musiques contemporaines - experimentales

Publié le 17 Février 2014

Ann Southam - Soundings for a new piano

   Premier article consacré à la compositrice canadienne Ann Southam (1937 - 2010), à l'occasion d'un disque assez bref que lui a consacré le pianiste R. Andrew Lee sur un label passionnant que je suis en train d'explorer, Irritable Hedgehog Music. Pour sa biographie, je renvoie le lecteur à la Vitrine des Compositeurs du Centre de Musique Canadienne, beau site bilingue (et non tristement unilingue anglais comme trop de sites de labels et d'artistes français, je récidive !!). Son œuvre abondante, à peu près inconnue en France, a fait l'objet de plusieurs disques dont j'espère vous présenter bientôt une sélection.

   Le disque comprend douze mouvements, plus un interlude après la septième pièce.  Ann Southam, qui n'est pas spécialement adepte du dodécaphonisme rigoureux d'Arnold Schoenberg, a cependant adopté son procédé, utilisant la même série au fil des années, reconnaît-elle, lui insufflant, à l'entendre, un sens tonal - Schoenberg récusait d'ailleurs le terme d'atonalité, faut-il le rappeler.  Sous-titrées "Douze méditations sur une série de douze tons", les pièces peuvent, selon la compositrice, être jouées dans n'importe quel ordre, voire séparément. Neuf d'entre elles répètent certaines séquences rythmiques et certaines notes, contrairement au "dogme" dodécaphonique, si bien que la série n'est complète qu'à la fin de la plupart des mouvements. En somme, la musique d'Ann Southam croise dodécaphonisme et...minimalisme !

   Il en résulte une musique à la fois méditative et fraîche, tonifiante. Chaque pièce sonne comme l'esquisse intrigante d'une mélodie, une interrogation fougueuse ou rêveuse. L'utilisation de la pédale contribue à unifier ces séquences sonores de notes juxtaposées - à de rares exceptions dans les deux derniers mouvements. Leur air de famille, surtout dans les sept premières, contribue à leur charme énigmatique. L'interlude, irisé de très brefs éclats, fragmente le motif récurrent jusqu'à le diluer dans son apaisement lumineux. Il ouvre la voie à des pièces plus contrastées, comme la puissante huitième, articulée sur des martèlements dramatiques, ou l'étonnante neuvième, réplique assourdie de la précédente, plus tâtonnante dirait-on. Le motif revient dans la dixième, plus interrogateur encore, dans un jeu insistant de boucles, pour disparaître dans la onzième qui joue dans les marges, déploie des accès de violence imprévus, avance comme une somnambule ironique et distante. Le cycle se clôt sur la limpide douzième, qui étire le motif, le décline avec une langueur majestueuse, une grâce souveraine.

    Un disque superbe, interprété avec une vibrante rigueur par R. Andrew Lee. Oubliez les vingt-trois minutes : ces miniatures dilatent le temps !

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Paru chez Irritable Hedgehog Music en 2011 / 13 pistes / 23 minutes

Pour aller plus loin

- le site du pianiste

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 30 juillet 2021)

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Publié le 25 Novembre 2013

Nurse with Wound (3) / Graham Bowers - Parade

   LA BEAUTÉ SERA CONVULSIVE OU NE SERA PAS

   Moins de deux ans après Rupture, première collaboration entre Nurse With Wound / Steven Stapleton et Graham Bowers, Parade prétend poursuivre l'exploration des multiples formes de la psyché humaine. Il s'agit un long morceau de cinquante-trois minutes découpé pour la commodité des auditeurs en huit pistes.

   Une flûte lointaine, à laquelle répondent d'autres bois, des grincements, frottements, une voix, une interpellation à laquelle il est répondu de façon moqueuse, suivie d'un ricanement, de l'arrivée de percussions, et c'est parti en charrette à bras pour l'enfer, "Off to Hell in Handcart". La procession commence, grotesque, truculente, à coups de grosse caisse, de trombones et autres cuivres, dans un grouillement de sons divers. NWW et Graham Bowers déversent dans nos oreilles une musique rabelaisienne qui n'a peur de rien, une cacophonie ubuesque rutilante d'une vitalité débordante. Depuis longtemps, NWW est passé maître dans l'art du collage sonore - ses pochettes vont dans le même sens - dans la grande tradition surréaliste. "Apes and Peacocks", après quelques roulements de tambour, commence somptueusement dans des coloris sombres et grinçants, des arrière-plans mystérieux. Le titre  se développe avec une amplitude symphonique d'un superbe effet : une lutte discrète se trame, l'atmosphère est survoltée. Quel sens dramatique ! Quelle puissance narrative !! Des forces surgissent, perturbent le bel agencement. Toute l'œuvre se structure autour de cette dialectique ordre / chaos, s'agence autour de l'apparition de souvenirs sonores, avec des moments de grâce étrange, fulgurante, suspendus entre deux cahots du charivari, deux hoquets. "Bells of Hell go Ting A'Ling A'Ling", après une très brève accalmie, sons de cloches et grondements lointains, évolue sur une ligne brisée par les cymbales, syncopes et autres borgborygmes sonores. Du pur théâtre sonore comme le pratique Graham Bowers. Imaginez une moulinette géante couplée à une rythmique implacable, et vous aurez une petite idée de la suite du morceau, industriel et délirant. Le voici en écoute...

