Spyweirdos : "Wetsound orchestra", dans les ténèbres de la lumière.

Publié le 13 Mai 2009

Spyweirdos : "Wetsound orchestra", dans les ténèbres de la lumière.
  
Troisième disque de Spyros Polychronopoulos, alias Spyweirdos, Wetsound Orchestra est un double album d'électronique ambiante d'une abyssale beauté. De l'eau goutte quelque part, l'orgue sourd de tous les coins, piqueté de craquements. Fissurations, invasions dans un univers liquide : c'est "cellar", ouverture qui donne le ton, ponctuée de notes de claviers en boucles obstinées. "already happened tomorrow" est d'abord tout en déhanchement rythmique de micro-cellules avant le surgissement épisodique de nappes d'orgue, de drones et de cordes plaintives. Spyweirdos sculpte des atmosphères raréfiées dans un esprit minimaliste abstrait. "3.5 ec" surfe sur un rythme binaire obsédant de claquements secs, s'interrompt pour repartir, nimbé la plupart du temps d'une brume d'orgue tournoyant. "portal" se  réduit à une substructure rythmique de piquetis parcourue de gargouillements, suggérant un infra-monde de machines organiques livrées à elles-mêmes. L'eau est omni-présente pendant "fallen", le disque semble rayé, mêle le bruit liquide des rames et le beat sec d'une boîte à rythme qui bégaie, sur fond d'orgue mélancolique, de voix qui s'appellent : aura de désastre, d'après rencontre avec les sirènes...Reste la bulle des rêves, "bubble of dreams", vaporeux et lointain poudroiement de lumière d'obstinato d'orgue tandis que la rythmique s'agite au premier plan, se débat avant de se fondre dans la comète persistante. "u", syncopes et borborygmes, rabat le rêve au niveau d'une sorte d'inconscient tissé de matières et de voix dévitalisées.

    Le morceau suivant, "the key",est l'un des plus exemplaires de ce disque habité, d'une écriture inventive où l'électronique digère les sons acoustiques pour les intégrer dans cet orchestre des mondes perdus et retrouvés. Percussions qui rejaillissent comme les gouttes précipitées dans un bassin, piano impérial, claviers insinuants, frémissements de frottis sonores minuscules : monde magique, né à l'instant, intense et pur ! Musicien visionnaire, ce Spyweirdos : écoutez le morceau suivant, "innsbruck", son atmosphère discrètement industrielle suggérée à petites touches, l'emploi de cordes graves en leitmotiv émotionnel encadré de forces sourdes, statiques jusqu'au vertige, peu à peu saturées comme de cris d'oiseaux métalliques charmeurs... Lorsque l'humanité aura disparue, restera la beauté sans appel des incantations supra-humaines, le chant des chants de la matière enfin libérée, libre de s'exprimer. "should be a spell" fait entendre un violon cosmique dans la brume merveilleuse des origines éternelles, inentendues des hommes-narcisses.
   Le deuxième cd prolonge cet opus magnifique par des remix passionnants, inspirés. Alva Noto, Gyro-Gyro, B.Fleischmann, Funckarma, Horchata et quelques autres, prouvent à nouveau la fécondité inépuisable de la musique électronique d'aujourd'hui lorsqu'elle est au service d'un projet artistique authentique.
Paru en 2006 chez Poeta Negra, label grec disparu depuis peu. Disque disponible si on cherche bien, notamment ici)
Pour aller plus loin
- mon articulet (le mot existe !) du 28 avril, et l'article consacré au disque en collaboration avec John Mourjopoulos et Floros Floridis.

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 décembre 2020)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :