de Boule de Neige. Non que ces deux musiciens, ou d’autres plus modernes (je pense aux chansons et aux interprétations  de Franck Dominguez  ou aux beaux accompagnements pianistiques  d’un Mémé Solis) imitent consciemment l’auteur d’Images – hasard ou non, Images est aussi le titre d’un boléro de Dominguez, très populaire et apprécié d’un délicieux écrivain anglais qui a connu La Havane au temps de sa splendeur-, mais le clavier et les sonorités debussystes sont entré dans la musique  populaire pour piano, peut-être via les œuvres  contemporaines d’Albeniz, sous une forme inconsciente mais constante. S’il y manque les accords brisés, les harmonies moribondes, les arpèges liquides de Debussy, on y retrouve beaucoup de ses sonorités pianistiques, surtout dans les aigus et les forti, plus que dans les pianissimi, et l’on évoque aussitôt en l’écoutant les phrases hésitantes de « La Plus que lente », cette valse que Debussy avouait avoir composée « dans le genre brasserie ».

  La suite du chapitre développe le « rôle joué par Debussy dans (sa) vie amoureuse », puisque le roman se présente comme la chronique autobiographique d’un apprenti Don Juan dans La Havane des années quarante et cinquante. La confession lie intimement musique et érotisme :

« La première fois que j’ai fait l’amour – j’emploie ce gallicisme à dessein, et pour une double raison-, c’était, je m’en étonne encore aujourd’hui, avec la plus jolie fille jamais contemplée par mes yeux cubains ; et, pour la conserver, je dus m’évertuer à lui caresser les tympans avec du Debussy, les pénétrant de ce suave perforateur qui la faisait tomber  dans une extase que j’étais pour ma part bien incapable de lui procurer sans l’aide de vagues à douze heures et quart du matin (comme dit Satie). »

   Comme quoi la musique dite savante infuse souvent la meilleure musique populaire, et peut même s’intégrer à une stratégie de séduction. Alors, Debussy, le tube intemporel et irrésistible de l’été ?

Extraits p.200 et 201.

Roman paru en 1979 / Edité au Seuil, Collection Points n°P599 dans une magnifique traduction d'Anny Amberni, en février 1999.

   Quant à la valse de Debussy, en voici une version plus que lente de Samson François  (un peu lente à charger, cela va de soi...) :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 11 mars 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #La Musique et les Mots

Publié le 4 Février 2010

Joan Jeanrenaud : "Strange toys", le violoncelle éperdument.

   Le temps est venu de célébrer une violoncelliste dont la carrière a été associée pendant vingt ans à celle du Kronos Quartet, c'est-à-dire à l'un des quatuors les plus étonnants de notre temps, à la fois par la qualité de ses interprétations et son engagement indéfectible du côté des meilleures musiques contemporaines. Joan Jeanrenaud a rejoint le quatuor de David Harrington en 1978, pour le quitter en 1999. Depuis, elle se consacre à une carrière solo tournée vers  diverses expérimentations. Strange toys, sorti en 2008 sur le label californien Talking House Records est le résultat d'une série d'envies sonores, d'un face à face avec son violoncelle en studio, et de rencontres avec quelques musiciens.