   Les machines folles s'emballent, s'arrêtent sans prévenir pour laisser échapper de brèves échappées mélancoliques, des bouffées de musiques foraines concassées et envahies par des coulées de drones noirs. L'imagination, comme depuis si longtemps chez NWW, est au pouvoir, un pouvoir décapant, qui lamine tous les clichés, revitalise tous les matériaux charriés. Écoutons le début de "Ring A Ring O'Roses" : solennel, avec ses cordes fastueuses, mais déjà miné par des glissements, dérapages intempestifs. Cette musique ne connaît pas le respect : elle est animée, au sens le plus fort, plastique et cinétique, si bien qu'elle vire très vite vers la caricature, l'iconoclasme. Tous les échantillons qu'elle brasse sont dépaysés, détournés, avec une jubilation énorme : pas question de s'appesantir ! Pourtant, la symphonique et fastueuse introduction de "A Tissue of Deceit" pourrait nous conduire vers des rivages d'ambiante sombre, que nenni !! Les percussions viennent trouer le tissu, déchiqueté allègrement, pour nous entraîner dans un rythme claudicant hanté par des crooners, saturé par une enflure sonore monstrueuse. Et les divas s'époumonent sur des percussions hachées, des lambeaux symphoniques sont perdus dans une jungle métallique dont sourdent des milliers d'oiseaux d'acier ! C'est extraordinaire.

   D'où mon titre, emprunté à Nadja (1928) d'André Breton. C'est la dernière phrase du récit, reprise et variée dans L'Amour fou ((1937) : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle, ou ne sera pas. » La musique de Nurse With Wound et Graham Bowers me semble suivre ce programme, incarner cette nouvelle définition de la beauté, impertinente et d'une liberté renversante. "érotique-voilée", elle tient du spasme et de de l'éjaculation, déborde de jouissance et dans le même temps se coule dans des voiles sonores, joue avec les interdits. "explosante-fixe", elle aime les formes longues qu'elle subvertit sans cesse par des caprices, irruptions, par son énergie impétueuse. "magique-circonstancielle", elle adore les merveilles, surfe sur l'instant, ne cesse de renaître dans un processus de recomposition-métamorphose vertigineux.

   N'écoutez rien dans la proximité de ce disque fulgurant : toutes les musiques risquent de vous sembler terriblement empruntées, amphigouriques, étriquées...Des électrons libres comme Alvin Curran peuvent seuls survivre...

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Paru chez Red Wharf en 2013 / 8 pistes / 53 minutes

Pour aller plus loin :

- le site de Nurse With Wound

- mon article sur Chance Meeting On A Dissecting Table

- l'illustration intérieure de la pochette, par Graham Bowers :

Nurse with Wound (3) / Graham Bowers - Parade

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 juillet 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Expérimentales

Publié le 21 Septembre 2013

Joseph Byrd - NYC (1960-1963)

   Une fois n'est pas coutume, INACTUELLES vous plonge dans les années soixante, pour s'intéresser de surcroît à un compositeur vraiment peu connu. Mais qui vaut le détour. Né en 1937, le jeune Joseph Byrd, originaire de Louisville (Kentucky) joue dans des groupes pop ou country. À l'université de Stanford, il rencontre La Monte Young. Une fois diplômé, il gagne New-York où il participe à l'expérience Fluxus avec La Monte Young et Yoko Ono notamment. Il commence à être connu pour des compositions de la première vague minimaliste. C'est alors qu'il étudie sous la direction de John Cage, dont il aurait, selon ses dires, été le dernier élève. C'est au début des années soixante également qu'il rencontre Morton Feldman, dont il suit deux cours qui l'influencent beaucoup. Il a ensuite une carrière mouvementée, peu dans les normes académiques, Joseph Byrd mêlant rock et électronique, performance artistique et positions radicales. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir puisque son activité musicale n'a pas cessé jusqu'à ce jour.

