Publié le 3 Décembre 2013
Dans l'ombre de Steve Reich !
Meph. - Tu as entendu ? Ils ont des oreilles, Braids ! "Victoria", le premier titre de leur nouvel album, on dirait un remix de Music for 18 instruments de Steve Reich...
Dio. - On ne va pas s'en plaindre ! Enfin une pop écrite comme de la musique, pas seulement des chansons ficelées en série.
Meph. - C'est leur deuxième album, à ce trio de Montréal. Et on se réjouit du mariage très réussi entre pop et musique électronique. Ce qui me plaît énormément, c'est l'association de la petite voix flutée, caressante de la chanteuse...
Dio. - Un parfum de Björk, Kate Bush...
Meph. - Si tu veux...association, disais-je, entre cette voix de chanteuse pour midinettes...
Dio. - Comme tu y vas !
Meph. - Tu ne me connais pas encore ? Je reprends : et un accompagnement vraiment élaboré, alliance de machines et de percussions synthétiques qui enveloppe la voix dans un filet serré, constamment inventif.
Dio. - Ajoute que la chanteuse donne parfois de la voix, elle a du coffre, la petite !
Meph. - C'est vrai ! Les compositions jouent avec cette voix, la démultiplient pour abolir l'écart entre l'acoustique et l'électronique. Incarnation, désincarnation ? Rêveuses, comme le début de "Hossak", le titre 4, à l'atmosphère orientale grâce au pointillisme des claviers, et en même temps décalées par des bruissements d'ailes métalliques, des réverbérations, ralentis.
Dio. - Étranges, aussi. Pense à "Girl", le morceau suivant, délicatement découpé sur fond d'orgue, trois nappes convergentes, si l'on écoute bien : la voix, l'orgue, les percussions résonnantes, c'est superbe !
Meph. - "Together" commence presque comme du Autechre : glacial, piqueté au scalpel, mais l'orgue rajoute de l'émotionnel, et puis la voix très douce vient glisser sur le tout, dans un mouvement de larges boucles parfois bégayantes...
Dio. - On est déjà de l'autre côté de l'album, celui qui n'a plus peur de la durée, avec des titres plus longs, de véritables envolées...
Meph. - De la voix de la chanteuse, mais aussi des mélodies qui meurent dans les lointains...
Dio. - Je ne te savais pas si sensible, mon cher Meph...
Meph. - Il ne faut jamais s'en tenir à l'imagerie catholique...en plus, j'aime les chœurs de "Ebben", autre pièce dépaysante, qui n'hésite pas à casser le fil du chant pour laisser surgir un véritable paysage abstrait de toute beauté. Halte au ronron, vive l'invention, qu'ils nous disent, et là j'applaudis très fort ce patrouilleur de la garde de nuit !
Dio. - "Amends" continue le voyage aux confins, sorte de féérie aux paroles pleines d'humour et de techno ambiante aux recoins superbes, à nouveau discrètement hantée par Steve Reich !!
Meph. - Un régal, surtout dans sa seconde moitié, suivi par une autre merveille, "Juniper", intimiste et sensuelle, voilée d'un brouillard de sons électroniques qui se développe à nouveau pour lui-même, même si le chant revient se couler dans la pâte sonore épaissie, travaillée par des éruptions répétitives et une efflorescence somptueuse.
Dio. - Pour finir sur...Steve Reich, encore, tu en conviens ?
Meph. - C'est évident. Il y a la pulsation, le martèlement, de beaux passages...
Dio. - Récupéré et détourné au profit du chant, non ?
Meph. - J'en conviens...Mais ce n'est pas ma tasse de cigüe...trop de vocalises et de joliesses.
Dio. - Personne n'est parfait. Tu es dur quand même, il y a un vrai plaisir du chant, une folie étourdissante qui a beaucoup de charme. Un fort bon disque, malgré tes réticences. Qu'ils s'émancipent encore plus du format chanson, et on applaudira des quatre mains !
Meph. - Et des pieds fourchus ! Voilà qui nous change de la pop soporifique. Un bouquet de fraîcheur, ce trio ! On les classe malgré tout dans la pop, pour la commodité.
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Paru chez Arbutus Records / Full Time Hobby / Flemish Eye en 2013 / 10 titres / 55 minutes
Pour aller plus loin :
- le site du groupe
( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 juillet 2021)