   Le premier titre, "Sling shot", nous plonge dans une ambiance mystérieuse, un jeu d'écho entre glissendi langoureux et pizzicati énigmatiques. Étirement des cordes, lâcher du projectile qui rebondit dans des jungles courbes. "Axis" : le violoncelle se déploie somptueusement, se multiplie sur fond de boucles. Joan ne s'enfonce pas dans des expérimentations pénibles pour l'oreille. Son violoncelle chante, magnifié par une utilisation intelligente de la technologie. "Kaleidoscope" peut ainsi proposer un curieux duo avec les beats acidulés de Pc Muñoz, juste avant que ne surgisse...deux violes de gambe sur "Transition", le plus long titre, presque treize minutes intemporelles, sur un schéma ABA : majestueuse introduction des violes dans le goût baroque ; développement d'esprit minimaliste aux deux violoncelles, tout en inflexions capricieuses et décrochements, violes en sourdine ; court retour au premier plan des violes pour une languide extase. On peut être catalogué "avant-garde" et jouer et composer dans la grande tradition ! "Tug of wars" prolonge "Transition" par une plainte dépouillée, le violoncelle dans un jeu de miroirs exsangues. La suite de l'album invite à deux reprises le percussionniste William Winant, au marimba sur "Dervish" et au vibraphone sur "Livre", l'un des morceaux les plus fascinants de cet album atypique et si personnel. "Air & Angels" convoque  autour du violoncelle une sculpture  carillonnaire, un quadrachord -instrument électroacoustique à longues cordes, pour accompagner la lecture par Pc Muñoz d'un poème de John Donne : moment extraordinaire aussi ! Bref, laissez-vous transporter par le violoncelle réinventé d'une musicienne pleinement d'aujourd'hui. Une grande !!

Paru en 2008 chez Talking House Records / 14 plages /

Voici le texte de John Donne, "Air & Angels", dit (fort bien dit !) par Pc Muñoz.

Joan Jeanrenaud : "Strange toys", le violoncelle éperdument.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 29 janvier 2021)

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Publié le 19 Novembre 2009

Bruce Brubaker (1), interprète sensible des musiques d'aujourd'hui.
   Tout me menait vers Bruce Brubaker, ce pianiste américain enseignant à la Julliard School et directeur du département de piano du New England Conservatory de Boston. Parce qu'il compte parmi ses élèves Francesco Tristano Schlimé, l'un des deux pianistes de l'excellent trio Aufgang (chroniqué récemment). Et parce qu'il interprète les grands compositeurs américains que je défends depuis longtemps. Philip Glass et John Cage dans son premier disque paru en 2000 sur le label Arabesque, auquel il reste fidèle depuis. John Adams et Alvin Curran sur Inner Cities paru en 2003. Voilà un enregistrement magnifique pour découvrir ces deux immenses compositeurs, même si trois (quatre ?) des cinq œuvres proposées sont disponibles ailleurs. "Phrygian Gates" et "China Gates" de John Adams ont été enregistrées par la pianiste Gloria Cheng-Cochran sur le label Telarc en 1998. Ce sont deux compositions qui témoignent d'une première période minimaliste de John Adams, qui a depuis pris ses distances avec ce courant. Sous les doigts de Bruce, la première est une longue pulsation flottante sur un brouillard lumineux coupé de cadences dynamiques ; la seconde,  incantation en boucles chromatiques intenses. Le pianiste belge Daan Vandewalle a quant à lui consacré un coffret de quatre cds aux Inner Cities d'Alvin Curran, l'un des premiers monuments pour le piano de ce vingt-et-unième siècle (cf. chronique).

Bruce Brubaker propose en plus une transcription inédite pour piano d'une aria de l'opéra Nixon in China de John Adams : page au lyrisme fluide, sensible, toute en transparences tranquilles.  Et puis il joue, il ose jouer la musique d'Alvin Curran. "Endangered species", un morceau ailleurs interprété au diskklavier, échantillonneur et synthétiseurs. Ici, c'est une interrogation litanique d'une bouleversante douceur posée au bord du silence dans la ouate de l'impalpable.

Et puis il y a "Inner Cities I", première pièce de l'immense cycle d'Alvin. Comparer les interprétations de Daan et de Bruce ? Les deux sont remarquables. Daan, rigueur analytique, tenue et densité, toucher ferme ; Bruce, attention, retenue et douceur, toucher tendre... Pour aller vite ! À chaque écoute, de toute façon, je bascule, quelque chose s'ouvre, se déclenche, je frémis, j'écris. Ceci par exemple :

 

Touche le fond

Touche-le

Touche le fond           le fond

Touche

Et

Rebondis

Bondis

Touche le bond

Le bond du fond

Tout au fond

Touche tout le fond                           

Le Tout du fond

Au fond du fond

Sans relâche

Touche

Ne te lasse pas

Appuie sur la touche

Qui les contient toutes

Délivre-nous des touches

Ne lâche pas la touche

Tu la tiens       ne cesse pas de la frapper

Ostinato

Ça vient          ça cède

Touche la touche

Coule dans la douceur des dessous

Touche sous la touche

Il n’y a plus de fond

Tout vient       l’eau des touches remplit la bouche d’infini

La touche fait souche dans la renverse du ciel

La touche touche

Accouche le silence    le silence qui lance

Le silence délicat des aubes diaphanes

Le silence qui danse éperdu au bord des notes caressées

 

En écoutant Inner Cities I d’ Alvin Curran

27 septembre -19 novembre 2009

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 janvier  2021)

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Publié le 15 Octobre 2009

Selon David Lang : "the little match girl passion"
   Chaque nouvel enregistrement d'œuvres de David Lang confirme l'importance de ce musicien américain, cofondateur avec Michael Gordon et Julia Wolfe de Bang On A Can, nom qui désigne à la fois cet énorme festival new-yorkais consacré aux musiques contemporaines les moins sectaires et l'ensemble instrumental qui les porte.
   "the little match girl passion" est à ma connaissance la seconde incursion d'envergure de David dans le domaine de la musique vocale. La première remonte à cet étonnant "comic strip opera", The Carbon Copy Building, cosigné avec Michael et Julia, aux confluences du rock expérimental et de la musique contemporaine. Cette fois, la musique, interprétée magnifiquement par le Theater of Voices de Paul Hillier, et peut-être sous son influence, semble une étonnante rencontre entre l'univers dépouillé, mystique, de l'estonien Arvo Pärt - que les chanteurs de Paul Hillier connaissent si intimement, et celui... de David lui-même, marqué par un constructivisme d'une absolue rigueur, une densité extraordinaire.
  La Passion de la petite fille aux allumettes, inspirée du conte d'Andersen, le conte préféré de sa femme Suzanne Bocanegra à qui est dédiée l'œuvre, suit le modèle de la Passion selon saint Matthieu de Bach en alternant fragments du conte et extraits qui sont l'équivalent  des réponses de la foule et des personnages ajoutés par Bach au texte évangélique. " Mais il n'y a ni Bach, ni Jésus dans mon œuvre - disons plutôt que la souffrance de la Petite fille aux allumettes se substitue à celle de Jésus, et (du moins je l'espère) place sa douleur sur un plan transcendant", précise le compositeur sur le très éclairant livret trilingue. [Lutter contre le déclin du disque passe par la réalisation de tels livrets, indispensables !! Combien de livrets d'accompagnement sont désespérément vides, parfois beaux certes, souvent illisibles, indigents...]

   "Come, daughter", la pièce d'ouverture, donne le ton de cet opus admirable : à peine ponctuée par une percussion étouffée, elle se développe comme un lamento lancinant, une convergence bouleversante de voix qui mêle appels déchirants et hoquets en bourdon tremblé ou tremolos discordants, presque caricaturaux. D'une beauté stupéfiante. Les fragments narratifs sont autant de récitatifs intenses segmentés, éclairés par la  vibration parcimonieuse de percussions cristallines. Comme toujours chez Lang, aucun bavardage, aucune emphase, une tenue qui creuse dans le tuf d'un absolu étincelant avec une obstination implacable, si bien que tout bref envol de voix lâchées prend des allures sublimes. Une cloche suffit pour que le rapprochement avec Arvo frappe encore, comme dans le morceau 9, "Have mercy, my God". Cloches diverses et crotales rappellent que David Lang est aussi le compositeur de pièces percussives, parmi les plus belles de ce début de siècle. Le morceau conclusif de cette passion, "we sit and cry", en témoigne à nouveau, balbutiement répété qui bute sur la lumière, intérieure, de l'ultime repos.
  