   Le programme de NYC (1960 - 1963) est indiqué par son titre. Tout l'album oscille entre ses deux influences d'alors, Cage et Feldman. Cage d'abord. "Animals", la pièce de 1961 qui ouvre l'album, rassemble deux violons, un alto, violoncelle, marimba et vibraphone autour d'un piano préparé, l'ensemble sonnant comme une sorte de gamelan indonésien : musique aux résonances tribales, dominée par les notes percussives, intense et douce, à sa manière presque méditative, incantatoire en raison de sa structure de base répétitive, sur laquelle viennent se tisser les différents motifs. "Loops and sequences", aussi de 1961, pour violoncelle et piano, est vraiment feldmanien, donnant l'impression d'une trame flottante, chaque son comme une bulle venant éclater à la surface. La pièce alterne sons tenus et sons non tenus, se construit comme au fur et à mesure. C'est absolument fascinant, magnifique comme le meilleur Feldman. Les trois aphorismes de 1960 pour piano préparé font évidemment songer à John Cage : c'est un monde d'une étrangeté radicale, livré à la fantaisie sonore. Superbe aussi !! "Densities" de 1962, est pour alto solo environné de quatre instruments cantonnés aux aigus (trompette, violoncelle, marimba, vibraphone). Tandis que l'alto joue une ligne clairsemée, parfois pizzicato, voire col legno, l'accompagnement l'entoure de simultanéités peu développées. Toute notion de rythme se perd, l'auditeur est face à des fragments temporels se succédant de manière imprévisible, ici encore à la Feldman. Les quatre poèmes sonores de 1962 sont vraiment dans l'esprit de Cage. Plus de mots, donc de significations, mais des fragments, des phonèmes diraient les linguistes, dans l'esprit des expérimentations cagiennes, certes, mais renouant avec des chants sans mots du Moyen-Âge. On peut trouver l'exercice puéril...il n'empêche qu'une écoute attentive force à reconnaître un vrai charme poétique à ses voix suspendues, hoquetantes. Le "String Trio" de 1962 pour violon, alto et violoncelle, se place sous l'influence de Feldman : divisions irrégulières, importance du silence, des souffles et sonorités frottées, à la limite de l'audible, jeu subtil de permutations des sons. Rien à dire, l'élève a bien écouté le maître admiré, le résultat est dépaysant à souhait, au-delà, comme toujours.

   Le disque se termine avec "Water Music" de 1963. À cette date, John Byrd a accès à un matériel d'enregistrement multi-pistes. La composition peut ainsi associer sons électroniques pré-enregistrés et percussions jouant en direct. On entend aussi bien des gongs, marimbas, que des cloches de vaches accordées, le compositeur ayant choisi de prendre des instruments dont les timbres, sonorités, sont assez proches des sons électroniques. Divisée en quatre sections, c'est l'œuvre qui se sépare le plus des deux mentors pré-cités et annonce la carrière ultérieure du musicien. Très beau travail sur la pâte sonore en mouvement permanent que ce jeu des drones traversés de frottements, tintinnabulements, résonances.

   J'allais oublier...une facétie à la John Cage, "Prelude to The Mystery Cheese-Ball", presque quatre minutes pour sept ballons liturgiques en caoutchouc, idéale...pour percer les tympans obstrués !!

   Un excellent programme, interprété par l'American Contemporary Music Ensemble, dans lequel on retrouve notamment Caleb Burhans (au violon) de Itsnotyouitsme

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Paru chez New World Records en 2013 / 11pistes / environ 63'

Pour aller plus loin

- la page consacrée au disque sur le site de New World Records

- en écoute le très beau "Water Music" :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 26 juillet 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Expérimentales

Publié le 9 Septembre 2013

Alvin Curran - Shofar rags

   Il est difficile d'imaginer Alvin Curran sans son chophar (ou shofar selon les anglophones). Chez lui, lorsqu'il reçoit des amis, il arrive toujours un moment où il se fait un plaisir de souffler dans sa corne de bélier. Lors de l'inauguration de l'exposition consacrée aux aquarelles de son amie Edith Schloss à la Casa delle Letterature à Rome en décembre dernier, je l'ai vu en sonner en public. Il était donc logique qu'il consacre un disque à cet antique instrument lié au rite israélite, instrument qui accompagne sa vie quotidienne depuis des années. À sa manière, bien sûr, en l'associant à des processus électroniques et à de très nombreux échantillons collectionnés avec passion et stockés dans son ordinateur et son clavier échantillonné. N'a-t-il pas mis en exergue ceci, avec des remerciements à John Cage : « Le monde est ma langue-mère, ma synagogue, mon chophar, mon solfège, ma radio, ma première et dernière symphonie, mon seul livre-audio. » Le chophar sonne le monde, fait tomber les murailles mentales comme il a, selon la tradition, fait tomber celles de Jéricho. Ce nouveau disque est donc un hymne à la vie, fougueux, débridé, un nouveau voyage en solitaire, relayé sur deux pistes par le grand tam-tam de William Winant (la 3), l'accordéon de Arnold Dreyblatt et la clarinette soprano de Michael Riessler (la 6).

