pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 6 Décembre 2009

Nancy Elizabeth : "Wrought iron", la forge de la grâce.
   Ce qui frappe dès l'abord, c'est la présence massive du piano. La jeune galloise, pour son second album Wrought iron, a été conquise par l'instrument dans un bâtiment abandonné en Espagne, où elle était partie enregistrer. L'anecdote laisse rêver. On imagine les grilles lourdes, baroques, en fer forgé, le piano comme un appel dans les grandes salles désertes. Alors que "Battle and Glory" faisait retentir toute la panoplie idéale des instruments folk, de la harpe 12 cordes au dulcimer, dans des morceaux souvent très enlevés, Wrought iron est d'une veine plus intime. D'autant plus bouleversant que l'accompagnement s'est resserré, ce qui ne veut pas dire appauvri d'ailleurs, mais moins d'instruments en même temps. Guitares, mais aussi une belle apparition de la trompette sur le très folk "Lay low", harmonica sur le bluesy "The act", cloche sur le miraculeux "Winter, baby" et sur "Cat Bells" à la beauté suspendue,  pincée de chœurs, percussions diverses...tous servent la voix fine, fragile, flexible, transparente de Nancy Elizabeth et ses superbes mélodies. Ce deuxième disque confirme l'émergence d'une grande chanteuse, compositrice accomplie, capable de se renouveler profondément d'un disque à l'autre.
 

   On le sait dès le premier morceau, "Cairns", piano presque solo, morceau au hiératisme si doux, ponctué de chœurs séraphiques : paysage immémorial, un rêve d'harmonie. "Bring on the Hurricane", le titre suivant, est un petit bijou folk où la voix de Nancy joue de toutes ses nuances tandis que la guitare nous emporte, relayée par de courts chœurs puissants. Le piano revient au premier plan (il n'avait pas tout à fait disparu...) avec "Tow the Line", chanson dépouillée un brin mélancolique sur laquelle s'appuie avec parcimonie l'harmonica On le retrouve sur l'un de mes titres préférés, "Divining", complètement hanté par "Videotape", le magnifique dernier morceau de In Rainbows de Radiohead : la jeune galloise peut tout se permettre !

   "Canopy", parfois a capella, la voix qui semble se renverser, et les fées qui viennent vous caresser, encore un morceau envoûtant, le meilleur du celtique, et rien à voir avec le catastrophique dernier album d'Alan Stivell -qui fut parfois capable du meilleur, dans un autre siècle..., une douceur fulgurante. Et puis il y a "Ruins", somptueuse ballade d'une sirène pudique et suave, la raucité étrange de la voix par moments, le piano royal doublé par un piano jouet sur la fin. Magique, cet album, enchanteur. Nous avions Merlin, voici Nancy Elizabeth !
Paru en 2009 chez The Leaf label / 11 titres / 41 minutes environ.
Pour aller plus loin
- Chronique du premier album sur ce blog.

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 janvier  2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 7 Novembre 2009

Zahia, musique "pour s'attabler au festin du destin".
   Un coup de cœur pour reprendre le fil distendu de ce blog (le temps de faire le vide de l'oreille pour mieux recevoir l'or qui raye le néant...). Des mots qui sonnent justes sur des environnements sonores électro, post-rock, posés au millimètre, au ras du silence dont ils n'ont pas peur. "Je suis nature / je suis mature / Je suis rature", la marque du slam qui slalome entre les mots, avec Salomé Barrot pour les très belles photographies, Selecta Seb pour les textes et Bruit : fantôme pour la musique. C'est une tribu qui contribue à dire la première personne d'aujourd'hui, "rester planté là / au milieu du carrefour / désorienté par la circulation", prendre le temps d'ouvrir la boîte aux souvenirs, de vibrer à l'appel "d'un doux rêve".
  

