Publié le 20 Juillet 2020

Machinefabriek with Anne Bakker - Oehoe

   Oehoe est la rencontre de l'expérimentation électronique de Rutger Zuydervelt, alias Machinefabriek, prolifique et bouillonnant compositeur néerlandais régulièrement présent sur ce blog, avec les improvisations vocales sans parole de sa compatriote Anne Bakker, altiste et violoniste. Les deux artistes ont déjà plusieurs collaborations à leur actif, par exemple Short Scenes sorti fin 2018. Rutger enveloppe les vocalises et les arrangements minimalistes de cordes d'Anne dans des paysages sonores sortis de son imagination, puisque nulle parole n'indique un sens prédéfini.

   Une courte introduction nous plonge dans un onirisme océanique mœlleux, sorte de chant de sirène qui appellerait l'auditeur à venir se noyer dans les volutes vocales. Le titre suivant contient d'ailleurs le mot "sirène". Laquelle semble rejointe par des miaulements, des ronronnements de synthétiseurs. On se laisse glisser dans une douce hypnose rythmée, agrémentée de friselis de cordes. Le troisième titre éponyme fait songer à la polyphonie de la Renaissance, le clavier se fait clavecin pour une extatique suavité. "Harrewar", d'abord plus dissonant, bruitiste, n'est pas dénué d'un lyrisme orchestral aux accents dramatiques, avant une splendide coda en apesanteur, la voix en échappée libre sur un battement obstiné. Tout semble se brouiller avec "Stuiver", les cordes enchevêtrées avec l'électronique, mais la voix se détache, à la fois presque médiévale et moderne par ses parasitages. L'atmosphère est étrange, hantée par des surgissements divers comme au ralenti. Pour la deuxième version de "Oehoe", le clavecin revient, ponctue la voix doublée par les cordes, l'ensemble est doucement solennel. "Schim" navigue en eau profonde, tout paraît nous parvenir par écho à travers une grande épaisseur liquide, avec des frottements caverneux. La sirène n'est plus qu'une ombre émettant des souvenirs de sons. Elle ressurgit au premier plan de "Stemmig", court interlude en forme d'incantation fantaisiste. Le titre suivant, "Voorwaarts" (Vers l'avant), le plus long de cette série de pièces assez courtes avec ses presque cinq minutes, pourrait être une gigue, mais enveloppée d'une gangue sourde, qui prend l'allure d'un morceau de techno minimale habité par des phrases élégiaques décalées de cordes et un intermittent habillage électronique tout en rondeur glauque. L'album se termine avec la troisième version du titre éponyme, à nouveau habile détournement de musique ancienne avec clavier/clavecin et polyphonie raffinée un peu explosée.

    Rien à dire : c'est du beau travail sonore, plaisant à écouter. Je regrette pour ma part que rien ne soit développé. Je comprends le projet, on a évidemment le droit d'écrire des pièces courtes, des esquisses qu'il appartient à l'auditeur de prolonger. Peut-être ai-je trop écouté les longues pièces antérieures de Machinefabriek...

Paru en juin 2020 chez Where to know ? Records / 10 plages / 27 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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