   "Shofar Puro Alap", le premier titre, donne à entendre l'instrument dans toute sa pureté brute : sonneries courtes et longues, réitérées, puis étirées, prolongées d'échos, triturées jusqu'à prendre une texture étrange, s'incorporer à un véritable poème sonore électronique. Le temps se distend, et c'est un peu comme si l'on rentrait à l'intérieur de l'instrument, dans ses volutes, sa belle torsade. Après ce "portique" d'entrée, "Shofar X17" nous plonge dans un océan de sonneries, certaines comme les trompes marines qu'Alvin affectionne et qu'il a déjà utilisées dans d'autres pièces. Immersion dans un temps lointain, celui de l'indistinction, « quand bruit, respiration, parole et musique ne formaient qu'un » comme le compositeur le rappelle dans le petit texte de présentation du livret. Les sonneries se mêlent aux cris, grognements d'animaux d'autant mieux que le souffle donne aussi à entendre des chuintements, des gargouillis sonores. Peu à peu surgissent des sons divers, des voix, dans une cacophonie hoquetante, mais transcendée par les reprises du chophar. Le monde naît véritablement du souffle de cet instrument élémentaire, en un sens. La pièce devient un collage coloré, entre free jazz et incidences industrielles, avec des moments extatiques magnifiquement imprévus.

   Le troisième titre, "Shofar T Tam" commence au ras du souffle, dans des balbutiements musicaux qui se changent en traînées lumineuses. Le rythme est très lent, l'atmosphère solennelle ponctuée par les beaux coups profonds de tam-tam de William Winant. Véritable incantation, ode aux naissances multiples dans une nature présente à travers des échantillons divers, le morceau dit l'enchantement des mondes en gestation, des aurores auditives. On remonte aux sources des psalmodies, dans l'effervescence diaphane des commencements. Une splendeur pour tous ceux qui sauront accueillir cette musique naïve et en même temps d'un extrême raffinement. Après ce moment aux résonances parfois orientales, japonisantes, "Alef Bet Gimel shofar" nous plonge dans un monde panique, tout en cassures, dissonances, glapissements, dérapages et accélérations, ponctué de coups métalliques : en fait un interlude - la fin du chaos et le début de l'ordre du monde, d'abord alphabétique - avant "Shin Far Shofar 1" qui débute avec des sonneries longues progressivement serties d'harmoniques électroniques lumineuses très légèrement pulsantes et se situe dans la mouvance des extraordinaires Canti illuminati. C'est une échappée folle, somptueuse, trouée de nuages mystiques étonnants, des voix lointaines multipliées, des échantillons de fêtes ou cérémonies de confréries religieuses lovés dans les boucles longues du chophar. Juste après, "Shofar der Zeit" marie un peu à la klezmer chophar, accordéon et clarinette dans une atmosphère survoltée pour un autre interlude, avant le dernier long titre "Shin Far Shofar 2", qui clôt l'album par des rivages dans un premier temps éthérés, apaisés. Le chophar retrouve sa fonction d'appel : il ouvre les vannes célestes, célèbre la Vie, et c'est un bouillonnement, une joie des sons, interminable...

    Un disque remarquablement conçu, un chef d'œuvre d'Alvin Curran, authentique compositeur inspiré de notre temps, à écouter absolument ! 

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Paru chez Tzadik en 2013 /  7 titres / 60' environ.

Pour aller plus loin

- le site d'Alvin Curran, sur lequel vous trouverez pas mal d'extraits de ses œuvres (trop brefs, je sais, mais pour une mise en appétit...)

- Alvin Curran en concert le 21 avril 2007 à La Hague pour une improvisation au chophar et au clavier échantillonné : plus "Transdada express" en effet que sur le disque, je tiens à le préciser...et à rassurer les oreilles sensibles que ce déferlement inquièterait...Moi, cette folie me ravit, parce qu'elle dit la musique inscrite autour de nous, jusque dans les gémissements amoureux !