   Voyage vers les racines oranaises, la grand-mère qu'il n'a pas connue auquel le disque rend  un touchant hommage au terme d'un parcours qui parvient à déjouer les pièges du nombrilisme grâce à une salutaire candeur car, oui, Sébastien Seb est tel un candide qui se cherche dans l'indifférence du monde, sur fond de terribles fantômes qui ressurgissent au final, après l'évocation de Zahia suivie d'un long silence, le retour des trois lettres FIS, celles du Front Islamique du Salut, morceau torturé, puissant, inquiétant, après tant de rêveries qui ne cèdent pas à la mièvrerie, pas même la "Jeune algérienne", descendante de ces odalisques de harem, des algériennes peintes par Delacroix. Le disque est conjuration, exorcisme frais déployé autour de l'hymne à l'Afrique-mère (titre 9), parce qu'il y a en lui le refus de laisser aux Occidentaux "la joie d'occider ces gens là-bas" : titre ensorcelant, incandescent qui débouche sur l'apologie de la vie (titre 10) - et là j'entends les ricanements de certains lecteurs, mais après des propos qui sembleront parfois bien lénifiants, le morceau décolle dans une vision lucide d'un monde en voie de machinisation, la musique se fait implacable, presque techno, les mots se déchaînent et s'enchaînent. Parce que "l'homme derrière son costume a toujours un cœur" dans ce disque gorgé de douceur, d'effleurements et de caresses, qui croit encore dans les mots simples. Une invite salutaire à cesser de jouer les durs, à s'abandonner à l'effusion pour vivre l'infusion mystique.
11titres (+1 caché), environ 45 minutes.
Pour aller plus loin
- L'album est en téléchargement intégral libre quelque part sur Myspace, que je n'utilise plus. On trouve l'album en écoute intégrale aussi sur soundcloud.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 22 janvier  2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 8 Octobre 2009

del cielo : "sous les cendres", un orage de douceur au bord du vide.
   del cielo, duo rennais formé par Cécile Bellat, alias Liz Bastard, textes et voix, et Gaël Desbois, musiques et instruments divers, après un premier EP début 2008,sort un premier cd insolite à plus d'un titre.
   D'abord la voix de Liz Bastard, petite voix acide entre murmures et confidences minaudées ; agaçante de prime abord, tellement inattendue, très vite attachante, délicate et délicieuse, pleine d'énergie aussi, toujours juste.
  Puis les textes, un bonheur permanent : pas de rabâchage pour cacher l'indigence, de vrais textes qui interrogent le quotidien minuscule de l'intime, qui jettent un éclairage décapant sur l'aujourd'hui " et les choses perdues d'avance / au bout du bord du vide / vas-y c'est par là / vas-y c'est tout droit/ (...) avec un goût permanent / pour les failles et les fissures / et les entailles et les blessures/" ["Vers le vide", titre 5]. Atmosphères orageuses, pluvieuses, l'amour, le travail, les images publicitaires, la folie du monde,  questions lancinantes : "tu fais comment quand le temps nous glisse entre les doigts / et quand je tremble de silence et d'ennui / on se resserre / " ["L'Etau", titre 7]. Cet univers menacé, fragile, on le sent proche de celui de Psykick Lyrikah, aussi n'est-on pas étonné d'entendre Arm en fond sur deux titres (sans oublier le renfort de Robert le Magnifique à la basse ou aux machines sur plusieurs titres). Le titre éponyme prend des allures apocalyptiques, comme dans les visions hallucinées d'Arm : "Regarde pas sous les cendres / Il y a  des corps encore brûlants/ Regarde pas sous les cendres/ Il y a des promesses mal tenues / Des horizons calcinés/ Il y a Rome il y a Babylone / Il y a ton code barre qui se consume doucement". L'horizon est sombre " Derrière les vitres glacées / On hurle pas on crie pas / Les ailes collées à la vitre glacée/ ["Les vitres glacées", titre 11], évocation du monde déshumanisé des formulaires administratifs indifférents au "désespoir solidement collé à la vitre embrumée". Reste la révolte "Vas-y crache / Vas-y mords", salutaire...et l'amour sans lequel les plus belles villes sont vides, réactualisation vigoureuse d'un vieux topos romantique ["Des Visages et des Murs", titre 12, le dernier]. Rien ne laisse indifférent dans ces textes sensibles et intelligents, dits-chantés pour nous enchanter...
  [[Coup de gueule au passage. On est d'autant plus enchanté que tant de chanteurs français croient bon d'emprunter la langue de Shakespeare pour nous servir un brouet insipide, une langue mal prononcée. Croient-ils donc élargir leur public ? Comme si Anglais et Américains allaient les écouter ! Et ces pochettes entièrement en anglais... triste anticipation des diktats qui installent déjà l'anglais obligatoire au niveau des cadres des grandes entreprises ? Pitoyable, lamentable, d'avoir peur ou honte de sa langue, à moins que ce ne soit un pudique cache-misère. Et n'oubliez pas que c'est un anglophile qui écrit ceci, avec de surcroît plus de cinquante pour cent de musique américaine -étatsunienne devrais-je préciser, dans ma programmation...]]
  Enfin, les textes sont servis par un accompagnement musical impeccable : beaux sons de guitare électrique, percussions ciselées, discrètes envolées de claviers, scratchs incisifs. Gaël Desbois, qui a travaillé avec Mobiil, Miossec, Laetitia Sheriff, Emma, installe des climats rock/ post-rock/rap aux mélodies efficaces. Ces magnifiques balbutiements de guitare électrique déchiquetée sur "La Plateforme arrière du train", ces claviers implacables puis tournoyants pour l'atmosphère étouffante de "Les Vitres glacées"...Là aussi, quel métier, quelle maîtrise pour un premier disque !
 Paru en 2009 chez Idwet / 12 titres / 37 minutes environ.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 19 janvier  2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 17 Septembre 2009

