Tod Dockstader : "aerial #1", l'étrange symphonie des ondes courtes.

Publié le 7 Mai 2009

Tod Dockstader : "aerial #1", l'étrange symphonie des ondes courtes.
   Qui connaît aujourd'hui Tod Dockstader ? Né en 1932, ce compositeur américain est pourtant une des grandes figures de la musique électronique ou de la musique concrète. Fellini s'est servi de ses "Eight electronic pieces" de 1960 pour son film Satyricon en 1969.

Dio.- Je sens ta pernicieuse influence.
Meph.- Quoi ? Tu n'aimes pas ce disque ?
Dio.- Si, mais je crains la spécialisation, mon cher.

 

Meph.- Je ne m'en plaindrais pas. L'électronique me convient. Tod tire des ondes courtes un véritable chant qui me rappelle celui, doux à mes oreilles, de mes damnés chéris.
Dio.- C'est vrai que ce compositeur a sans doute beaucoup souffert de ne pas pouvoir pendant si longtemps produire la musique qu'il entendait. Il n'avait pas assez de références universitaires pour avoir accès aux studios. Il a dû, lui qui n'avait rien moins qu'élaboré quelques unes des oeuvres les plus ambitieuses de la musique électronique dans les années 60, comme son "Apocalypse" ou sa "Quatermass" (on en reparlera bientôt), travailler dans un studio spécialisé dans les films éducatifs, les dessins animés où il fournissait images et sons.
Meph.- Heureusement qu'une nouvelle génération de musiciens s'est rendu compte de son importance.
Dio.- Oui, il est devenu célèbre. Il a pu se remettre à composer dans les années 90.
Meph.- Il est revenu à la radio qui a bercé son enfance, celle des ondes courtes, des stations qu'on a du mal à capter, des grésillements, des plages incroyables entre les stations, avec des espaces sonores inouïs. Il s'est mis à collectionner ces matériaux sur des centaines de bandes magnétiques.
Dio.- Et l'ordinateur est arrivé...
Meph.- Le coup de pouce qui a facilité le mixage et qui a permis un transfert de qualité, sans déperdition, des sons utilisés.
Dio.- D'accord. mais ça ne me dit pas pourquoi tu aimes tant la musique électronique, et celle de Tod en particulier.
Meph.- Tod est une sorte de matérialiste. Il est emballé par la nature physique du son, cette matière concrète qu'il va faire chanter. Il écoute dans le vide la chute éternelle des corps.
Dio.- Tu t'y connais dans ce domaine...
Meph.- Qui ne chute pas ne connait rien au sublime !
Dio.- Ne te vexe pas. Revenons à "aerial #1", le premier d'une trilogie. Des ondes courtes, toujours des ondes courtes, ce n'est pas un peu lassant ?
Meph.- Tod a tiré de son stock, pour ce premier volume, 15 titres qui se fondent les uns dans les autres pour créer un continuum d'une surprenante variété. Les douze minutes de "Song" , l'ouverture de l'album, nous plongent dans un véritable space-opéra pour voix spectrales, anges déchus : surgissements constants, froissements, traînées de météorites magnétiques créent une atmosphère dramatique accrue par de brusques déflagrations. ll faut écouter ça assez fort pour profiter des textures sonores qui se déploient à grande vitesse. Les titres suivants sont éloquents : "OM", pour sa psalmodie statique, aux raclements gutturaux ; "Rumble", grondements et gargouillis en boucles obsédantes, striées d'ondes aiguës ; "Shout", comme une révolte survoltée ; "Raga", oriental en diable -si tu me le permets, j'entends presque le sitar ; "Dada", vertige et hallucination...
Dio.- Laissons la suite aux cosmonautes !
Meph.- Même sur terre, nous sommes des cosmonautes, l'oublierais-tu ?
Dio.- Certes...C'est vrai que ce disque, déconcertant de prime abord, finit par être très attachant. Et puis, pour ce qui est d'être singulier, je ne crains pas tes sarcasmes comme avec les Gutter Twins...
Meph.- Oseras-tu encore parler de mon influence pernicieuse ?
Dio.- Tu es pardonné.
Meph.- J'ai horreur de ça... Disons aux sceptiques d'écouter "Myst", le neuvième titre, formidable de fulgurances rebelles. J'aimerais pour finir proposer une expérience. Ecoutez Tod en contemplant cet extraordinaire tableau de Rubens, Der Höllensturz der Verdammten, La Chute des Damnés, qui se trouve dans l'Ancienne Pinacothèque de Münich.
Dio.- Tu leur payes le déplacement ?
Meph.- J'ai des pouvoirs, moi. Le voici. N'éclairez que le tableau, n'écoutez que Tod. Si vous ne frémissez pas jusqu'au fond de vos carcasses, vous n'êtes même plus bon pour moi...
Rubens - La Chute des Damnés (Höllensturz der Verdammten)

Rubens - La Chute des Damnés (Höllensturz der Verdammten)

Pour aller plus loin
- The Unofficial Tod Dockstader Web Site, très bien fait , où l'on peut écouter une grande partie de son œuvre.

 

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 décembre 2020)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc...

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