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 26 juillet 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Alvin Curran, #Musiques Contemporaines - Expérimentales

Publié le 24 Août 2013

Simeon ten Holt - Solo Piano music (Volumes I-V)

Dans l'Océan du Temps

   Décédé le 25 novembre 2012 à l'âge de 89 ans, Simeon ten Holt est sans doute l'un des compositeurs néerlandais les plus importants de la fin du vingtième siècle et du début de l'actuel. Très connu dans son pays, il l'est beaucoup moins (euphémisme ?) dans le nôtre. Lié au mouvement De Stijl, il a étudié auprès de compositeurs locaux, mais aussi pendant cinq années à Paris sous la direction de Arthur Honegger et Darius Milhaud (Philip Glass a aussi été l'élève de ce dernier), un apprentissage qu'il qualifie d'expériences  plaisantes, sans aucune importance sur sa trajectoire de compositeur. Un moment tenté par l'atonalité, le sérialisme, il élabore un procédé qu'il appelle "dialogisme", caractérisées par des structures en chiasme centrées sur des tritons. Souvent rattaché au courant minimaliste pour son écriture fondée sur des structures rythmiques répétitives, il conçoit des œuvres mouvantes, dont la durée n'est pas fixée, chaque interprétation permettant aux instrumentistes d'opérer des choix propres. De fait, chaque pièce devient une forme organique en perpétuelle évolution, travaillée par des boucles serrées variées. Je le comparerais volontiers à un Morton Feldman en raison de leur goût pour les longues tapisseries sonores. Mais autant l'américain crée un climat de quiétude par la juxtaposition de rares raréfiées, surtout à la fin de sa vie, autant le néerlandais (en tout cas ici) virevolte, caracole, donne à sa musique un caractère virtuose lié à une rythmique volontiers endiablée, infatigable...Deux compositeurs aux extrêmes de la constellation minimaliste, dans des marges très personnelles.

   Il doit sa célébrité à Canto Ostinato, élaboré entre 1975 et 1979, interprété pour la première fois dans une église de Bergen, la petite ville côtière néerlandaise où il vivait, pour trois pianos et un orgue électrique alors qu'il fut écrit originellement pour piano solo. Depuis ont fleuri différentes versions, au moins huit, une pour huit violoncelles étant imminente.

  Le pianiste néerlandais Jeroen van Veen, auquel on doit déjà deux coffrets formidables pour découvrir les facettes du minimalisme - Minimal piano Collection, 9 cds / Minimal piano Collection Volume X_XX, 11 cds - et un monumental coffret de dix cds consacrés aux œuvres pour plusieurs pianos de Simeon ten Holt, vient de publier un "petit" coffret de cinq disques dédiés aux compositions pour piano solo. On y retrouve sans surprise Canto Ostinato (interprété pour deux pianos avec son épouse Sandra au volume X de la Minimal piano Collection) en première position.

   Un peu plus de cent sections pour presque quatre-vingt minutes d'un chant obstiné, en effet, jamais en peine, nous entraînant au fil de ses variations incessantes, laissant entrevoir des bribes d'une mélodie tapie dans la trame profonde. Très vite, on perd tout repère, on s'abandonne au flux, sans souvenir, sans avenir. Le rythme est tel que la mémoire n'a plus le temps d'intervenir pour nous transporter en dehors du moment présent - je parle évidemment de l'auditeur qui n'a pas décroché, dérouté, effrayé par l'espace à parcourir. C'est une musique authentiquement séduisante, qui détourne du droit chemin des soucis pour nous ramener au temps pur. Le jeu lumineux de Jeroen, sa frappe joyeuse, sont irrésistibles !

  Et les quatre autres disques, me direz-vous ? Sur le disque 2, on trouve Natalon in E (1979-1980) une pièce en cinq mouvements, plus courte - quarante-deux minutes seulement ! - qui m'a parfois déconcerté, surtout dans le second mouvement, du Bach un peu mièvre aurait-on dit, mais qui m'a ensuite pris par surprise par des variations très imprévues, avec un "Lento Sustenuto" rare et émouvant et un finale "Molto Allegro Giusto"alternant brillamment moments graves et enlevés. Et un délicieux "Aforisme II" de 1974 dans la lignée d'un Chopin ou d'un Schumann : étonnant !

   Les disques 3 à 5 sont occupés pour l'essentiel par l'immense Solo Devil's Dance, dont les quatre versions voient le jour entre 1959 et 1998. Revoilà nos tritons, appelés dans la tradition musicale "Diabolus in Musica", réputés désagréables pour l'oreille et déconseillés à la fin du Moyen-Âge, mais employés ensuite par Bach, Berlioz, Stravinsky ou...Black Sabbath ! C'est à mon sens le cœur de ce coffret, insupportable pour nombre d'auditeurs, je m'en doute et m'y suis d'ailleurs rompu les oreilles lors des premières écoutes partielles. L'idéal, c'est l'écoute intégrale, à défaut par version. Alors seulement la magie peut jouer. Car c'est un ensemble de compositions fascinantes, comme une immense étendue de milliers de miroirs pivotant, en vis-à-vis, les cellules rythmiques intriquées se répondant en chiasmes parfaits ou subtilement modifiés... Absorbé dans l'avènement de ces schèmes, l'auditeur ne voit pas des intervalles temporels apparaître, il est face au perpétuel surgissant, dans l'abolition entre le rythme de la durée et celui des événements. Il vit ainsi ce que le philosophe Louis Lavelle appelle une « éternisation », éprouvant l'impression d'une éternité qui se réalise dans le temps, connaissant dans le présent immobile de son écoute une intense joie. Si l'on ajoute qu'à cela s'ajoute un autre effet, celui d'un éternel retour du même, mais un peu différent (voir une autre pièce de 1995, sur le disque 5, intitulée justement Eadem Sed Aliter), le sceptique comprendra que je célèbre les louanges d'une danse diabolique à la beauté virtuellement infinie, diffractée par la rythmique annihilant toute analyse historique de l'œuvre. Soulagé du poids du passé, ma faculté de sentir est décuplée, dirait un autre philosophe, Nietzsche...Le diable est léger parce qu'il ne connaît que l'instant présent, ignorant regret et remords et se souciant peu de l'avenir !