DM Stith : "Heavy Ghost", envols d'amour !
   Il a aidé à l'enregistrement de l'un des albums de son amie Shara Worden, de My Brightest Diamond, et cela s'entend. Il vient d'enregistrer sur le même label, Ashmatic Kitty Records, son premier album, Heavy Ghost. Une voix un peu à la Cat Stevens, veloutée avec des inflexions haut perchées, qui s'enveloppe volontiers de chœurs séraphiques, se love dans des textures instrumentales denses. Un piano presque caverneux, fantomatique, une guitare grattée avec dilection, obstination, des cordes soudain comme une nuée suave, sont au service de compositions constellées d'idées, de surprises. Le résultat est souvent éblouissant. Dès le premier titre, "Isaac's song", on est emporté dans la tourmente inspirée, d'autant plus saisissante qu'elle est brève, 1' 38 !! C'est une musique d'envol, de ferveur, le gospel n'est pas loin, les halètements épuisés d'allégresse succèdent au crescendo irrésistible. "Pity Dance" commence avec voix et guitare, s'étoffe en chemin de chœurs légers, de steel guitar, explose d'une décoction puissante de piano, claquements de mains, cordes, avant une coda fragile et la reprise frémissante de "Creekmouth", dialogue entre la voix feutrée de David Michael et des chœurs retenus, lointains, sur un sous-bassement percussif qui envahit le champ sonore de sa claudication.

"Pigs", guitare raclée, voix caressantes, DM soprano évanescent, termine en vents puissants d'anges coagulés. Les esprits sont bien au rendez-vous de "Spirit parade", ils tournoient lentement avant d'être saisis par des appels  et par l'harmonium, ravis en somme. Voix et piano pour "BMB", un soupçon de chœurs, puis des cordes pulsantes, la voix de DM qui se perd très haut, le piano extatique, mur monolithe de cordes, tout s'arrache, c'est à des moments stupéfiants comme celui-là qu'on comprend qu'on a affaire à un vrai créateur, qui sait transcender le format "chanson" pour aboutir à des compositions flirtant avec la musique contemporaine. Tout le reste de l'album est à l'avenant, si bien qu'on ne lui reproche plus de ne durer qu'à peine quarante minutes, car ici tout est plein, tout s'enflamme pour des incendies de beauté, des nuages de passion contenue  comme le superbe "GMS", piano sur un tapis de voix diaphanes. À l'évidence l'un des albums essentiels de cette année ! La fin de l'album est d'une beauté raffinée sidérante !!

Paru en 2009 chez Ashmatic Kitty Records / 12 plages / 44 minutes environ
Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :
- ensuite, une belle vidéo du sublime "BMB" :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 18 janvier  2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 7 Juillet 2009

Fink : "Sort of revolution", mais tranquille...
  
Finian Greenall, alias Fink, persiste et signe un nouvel album de chansons entre folk, trip-hop, soul et blues. Après Biscuit for breakfast et Distance and time, Sort of revolution éloigne plus que jamais le gallois de ses platines. Guitare sèche et voix, c'est la base de compositions simples, mélodieuses, étoffées çà et là avec un rare discernement. "Come so far", le premier titre se déploie lentement sur un rythme discret, cordes qui crissent, claquements secs, choeurs en sourdine, petites touches de piano, de Fender Rhodes aussi, avec un côté presque reggae vers la fin. Tout est dit, Fink travaille dans de la belle dentelle. Dès le deuxième titre, "Move on me", on sait qu'on n'oubliera plus ce bijou. Composé et interprété par John Legend au piano, il permet à la voix grave et chaude de Fink de montrer tout son potentiel de séduction bluezzy. Des cordes se joignent à la mélodie hypnotique, puis tout s'efface, ne restent que le piano et les coups frappés sur la guitare pour une coda mélancolique très belle. La guitare, frappée et grattée avec parcimonie, revient en force avec "Six weeks", blues lancinant et dépouillé dont l'économie est prolongée de quelques nappes électroniques. Ce qui frappe à chaque fois, c'est le sens de la mesure, rien d'appuyé, des ajouts qui forcent l'attention plutôt que de l'accaparer. Vous allez me dire, voilà justement la musique, la vraie, je suis d'accord, mais force est de reconnaître que les orfèvres sont rares, que beaucoup de chanteurs / compositeurs travaillent plus avec le bulldozer qu'avec le burin du graveur, non ? "Nothing is Ever finished" étale sa nonchalance feutrée, "temptation happens to everyone", pourquoi se hâter puisque "Baby blue, i want to kiss you", cela s'appelle la sensualité. Deuxième chef d'oeuvre avec "See it all", piano à nouveau, en boucles rapides, coups frappés sur la caisse de la guitare, la voix nue, presque a capella entre les cellules harmoniques, le morceau s'amplifie par brefs moments lyriques, cymbales rares, batterie sèche, fin chorale à tendance minimaliste superbe. "Q&A" , claquements de mains, murmures en chœurs sourds, coups métalliques, est le morceau le plus soul ou gospel, là encore très tenu, aéré, émaillé de trouvailles sonores par touches légères. De la musique à déguster avec toutes nos papilles auditives, affalé dans un divan moelleux, en bonne ou mauvaise compagnie !! "If I had a million" fait claquer les cordes, la voix se laisse glisser dans des répétitions lancinantes, et je ne crie pas au scandale, car la pauvreté, on la sent un choix esthétique, pas une limitation de l'inspiration. Battements et intrusions sonores diverses animent le frémissant "Pigtails", marqué par une splendide micro-intervention d'harmonica. Ouverture à l'orgue électrique pour "Maker", joli morceau à nouveau très soul, avec une allure dub marquée et une courte flambée de guitares électriques un peu avant la fin. L'album se conclut par "Walking In the Sun", voix  - cette voix qui me fait penser à Chris Whitley, et guitare, à la fois dépouillé et si chaleureux, que de courts fragments choraux tirent à nouveau vers le gospel. Le parcours est impeccable, aucun morceau faible, pas de remplissage.
Paru en mai 2009 chez Ninja Tune / 10 titres, environ 50 minutes.

 

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 17 décembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 4 Juin 2009