   Le disque propose quatre autres œuvres vocales. La première, inspirée du Cantique des Cantiques, "for love is strong",  est la déclinaison litanique des comparaisons qui illustrent la puissance de l'amour. "i lie", d'après une chanson yiddish, illustre une situation d'attente, d'espoir : chant baigné d'une douce lumière, modeste et fragile."evening morning day" célèbre la création du monde à partir du chapitre 1 de la Genèse à la manière d'un chant grégorien déconstruit. "again" dit l'éternel retour du même selon L'Écclésiaste avec des voix angéliques chargées d'accablantes chimères...
Paru en  2009 chez Harmonia Mundi usa / 19 plages / 65 minutes

Illustration de Yann d'Argent (1824 - 1899)

Illustration de Yann d'Argent (1824 - 1899)

Voici le conte (Noël n'est pas si loin...). Traduction de MM. Ernest Grégoire et Louis Moland.  

Il faisait effroyablement froid; il neigeait depuis le matin; il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue: elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Lorsqu'elle était sortie de chez elle le matin, elle avait eu de vieilles pantoufles beaucoup trop grandes pour elle. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle eut à se sauver devant une file de voitures; les voitures passées, elle chercha après ses chaussures; un méchant gamin s'enfuyait emportant en riant l'une des pantoufles; l'autre avait été entièrement écrasée.
Voilà la malheureuse enfant n'ayant plus rien pour abriter ses pauvres petits petons. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes: elle en tenait à la main un paquet. Mais, ce jour, la veille du nouvel an, tout le monde était affairé; par cet affreux temps, personne ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite qui faisait pitié. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue.
   Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure blonde. De toutes les fenêtres brillaient des lumières: de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur, celle de l'oie, qu'on rôtissait pour le festin du soir: c'était la Saint-Sylvestre. Cela, oui, cela lui faisait arrêter ses pas errants.
   Enfin, après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçoit une encoignure entre deux maisons, dont l'une dépassait un peu l'autre. Harassée, elle s'y assied et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds: mais elle grelotte et frissonne encore plus qu'avant et cependant elle n'ose rentrer chez elle. Elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait.
   L'enfant avait ses petites menottes toutes transies. «Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts? » C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était! Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, décoré d'ornements en cuivre. La petite allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement: le poêle disparut, et l'enfant restait là, tenant en main un petit morceau de bois à moitié brûlé.
Elle frotta une seconde allumette: la lueur se projetait sur la muraille qui devint transparente. Derrière, la table était mise: elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes: et voilà que la bête se met en mouvement et, avec un couteau et une fourchette fixés dans sa poitrine, vient se présenter devant la pauvre petite. Et puis plus rien: la flamme s'éteint.
   L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit transportée près d'un arbre de Noël, splendide. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs: de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite étendit la main pour saisir la moins belle: l'allumette s'éteint. L'arbre semble monter vers le ciel et ses bougies deviennent des étoiles: il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre, laissant une traînée de feu.
   «Voilà quelqu'un qui va mourir » se dit la petite. Sa vieille grand-mère, le seul être qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte il n'y avait pas longtemps, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le paradis. Elle frotta encore une allumette: une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère.
- Grand-mère, s'écria la petite, grand-mère, emmène-moi. Oh! tu vas me quitter quand l'allumette sera éteinte: tu t'évanouiras comme le poêle si chaud, le superbe rôti d'oie, le splendide arbre de Noël. Reste, je te prie, ou emporte-moi.
   Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet, pour voir la bonne grand-mère le plus longtemps possible. La grand-mère prit la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni de froid, ni de faim, ni de chagrin: c'était devant le trône de Dieu.
   Le lendemain matin, cependant, les passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite ; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire ; elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa petite main, toute raidie, les restes brûlés d'un paquet d'allumettes.
- Quelle sottise ! dit un sans-cœur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait ? D'autres versèrent des larmes sur l'enfant; c'est qu'ils ne savaient pas toutes les belles choses qu'elle avait vues pendant la nuit du nouvel an, c'est qu'ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère la plus douce félicité. 

Illustration de Bertall (1820 - 1882)

Illustration de Bertall (1820 - 1882)

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 22 janvier  2021)

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