   Je reviens sur mon titre : "Dans l'Océan du Temps". La musique de Simeon ten Holt submerge, nous tient lieu de conscience pendant toute écoute véritable ; elle semble sans début ni fin, toute à la joie de sourdre en nous pour nous donner un pur bonheur, celui d'être... C'est une expérience unique, une méditation puissante dont on ne peut "sortir" que régénéré...

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Paru chez Brilliant Classics en 2013 / 5 cds / 27 pistes / Plus de cinq heures    

Pour aller plus loin

-le site officiel du pianiste Jeroen Van Veen

- le site officiel consacré à Simeon ten Holt

 

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 26 juillet 2021)

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Publié le 28 Juin 2013

Le Piano sans peur (3)

   Je voulais rendre hommage au pianiste américain Bruce Brubaker, interprète de Philip Glass et de bien d'autres (voir ici) et je suis tombé, comme on dit, sur une très belle vidéo, puis une seconde, à partir de chorégraphies de la danseuse Maureen Fleming. Je ne pouvais rêver mieux pour succéder à death speaks de David Lang. Formée à la danse buto, Maureen danse généralement nue, avec des mouvements très lents, des contorsions transformant le corps en une suite de sculptures. Le travail vidéographique de Christopher Oddo accentue cet aspect. L'extrait de Waters of Immortality est inspiré par la poésie de William Butler Yeats.  Bruce interprète l'étude n°5 pour piano de Philip Glass.

   Pour la seconde vidéo, Bruce interprète "Metamorphosis Two". À noter que la danseuse a enseigné à la Julliard School, comme le pianiste.

    Deux vidéos qui célèbrent la beauté du corps, de la Vie...après l'irruption de la Mort, de Thanatos dans l'article précédent, deux vidéos sur l'immortalité ! 

P.S. L'un des deux vidéos est indisponible, parce que Maureeen Fleming danse nue. Quelle bêtise ! En voici le lien  pour regarder sur YouTube : https://youtu.be/-qpRmG8Apo4

Pour aller plus loin

- le site de Maureen Fleming. Sur la page d'accueil, à nouveau Bruce Brubaker interprétant une autre pièce de Philip Glass, Satiagraha.

- le site de Bruce Brubaker.

- Yeats mis en musique par le compositeur irlandais Donnacha Dennehy : Grá agus Bás, un chef d'œuvre à découvrir, avec la soprano Dawn Upshaw.

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 9 juin 2021)

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Publié le 30 Mai 2013

Deux disques majeurs pour découvrir Lubomyr Melnyk.

Deux disques majeurs pour découvrir Lubomyr Melnyk.

   Il est des disques que l’on hésite à acheter, ou que l’on achète par fidélité à un compositeur; il est des disques dont on croit savoir d’avance qu’ils vous décevront. Corollaries était de ceux-là, et une première écoute distraite est bien sûr venu confirmer l’inévitable et puis...

   Mais faisons un petit retour en arrière. J’ai découvert Lubomyr Melnyk au détour d’un article de ce blog sur Moon Ate the Dark. Ma curiosité a fait le reste.

   Né en 1948, Lubomyr Melnyk est un pianiste d’origine ukrainienne - avec une allure quelque part entre Soljenitsyne et Arvo Pärt !! Il réside aujourd'hui au Canada. Il se fera rapidement connaître comme l’un des pianistes les plus rapides du monde (19 notes à la seconde), mais ce n’est pas pour cela que nous connaissons son nom aujourd’hui . Être le Paganini du piano et finir en singe savant exhibé sur des plateaux de télévision par un vulgaire animateur et pour un public inculte aurait pu être le destin de ce pianiste virtuose, mais Lubomyr Melnyk est avant tout un artiste, et son don lui a permis d’être à l’origine d’une nouvelle façon de jouer du piano : le piano en mode continu.