Louisville : "a silent effort in the night", confluences rêvées !
"Des champs / de l'eau / Chicago", le refrain murmuré du premier titre, "LouisEville", donne le ton de ce disque étonnant, d'une liberté poétique et musicale superbe. Un disque de rêve, aéré, sensuel, fougueux, mystérieux, qui passe du folk au post-rock et à l'expérimental, l'électronique, du texte dit du bout des lèvres, qui nous fait tendre l'oreille, aux ballades limpides, évidentes, du français à l'anglais (et au russe ou au polonais comme en passant).
  Olivier Cavaillé, multi-instrumentiste, Félicia Atkinson, textes et voix, Nikolu, guitare et basse, sont à l'origine de ce voyage imaginaire entre Louisville et Chicago.  "Dans LouisEville il y a Louisville", ça commence ainsi, par une évocation litanique des groupes mythiques de Louisville, avec un banjo balbutiant en fond, puis la guitare survient, le banjo lui emboîte le pas, la ballade surgit, le poème s'efface pour reprendre ensuite, et plus tard le texte dit par Félicia" se mêlera à la voix masculine chantée. Quel bonheur ! "a silent effort", quelques griffures électroniques,  la voix distordue de Félicia entre chant et murmure, les cordes suaves, le morceau vire au post-rock, guitare brûlante. "Matin" est un interlude brumeux, piano ouaté, miracle de la venue de la lumière sur les eaux,  bruits feutrés. Le monde est mystère, claviers suspendus, voici "The only thing to come now in the sea", " Tout n'est pas doux / Les aiguilles, les eaux croupies / Les stades, les stades vides / à contourner sans conduire / Les trombes couchées autour forment un rectangle / Autour de l'ovale vert et blanc / Une flaque, une mare / Une larme sur le gazon sec / Clairsemé / ", le morceau s'échauffe, "c'est l'été vers sa chute / la chute de la lumière sur les écorces", l'anglais prend le relais, le poème se fait vibrant, les guitares rageuses ou obsédantes pour une fin de morceau entre incandescence et intensité radieuse, apaisée. "Soir" répond à "Matin", à peine deux minutes hantées par le piano et le violoncelle dans une atmosphère trouble à la Harold Budd, avec les accents cristallins d'un glockenspiel dansant dans le crépuscule. Nous entrons dans la "Forest", le plus long titre avec ses un peu plus de huit minutes, morceau extraordinaire, atmosphérique, "Forest glass / Forest / hidden.(...) The evening is falling down / The forest locked us on / It's around us / A green circle made of leaves / With a visible hole inside", touffeur moite, mots troués de russe, crépitements, résonnances sourdes, le français revient, l'eau est là, voda, l'envolée soudaine des sons électroniques (Jean-Yves Macé n'est pas loin !?), dans le marais des sons d'inquiétants dérapages, "La rivière est un lasso / Chaque tige dans l'eau dévie la surface". Musique idéale pour Dans la brume électrique de Bertrand Tavernier, car elle aussi peuplée de revenants, saturée de présences. On peut alors s'abandonner, dans la lumière revenue et les repères retrouvés, à la magnifique ballade finale, interprétée par Sylvain Chauveau : entrée dans la légende country... L'un des plus beaux disques de ces premiers mois de 2009, celui qui me touche le plus en tout cas.
Paru en 2009 chez debruit&desilence / 7 plages / 32 minutes environ (album court, mais intégralement superbe... aucune allusion à la chronique précédente ?)

 

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 16 décembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 30 Mai 2009

Archive : "Controlling crowds", le temps tranquille de la chute.
Je cède. Archive fait son entrée sur INACTUELLES avec son huitième album, Controlling Crowds.

Meph. - Alors ? Boursouflure pseudo-onirique ? Camembert planant indigeste ? Soporifique hip-hop plombé à l'électro ? Symphonies de soupirs synthétiques ?
Dio. - Je me doutais que tu te manifesterais. J'avais écouté distraitement les précédents albums (pas tous, mea culpa), mis en mémoire "Londinium", le premier, que j'ai ensuite effacé. Je trouvais ça emphatique, lourdaud, pas désagréable d'ailleurs...
Meph. - Parce que maintenant ils chaussent des semelles de vent ?
Dio. - Je n'irai pas jusque là. L'emphase ici est en phase (ah ! ah !) avec leur projet. Album long, qui prend son temps, creuse son sillon, soigné, entre post-rock mâtiné d'électro et hip-hop assez sombre et plutôt rare à dire vrai.
Meph. - Oui, l'excellent "Bastardised ink", avec Rosko John, ou "Quiet time" et ses beats enveloppés de claviers en nuages sombres
Dio. - La voix voilée de "Whore"...
Meph. - Relent d'apocalypse confisquée, nous sommes loin du rap, ça patauge dans la guimauve sur la fin, non ?
Dio. - Je te l'accorde, et on tombe dans le joli avec "Chaos", piano domestiqué et l'orchestre de Cannes /Provence / Côte d'Azur sévit sévère...
Meph. - Il est présent sur d'autres titres, heureusement moins envahissant. Jamais entendu un "Chaos" aussi calme : allez plutôt voir Caos calmo, le superbe film d'Antonello Grimaldi. "Razed to the ground" est plus réjouissant, légions démoniaques en sourdine lointaine, je suis dans mon élément, retour de Rosko John, rythmes bondissants et grondeurs, claviers superposés. Dommage que "Funeral" verse dans le grandiloquent, le funèbre pour pompes à cirer. Consternant. Faudrait leur dire d'écouter "The Carbon Copy building" et son extraordinaire "Funeral march of the unfinished desserts"
Dio. - Tu sais qu'on fait tout à l'envers ? On n'a pratiquement pas parlé de la première moitié de l'album, et notre discussion tourne à l'éreintement.