   Si le piano en « mode continu » ne peut être joué que par un virtuose, ce n’est pas pour autant une musique virtuose éprouvante à écouter. Lubomyr Melnyk joue un flot de notes très rapides et crée ainsi une tapisserie sonore, une rivière, un torrent de notes qui glissent autour de l’auditeur et l’emportent dans un flot sonore et lumineux. La musique est si rapide que l’oreille s’attache aux notes qui surgissent du flot constant comme les embruns crées par une cascade et provoquent ainsi une impression de ralentissement, voire de suspension de la musique. L’on est emporté par les flots, mais l’on perçoit le scintillement à la surface. Musique virtuose, dense, rapide, mais paradoxalement calme et reposante, car on est comme immergé dans la musique.

Lubomyr Melnyk - la musique en mode continu

    La plupart des disques de Lubomyr Melnyk sont auto produits et peuvent être achetés directement via son site. Outre le superbe KMH (chroniqué dans ces pages), je vous conseille tout particulièrement The Song of Galadriel pour piano solo, "Windmills", une pièce pour deux pianos de toute beauté. D’un accès un peu plus difficile, The Voice of Trees, œuvre un peu austère pour deux pianos et trois tubas créée pour la Kilina Cremona Dance Company.

   Peu de temps après ma découverte de cet artiste atypique, j’apprenais la collaboration de Lubomyr Melnick avec le label Erased Tapes et l’enregistrement d’un disque par et avec Peter Broderick. Si cette nouvelle me semblait excellente pour faire sortir Melnyk du quasi anonymat de son petit cercle d’initiés, d’un point de vue musical j’étais plus dubitatif, craignant un virage par trop commercial.

   ... et puis contre toute attente, la magie opère. Le premier titre "Pockets Of Light" commence comme du Lubomyr Melnyk « classique » et, sans que l’on s’en rende vraiment compte, un son surgit doucement en arrière fond, un bourdonnement électronique qui s’avère être le violon de Peter Broderick, puis vers la cinquième minute, c’est une voix qu’il nous semble entendre et quelque instants plus tard, sans que l’on s’y attende, Peter Broderick se met à chanter, un chant presque comme un murmure, un très beau texte écrit par Broderick : dix-neuf minutes de bonheur ! Le deuxième titre, "The Six Day Moment", est le seul titre solo de l’album, il commence tout en douceur, et tisse au fil de ces onze minutes une toile lyrique et virtuose. Dans "A Warmer Place",  Lubomyr Melnyk est à nouveau accompagné au violon par Peter Broderick, comme une suite du premier titre, un beau mariage entre les deux instruments. "Nightrail From The Sun" sonne différemment; le piano résonne comme une harpe et semble « préparé », on pense au piano de Michael Harrison joué en intonation juste. En arrière plan, Peter Broderick crée un fond sonore avec un synthétiseur Juno, et une guitare électrique vient parachever cette tapisserie sonore. "Le Miroir d’Amour" qui clôt le disque voit de nouveau Lubomyr Melnyk accompagné au violon par Peter Broderick, mais celui-ci est plus présent et commence le morceau presque en solo. C’est le seul vrai duo du disque.

   Au final un beau disque pour découvrir l’univers de Lubomyr Melnyk. Et, en bonus, une superbe pochette dont on peut voir la création sur le site d’Erased Tapes. À signaler également la sortie du disque The Watchers, une collaboration entre le guitariste James Blackshaw et Lubomyr Melnyk. Un disque d’improvisations enregistrées dans un club de jazz. Agréable, mais d’un intérêt mineur...

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Paru chez Erased Tapes en avril 2013 / 5 titres / 63 minutes

Une chronique de Timewind

Pour aller plus loin

- le site de Lubomyr Melnyk

 

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 9 juin 2021)

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Publié le 21 Mai 2013

Steffen Schleiermacher - British !

  

Né en 1960, ce pianiste et compositeur formé à l'Académie de musique Felix Mendelssohn Bartholdy de Leipzig est évidemment à sa place dans ces colonnes. Son abondante production discographique ne comporte-t-elle pas des intégrales ou quasi intégrales de compositeurs comme Morton Feldman, John Cage, Erik Satie, des incursions significatives dans les œuvres de Philip Glass, Terry Riley et bien d'autres figures importantes de la musique d'aujourd'hui ? Steffen Schleiermacher est donc un fouineur, un défricheur comme je les aime, grâce auquel on fait de belles découvertes...que je tente de vous faire partager. Il dirige aussi l'Ensemble Avant-Garde, formation à géométrie variable tournée vers la musique de chambre du XXe siècle et de notre temps.  

   Parmi sa discographie antérieure, à signaler son interprétation des "Keyboard studies 1 & 2" de Terry Riley, accompagnées d'une composition personnelle superbe, "Hommage à RILEY - REICHlich verGLASS" (je respecte la typographie du titre - ce qui va bientôt tenir de la prouesse si les éditeurs de texte sur Internet continuent de s'appauvrir...). Je place la couverture et les références en bas de l'article.

    Venons-en à British ! . Nous sommes avertis : le pianiste allemand avoue son ignorance au sujet de la Grande-Bretagne et des Anglais. Il signale aussi le rôle relativement mineur que l'on accorde assez généralement aux compositeurs britanniques dans les musiques nouvelles. Mais il a été fasciné par le refus radical de certains compositeurs britanniques à l'égard de la virtuosité, d'un art de la composition "traditionnel" et par les partitions d'Howard Skempton, Richard Emsley ou Laurence Crane, devant lesquelles sa première réaction fut : « Mais ce n'est pas comme cela qu'on compose ! » D'où ce disque !!

   Il s'ouvre et se conclut avec deux cycles de Richard Emsley intitulés "for piano 1" et "for piano 12", eux-mêmes émiettés en 8 et 7 très courtes pièces. La musique se réduit la plupart du temps à une seule voix à l'allure capricieuse, énigmatique. Série d'éclats égrenés à un rythme variable comme autant d'aphorismes sur le silence. On ne sait où l'on va, on va dans une atmosphère raréfiée tapissée par l'action de la pédale, suspendus à ces petites escalades sonores, à ces montées successives vers la lumière. Chaque pièce est une méditation, un moment pur, décanté, une invitation à participer au mystère du son se propageant dans la salle (le label MDG privilégie l'acoustique naturelle). Parmi les indications de "for piano 1", on lit par exemple "dolcissimo molto espressivo", "un poco nobilmente", "misty and dreamy, like a nursery rhyme", mais aussi "senza espressione sempre". Sept numéros seulement pour "for piano 12", plus proche peut-être encore de l'esthétique d'un Morton Feldman. Une découverte majeure, que je dois d'ailleurs à un "ami" d'un réseau social qui avait placé une vidéo avec un extrait de ce compositeur né en 1951, encore peu représenté sur disque. Je n'ai pas trouvé l'intégrale de ces "for piano"...Mais j'ai retrouvé avec grand plaisir Steffen...toujours sur la brèche !

   "Notti Stellate a Vagli" - une composition nettement plus longue, pas loin de vingt minutes - d'Howard Skempton fut écrite comme un « complément aux Triadic Memories de Feldman », un complément libre, sans emprunt ou citation. Un hommage où l'on retrouve ce rapport au temps qui fascine tous les admirateurs du grand américain : un temps reconstruit par des motifs ressurgissant à l'improviste alors que l'on est parti très loin dans un no man's land sans repère, lâchés en plein vide, avec pour seul appui la dernière note comme à l'extrémité du monde, de tout. C'est toujours une expérience des limites, du dépouillement, et c'est toujours magique, unique : triomphe absolu du son, seul survivant si l'on peut dire. Un autre très grand moment. Quatre pièces plus courtes d'Howard Skempton figurent plus loin, toutes dédiées à Michael Finissy, presque mélodiques, rêveuses et doucement mélancoliques. 

  Michael Finisssy est plus connu pour des œuvres démesurées, virtuoses. Le pianiste nous propose deux curieux tangos dédicacés respectivement à Howard Skempton et Laurence Crane, le quatrième compositeur présent sur ce disque. Deux tangos disloqués, des souvenirs de tango, si l'on veut, extraits de Twenty-free tangos, une collection qui évoque en modèle réduit la formidable collection de tangos (127 commandés à 127 compositeurs) rassemblée par le pianiste Yvar Mikhashoff, à ma connaissance hélas jamais intégralement publiée. Par ailleurs, la "Sonata for (toy) piano", si elle est une tentative en soi intéressante, ne me réjouit guère les oreilles. Passons.

   Restent deux petites pièces de Laurence Crane : un bouleversant "Chorale" dédié à Howard Skempton, d'une humble simplicité, une pièce d'anniversaire pour Michael Finissy, tout aussi émouvante dans sa marche retenue, comme sur le fil fragile de la vie qu'il ne faut surtout pas malmener, mais dont il convient de faire résonner chaque pas.

    Un très, très beau programme joué sur un magnifique Grand piano Steinway de concert datant de 1901.

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Paru en 2011 chez MDG Scene / 26 titres / 65 minutes environ

Pour aller plus loin

- le site personnel de Steffen Schleiermacher

- "for piano 2" (1997 - 1999) par le pianiste Ian Pace :

  Le disque dont je parlais plus haut...

 

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 8 juin 2021)

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