 

 

Meph. - J'aime l'ouverture éponyme, orgue balbutiant, comme enrayé. Long et lourd décollage, trop lourd diront certains. C'est qu'ils ne se prennent pas pour des anges. Musique incarnée, hantée par la chute, ça revient dans les paroles, fly with me falling through the night, ça sue la solitude traquée, une épouvante sourde. Une revendication d'être ici, the world is my playground too, cour de récréation menacée par la venue des controlling crowds, foules contrôlées et contrôleuses qui haïssent la différence.
Dio. - D'où "Bullets", belle invitation à regarder un homme ordinaire dans les yeux, à le toucher, superbe chanson pop au lyrisme incantatoire.
Meph. - Et la plainte écorchée de "Words on signs": Close those eyes down, we all fall down, into the space, gone with no trace(...)There's nobody for me here now.
Dio. - Et le chant fragile de "Dangervisit", le morceau le plus émouvant, rageur sur la fin.
Meph. - La boucle est bouclée. On en est à "Quiet time", le cinquième titre.
Dio. - Tu vas rire. Je vais encore parler des illustrations. Je ne trouve pas le nom de l'artiste, c'est curieux. Elles sont à l'image de ce monde naufragé, perdu dans l'espace, où l'organique déchiré dévoile le squelette, tout s'agglutine et se replie dans un camaïeu de bleu froid. Je pense à un artiste comme Miodrag  Djuric, alias Dado : il a un site étonnant, à découvrir !!
Meph. - Pas de conclusion ? Tu t'échappes !!
Dio. - Très bien pour la première moitié, parfois calamiteux pour la seconde, à part "Bastardised Ink",  et, partiellement, "Kings of speed" et "Whore", qui ont tendance à s'enliser. Ne boudons pas notre plaisir : nobody's perfect !
Meph. - Reste à méditer sur le titre de cet article, que je trouve vraiment mauvais...
Dio. - J'ai cru qu'il te plairait !

Paru en 2009 chez Warner Music / 13 plages / 76 minutes environ
 

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 16 décembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

Publié le 4 Avril 2009

Dälek, "Gutter Tactics", le rap haute-tension.
    J'ai survécu ! Ils étaient en concert hier soir à La Cartonnerie de Reims, après Idem+Vunneny, et Oddatee, - très bien tous les trois, un peu court pour Idem, et pas moyen de s'endormir, je vous le garantis. Leur concert a été à l'image de leur dernier disque, "Gutter Tactics" : implacable, d'une rigueur formidable. Voici un trio, Dälek au micro, Oktopus aux machines et Still (?) sur une sorte de guitare préparée jouée à plat, qui s'engage totalement dans une musique d'une puissance sidérante. Le flux précipité des paroles se coule dans des nappes répétitives, industrielles, très noisy mais aussi atmosphériques. Le monde devient musique, coagulé par le flux hypnotique qui bat comme un cœur de foudre noire. Still, assis, gratte éperdument son manche sans lever les yeux vers le public, et Oktopus règne majestueux sur ses boucles, ses claviers qu'il déchaîne avec de larges gestes emphatiques, le visage baigné d'une grande sérénité. Tandis que la sueur dégouline sur le visage de Dälek qui empoigne, soulève son micro, tire convulsivement sur son pantalon flottant sur son corps trapu, les vagues lourdes, brûlantes, envahissent nos entrailles, massent notre cerveau soudain "débué" [je trouve ce mot, employé par Villon dans sa célèbre Ballade des Pendus, très beau, et je me permets de l'employer  à peu près dans son sens originel que vous allez comprendre] de toute sa mauvaise eau des mornes jours. C'est le paradoxe de cette musique si sombre, dense, que de nous remplir d'une joie intense, d'une lumière fulgurante, sans doute en vertu de la loi des vases communicants : l'énergie concentrée des musiciens passe dans nos veines. Les échantillons se télescopent dans un climat d'apocalypse zébré de tournoiements de sirènes, de nuages de particules électrifiées. S'agit-il encore de révolte ? Les musiciens de Dälek sont des démiurges qui transforment le réel en lave. "Gutter Tactics" est une ode incandescente qui tente dans un geste superbe d'annuler la laideur du monde, et en fin de compte de la réenchanter en lui insufflant l'esprit de feu. C'est ma manière de gloser sur "A Collection of miserable thoughts Laced with wit", le sixième titre.
   Dälek, au meilleur de sa forme, signe avec ce cinquième album l'un des plus forts de ce début d'année ! Le onzième titre lui conviendrait assez bien : "Atypical stereotype".
Paru en 2009 chez Ipecac Recordings / 11 plages / 50 minutes environ
Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 13 décembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours