grandes voix

Publié le 1 Juillet 2025

ZÖJ - Give Water To Birds

   Le duo ZÖJ, présenté à l'occasion de leur précédent disque Fil O Fenjoon sorti en août 2023 chez Bleeemo Music, s'élargit pour ce disque avec la participation du guitariste australien Brett Langsford, qui favorise une touche méditative très prononcée. C'est un élargissement vers l'intérieur...et vers la poésie persane. Il m'a paru important de donner au fur et à mesure les textes chantés, traduits en français, dans un monde dont la poésie est trop souvent absente.

De gauche à droite : Gelareh Pour (voix, kâmanche, gheychak) / Brian O'Dwyer (batterie) / Brett Langsford (guitare)

De gauche à droite : Gelareh Pour (voix, kâmanche, gheychak) / Brian O'Dwyer (batterie) / Brett Langsford (guitare)

   Comme c'est bon, un disque simple, sans discours, sans théorie. Un disque qui laisse chanter la voix et les instruments, et même un oiseau et quelques sons de la nature captés pendant l'enregistrement. Dès « Caspian » (titre 1),  la voix de Gelareh Pour envoûte par sa douceur mélodieuse, son lyrisme splendide, soutenue par son kâmanche caressant et la guitare bourdonnante de Langsford. Les grands espaces surgissent, esquissés par la batterie subtile et impondérable de O'Dwyer. Sur ce fond vaporeux, parcouru de quelques frissons plus rythmés, la voix peut se lancer, se perdre dans une plainte immémoriale d'une bouleversante beauté, chargée de nostalgie pour sa terre natale. Le titre réfère à la mer Caspienne, devant laquelle Gelareh s'imagine debout de l'autre côté de son village natal en Iran. La couverture représente son frère nourrissant des chiens errants, ce qu'il fait depuis des années. Les paroles chantées sont celles du poète Siavash Kasraei (1927 - 1996), que la chanteuse admire profondément. (texte ci-dessous en français)

Ô mer, 
Où est ta vague pour que, dans les ondulations de sa crête, 
je puisse chercher le parfum de ma patrie ? 
Où est ta vague pour que, d'un cœur sincère, 
Je puisse envoyer un message aux habitants 
De la rive de l'autre côté ? 
Tes yeux sont embrumés, 
Ton visage est embrumé, 
Les profondeurs de tes pensées sont embrumées. 
Ici s'attarde un étranger, un esprit dispersé, 
Lié à toi, espérant que personne ne viendra. 
Ô mer, ne te détourne pas, 
Parle-moi, 
Tu es ma mère ; embrasse-moi avec amour. 
Le soleil est enfoui dans tes profondeurs. 
Ô mer, 
Tu es ma mère ; embrasse-moi avec amour.

 

   « Forever Tehrani » est un hommage à Téhéran, plus spécifiquement à la rue qu'elle parcourait en allant au collège, dans laquelle se trouvait une maison traditionnelle aux murs de  terre et de foin qu'elle caressait souvent de la main, fascinée par leur texture. La composition associe deux mondes, celui de la musique traditionnelle, et celui de la guitare, instrument d'un ailleurs qu'elle aime également, et baigne dans une langueur très douce, auréolée de souvenirs. On a l'impression que Gedaleh, après les mots du poème (ci-dessous) y redevient petite fille, s'abandonnant à un chant sans parole venu des tréfonds de son âme d'exilée.

Demain, je marcherai jusqu'à une ruelle, 
Celle où je me trouvais à quatorze ans. 
Je suivrai l'odeur du mortier de briques crues
Jusqu'à une maison située au bord du désert.

Poème de Ahmad Reza Ahmadi  (1940 - 2023)

 

   La pièce suivante, « Tasian » (titre 3, mot de la province de Gilan, au nord de l'Iran, dont le père de Gelareh est originaire), prend à nouveau du champ en s'appuyant sur quelques accords de guitare, qui reviennent en boucle hypnotique et mystérieuse, la vièle langoureuse annonçant la voix de Gelareh, la batterie se contentant de discrètes frappes cristallines. Une atmosphère magique baigne cette composition en apesanteur, ponctuée de cloches : ce sont les troupeaux des rêves, des désirs brûlants qui vibrent dans la voix somptueuse, aux inflexions d'une suavité frémissante. C'est un chant libre, tel qu'on ne l'entend plus guère en Occident, le chant de l'infinie nostalgie se déployant sur des paysages perdus.

La maison était étouffée par un coucher de soleil lugubre. 
Comme aujourd'hui, mon cœur s'étouffe. 
Mon père a dit : « La lampe », 
Et la nuit s'est remplie de nuit. 
Je me suis dit : 
« Un jour de plus s'est écoulé.» 
Ma mère a soupiré :
 « Ils reviendront bientôt.» 
Un nuage glisse doucement sur mes yeux, 
Et puis je me suis endormi. 
Qui aurait pu croire qu'il y avait tant de douleur 
Tapi dans le cœur de ce petit enfant ? 
Oui, ce jour-là, lorsque quelqu'un est parti, 
J'ai cru qu'il reviendrait. 
Je ne savais pas ce que signifiait « jamais ».
Pourquoi n'es-tu jamais revenu ? 
Oh, 
Maudit mot de malheur, 
Mon cœur ne s'est toujours pas attaché à toi. 
Après toutes ces années, 
J'attends toujours, 
Que mes proches reviennent, oh...

Poème de Hushang Ebtehaj (1928 - 2022)

"Hours of Ripened Grapes", le quatrième et plus long titre avec plus de dix minutes, bruisse d'éléments naturels. C'est une pièce paisible, la guitare chantant une petite mélodie en boucle, la batterie à peine frottée. On entend le vent, puis la voix en une longue note filée, dédoublée, reprise. La guitare devient comme une kora africaine pour accueillir les mots du poète Shams Langeroodi (né en 1950 ou 1951), qu'elle accompagnera d'un balancement hypnotique jusqu'à la fin de cette immense rêverie aérienne.

Je me hâte vers toi, 
Avec la mer, les voiles et les chalets ondulant dans un ciel couleur citron. 
Je me hâte vers toi, 
Avec les heures des raisins mûrs et les diamants à tes côtés, 
Là où l'âme sème des graines de joie et te regarde, 
Afin que tu puisses pleuvoir sur ce champ errant.

"On our little balcony" permet d'entendre la voix du père de Gelareh disant (en persan bien sûr) un poème très émouvant de Fereydoon Moshiri, dont je donne une traduction française ci-dessous. 

À l’exception du rire de ma chère fille, Bahār, 
Je n’ai vu ni jardin ni source depuis des années. 
Des arbustes secs bordant les toits, 
Je n’ai vu que le rire amer du chagrin. 
Sur la sombre tablette de ce ciel vieilli, 
Je n’ai vu que des nuages sombres. 
Dans cette maison, noyée dans la poussière et la fumée, hélas, 
J’ai oublié les couleurs des tulipes et des prairies. 
Et de tous les poèmes écrits sur le printemps par les poètes,
Je ne me suis souvenu que d’eux et je les ai pleurés avec nostalgie.
 Dans notre ville lugubre, 
Ici, où les esprits bornés et les hauts murs 
Jettent des ombres sur nous et notre destin, 
Depuis des années, j’aspire à entendre une mélodie de joie, 
Rêvant de voir une branche verte, 
Une source, un arbre, 
Un jardin fleuri, un ciel clair. 
À travers la fumée, la poussière, les briques et le fer, j'ai couru. 
Non seulement moi, mais aussi ma chère fille, 
N'a entendu de moi que des histoires de fleurs et de déserts. 
Elle n'a jamais vu le vol joyeux des hirondelles. 
Bien que telle une hirondelle, elle se soit envolée, 
De cette pièce au balcon, elle a bondi. 
Moi, avec mon imagination, 
Avec des rêves colorés, 
Avec le rire de ma précieuse fille, Bahār, 
Et avec les poèmes sur le printemps que les poètes ont écrits, 
Je me réjouis dans le jardin stérile de mon esprit, 
Satisfait et exalté.

   Le disque se termine par une pièce instrumentale, "Marbles for Kaylie, hommage à la percussionniste australienne Kaylie Melville. Pièce douce et rêveuse, aux percussions frémissantes telles des nuages, elle s'étire sur des espaces ouverts, le kâmanche ou le gheychak dessinant la forme d'une danse lancinante, celle  d'une nostalgie qui ne veut pas appuyer ni pleurer et préfère entraîner très loin.

---------------------

   Un disque d'un lyrisme intemporel, beau, lumineux, vibrant. Gelareh Pour prête sa voix magnifique à quelques grands poètes iraniens du vingtième et du vingt-et-unième siècle.

Paru le 20 juin 2025 chez Bleeemo Music (Melbourne, Australie)  et Parenthèses Records (Bruxelles, Belgique) / 6 plages / 42 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

Lire la suite

Publié le 5 Août 2024

Yann Novak - The Voices of Theseus

Brève estivale 3... pour la variation d'un disque paru en juillet 2023, The Voice of Theseus.

   Du singulier on passe au pluriel, car Yann Novak a fait appel à quatre artistes pour ces variations, ces réécritures (je sais, on dit souvent "remix" aujourd'hui...peu m'importe !) : Lawrence English, le grand maître de Room40 en personne, Madeleine Cocolas, FAX et Bana Haffar. Et il a réécrit quatre titres de l'album précédent avec de nouvelles interprétations du chanteur Gabriel Brenner. Au total cinq des huit titres antérieurs sont réécrits (trois deux fois, par lui-même et l'un de ses invités). Histoire de brouiller les identités, de multiplier les voix.

Variations et réécritures transcendantes

Gabriel Brenner donne toute sa mesure dans les quatre variations de ce nouvel album. Nimbée de vagues d'orgue et de bourdons troubles, sa voix reste juchée dans les hauteurs, surplombante et sublime.

Lawrence English signe une version grandiose et mystérieuse de "Seeing Light Without Knowing Darkness", Voir la Lumière sans connaître la Ténèbre, quels mots magnifiques, déjà !

Le mexicain FAX propose un "Patterned Behavior" charpenté, plus contrasté, avec de vives lumières. La saoudienne Banna Haffar donne du même titre une version plus tumultueuse, cathédralesque si j'ose l'écrire, pulsante et déchirée, et là je craque, c'est d'une beauté terrible !!!

Et l'australienne Madelaine Cocolas (écoutez Bodies sorti en avril de cette année) donne de "We Went out, Not with a Whimper, but a Whisper" une version océanique et fougueusement lyrique aux textures foisonnantes..

-----------------

Encore une très belle réussite de Yann Novak, qui a su choisir quatre pointures de la musique électronique d'aujourd'hui pour l'accompagner.

De quoi incanter l'été ... et notre mémoire !

Paru fin juillet 2024 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 8 plages / 48 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

Lire la suite

Publié le 9 Janvier 2024

Joseph Branciforte & Theo Bleckman - LP2

   Musicien électronique, producteur et directeur de la maison de disques Greyfade, Joseph Branciforte retrouve la voix inoubliable de Theo Bleckman pour un LP2 nettement plus étoffé que le court LP1 sorti en 2019. Chanteur de jazz, et devenu l'une des grandes voix de la musique contemporaine, Theo Bleckman a chanté avec Meredith Monk et bien d'autres. On lui doit de nombreux disques, parmi lesquels un remarquable double album titré Berlin (2007), musiques de Kurt Weil et Hans Eisler, et l'extraordinaire album solo anteroom, sorti en 2005 chez Traumton.

   Tandis que LP1 fut enregistré spontanément, avec le minimum de post production, LP2 est nettement plus élaboré, navigue entre improvisation et composition, avec ajout de nouvelles pistes. Joseph Branciforte utilise synthétiseur, Fender Rhodes, vibraphone, glockenspiel, oscillateur et autres traitements électroniques, pour dialoguer, accompagner  la voix non-pareille de Theo, parfois démultipliée.

   C'est la mer primordiale, unisson de drone, légères ondulations, avec des picotements de micro-percussions, puis la voix, les voix, surgissent, au-dessus, planantes, transparentes, au-dedans, graves. Une polyphonie délicate, profonde, d'une paix supra-humaine. Ce n'est plus seulement la mer, c'est l'univers qui chante à peine dans la grand sommeil cosmique, comme une longue caresse de l'infini. Par contraste, le second très court titre, avec son grésillement de glitchs en battement régulier, semble marquer le réveil de la voix, tirée de son onirisme premier. Et la voix chantonne, murmure, nimbée d'une grande douceur (titre 3), le jour se lève peut-être, la voix salue l'aube, l'aurore. Atmosphère enchantée, frémissement des merveilles. La voix se retourne sur elle-même, les textures de Joseph Branciforte évoquent un drapé lentement remué de scintillements au long de cette marche archangélique. Comment ne pas être séduit, conquis par une musique si exquise ?

   D'étranges oiseaux se répondent sur un tapis vibrant pour le titre quatre, court intermède avant le surgissement d'un monde sonore peuplé d'événements percussifs et de bruits, glissements et clapotis curieux, comme si les objets vivaient de leur vie propre, la voix glissant au-dessus par intermittences, elle-même comme une des émanations de cet infra-monde à la Yves Tanguy ou Miró. "7.21" (titre 6, tous les titres sont titrés par des chiffres) présente un univers plus construit, plus harmonique, en dépit d'un pullulement persistant de petites virgules. Les synthétiseurs unifient, la voix s'élance, se démultiplie. Encore un grand moment de grâce extatique, le chant de mille bouddhas dans des cavernes résonnantes, Theo en chamane ou grand prêtre d'un culte mystérieux. La cérémonie devient de plus en plus hypnotique avec "10.17.13", mélange magnifique de glitchs, appels vocaux brefs et répétés à un rythme rapide. Le dernier titre orchestre une somptuosité sonore bruissante. Drones et halos nous plongent dans un palais des glaces peuplé de créatures à demi-endormies, ensorceleuses. C'est le pays d'Onirie-Féérie qui va gentiment nous avaler, engourdis par les circonvolutions de la musique !

  Osmose magique entre l'électronique, les instruments et les traitements de Joseph Branciforte et la(les) voix de Theo Bleckman : un voyage fabuleux dans un autre monde !

     [Ci-dessous, les deux hommes en public à Brooklyn au moment de LP1 / rien de plus récent à vous proposer, si ce n'est sur bandcamp plus bas. ]

Paru début décembre 2023 chez Greyfade / 8 plages / 42 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

Lire la suite

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Électroniques, #Grandes Voix

Publié le 4 Octobre 2023

Yann Novak - The Voice of Theseus

   Artiste interdisciplinaire et compositeur installé à Los Angeles, Yann Novak poursuit une carrière qu'il dit marquée par les différences de perception qu'il vit en tant que daltonien partiel, dyslexique et sujet à des acouphènes. Les fois précédentes, il travaillait une musique électronique aux drones impressionnants, y ajoutant parfois des enregistrements de sa voix qui ne chantait pas vraiment. Cette fois, il a demandé à deux de ses chanteurs préférés, Gabriel Brenner et Dorian Wood, de l'aider dans une expérience de manipulation de leurs voix enregistrées.

Jusqu'à quand reste-t-on une même entité ?

   Yann Novak est parti de l'histoire de Thésée qui, en tuant le Minotaure sur l'île de Crète, sauve les enfants athéniens victimes de sa voracité. En mémoire de cet exploit libérateur, les Athéniens entreprennent un pèlerinage à Délos avec le navire de Thésée. Avec le temps, le bateau se détériore, il faut le réparer, pièce après pièce, si bien qu'à un moment on peut se demander si c'est bien encore le navire de Thésée qui accomplit le voyage commémoratif. D'où l'expérience dont je parlais : que reste-t-il de l'identité des voix initiales au fil des manipulations, jusqu'où peut-on aller ? Ce qui est une tentative pour lui de réfléchir aux différences de perception entre lui et les autres, et plus largement entre nous. Aussi la bonne écoute consiste-t-elle, particulièrement pour ce disque, à écouter les morceaux d'affilée : à cette condition seulement, on appréciera les modifications, altérations, en effet très sensibles entre le premier titre, "A Monument to Oblivion" et le titre 7 par exemple, "The Inevitability of Failure".

   Rassurez-vous : il n'est pas nécessaire de se référer à l'expérience évoquée ci-dessus pour apprécier ce disque, de même que vous pouvez oublier les inquiétudes de Yann Novak. The Voice of Theseus confirme le talent d'un grand compositeur. Yann se lance, après des albums relativement brefs, dans une sorte d'oratorio pour voix et électronique. Et c'est de toute beauté !

   Au départ, dans "A Monument to Oblivion", il y a les voix pures, en polyphonie quasi médiévale, avec une ponctuation rythmique espacée, mais forte, et déjà une  électronique dont on ne sait pas très bien dans quelle mesure elle contient des voix, déformées. Les deux cheminent de concert... De titre en titre, les voix sont modifiées, puis se fondent jusqu'à disparaître à peu près (on n'en est pas très sûr !) dans le dernier, "We Went out, Not with a Whimper, but a Whisper", titre qui joue de la paronymie entre "Whimper"(gémissement) et "Whisper"(murmure) : il suffit de presque rien pour que le tout soit changé en un autre. Ce "presque rien" est au cœur des compositions. À la fin, les voix sont vaporisées, fondues, méconnaissables ... et troublantes. Entre les deux, drones, orgue et synthétiseurs tissent des toiles somptueuses, enchâssent les voix comme on enchâsse les bijoux. On traverse le substrat (titre 3 : "Traversing the Substrate") pour rentrer dans un espace vibratoire suave, aux amples pulsations. Comment ne pas être séduit ? Le court titre 4, "Interlude - The Translator", nous plonge en milieu maritime, avec un étrange oiseau au chant étranglé, caverneux, peut-être comme une pythie antique, pour nous conduire au pays de la lumière, "Super Coherent Light" (titre 5). Des textures mouvantes de synthétiseur, d'orgue, s'animent d'un battement régulier, puis les voix reviennent dans un crescendo puissant, des voix liées en gerbes vocales, et non plus individuelles, pour contribuer au sfumato sinueux de la fin de la pièce.

    Arrivés à "Patterned Behavior", on navigue sur les sommets : morceau à la Jocelyn Pook (le bal masqué chez Stanley Kubrik...), tout en drones troubles autour d'une voix à peine distincte de la trame. L'espace sonore se fait tapis de frottements, friselis froissés, voix archangélique comme rentrée en elle-même : c'est le sublime "The Inevitability of Failure", la musique semblant se fissurer, se fracturer en micro grains au long d'une série d'ondulations tremblées. Ballet de drones bien opaques, "Seeing Light Without Knowing Darkness" a la majesté d'une avancée aveugle, inconsciente, et grandiose, avec ses enveloppes striées, tandis que des voix perchées incantent la stratosphère, et c'est le dernier titre, déjà évoqué, suite d'ébranlements nébuleux aux portes d'une lumière qui semble toujours se dérober sous les coups de butoir de forces obscures.

   Une réussite envoûtante !

Paru début juillet 2023 chez Room40 / 9 plages / 45 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite

Publié le 3 Mai 2023

William Duckworth - The Time Curve Preludes (Emmanuele Arciuli + Costanza Savarese)

   Considérés par le compositeur et critique musical Kyle Gann comme la première œuvre post-minimaliste, les Time Curve Preludes de William Duckworth (1943 - 2012) ont peu à peu acquis la renommée qu'ils méritent. Ces vingt-quatre petites pièces pour piano, composées en 1977 et 1978, ont été crées en 1979 par le pianiste Neely Bruce, intégrale enregistrée chez Lovely Music la même année. Bruce Brubaker, pour lequel le compositeur écrivait un concerto pour piano dans les derniers mois de sa vie, donna une belle version des douze premières en 2009 chez Arabesque Recordings. En 2011, le pianiste R. Andrew Lee a enregistré le cycle chez Irritable Hedgehog. Trois interprétations par trois pianistes américains importants, et d'autres sans doute qui m'ont échappé, témoignent de l'attraction exercée par ce cycle, devenu au fil des ans un classique. À juste titre !

William Duckworth - The Time Curve Preludes (Emmanuele Arciuli + Costanza Savarese)
William Duckworth - The Time Curve Preludes (Emmanuele Arciuli + Costanza Savarese)William Duckworth - The Time Curve Preludes (Emmanuele Arciuli + Costanza Savarese)
Emmanuele Arciuli

Emmanuele Arciuli

   C'est au tour d'un pianiste européen, l'italien Emmanuele Arciuli, familier des œuvres de Georges Crumb, Philip Glass, Lou Harrison ou Frederick Rzewski, de proposer sur ce disque paru voici peu chez Neuma Records son interprétation des douze premières pièces. Une interprétation qui n'a rien à envier à celle de ses prédécesseurs. Le piano est enregistré de plus près, plus mat que chez Neely Bruce. Le parti-pris d'un toucher très analytique, les notes bien détachées alors que chez Nelly ou Bruce elles sont plus enchaînées, donne des lectures à la fois équilibrées et d'une grande luminosité. Dans le prélude VI, un des préludes ineffables du cycle, on entend, par différence, que Neely joue sur le tapis des harmoniques, que Bruce accentue le pendulum enivrant de la pièce, tout en la ralentissant suavement, tandis que Emmanuele choisit de creuser les contrastes pour donner le sentiment d'une rigueur quasi mathématique tout à fait envoûtante ! Bruce plonge le prélude VII dans une brume languide, Neely en fait sonner les dissonances ; Emmanuele ôte la brume, donne à la pièce son côté boogie woogie détourné par Satie. Sous ses doigts, le VIII étincelle mystérieusement, assez loin de Bruce et de son rubato alangui (2'50 - au demeurant magnifique !), plus proche de la grâce légère de Neely. Je ne poursuis pas une comparaison très partielle. Cette nouvelle version a ses caractères propres, qui la rendent aussi attachante que les "anciennes".

   Dans l'ensemble, il se dégage de l'interprétation de Emmanuele Arciuli un sentiment de grande paix radieuse, ce qui n'exclut pas une belle énergie dans les préludes les plus nerveux.

Un titre en cache un autre...  

   Le titre de l'album ne laisse pas prévoir une jolie surprise, celle de découvrir un petit cycle de mélodies (soprano et piano) du même compositeur, titré Simple Songs About Sex and War, sur des paroles du poète américain Hayden Carruth (1921 - 2008) : cinq pièces entre un peu moins de deux minutes et un peu plus de trois pour environ quatorze minutes au total. On y retrouve le même pianiste pour accompagner la soprano italienne Costanza Savarese, par ailleurs guitariste classique internationalement reconnue et artiste interdisciplinaire.

Costanza Savarese

Costanza Savarese

   Ce cycle est la dernière œuvre composée par William Duckworth. Cinq pièces délicieuses ! Sur la première, "Six O'clock" Costanza Savarese chante d'une petite voix pointue, mutine. La langoureuse "If Love's No More" permet à la voix souple de la chanteuse de donner toute sa mesure. Je pensais parfois à Kate Bush en l'écoutant. On n'est pas loin des chansons de cabaret, entre gouaille et dramatisation affectée, sur des mélodies superbes, parfois avec d'audacieuses ruptures de ton, comme sur "The Stranger", la quatrième. La dernière, "Always or the Children or Whatever", est empreinte d'une nostalgie magnifique. Quel beau testament musical !
   Un disque admirable servi par de brillants interprètes.

 

Paru en février 2023 chez Neuma Records / 17 plages / 45 minutes environ

Pour aller plus loin

- disque en écoute et en vente sur bandcamp :

ma

Lire la suite

Publié le 20 Février 2022

Christopher Cerrone - The Arching Path

   Je ne perds pas d'oreille le compositeur américain Christopher Cerrone, dont j'ai célébré avec ferveur The Pieces That Fall to Earth paru en 2019. Il a sorti en mai 2021 un autre disque remarquable, The Arching Path. Sorte de carnet de route, l'album enregistre le choc en retour produit par certains lieux longtemps après être rentré chez soi. Comme le disque est accompagné d'un livret très éclairant, je laisserai de côté un certain nombre de renseignements.

Pont sur la rivière Basento (1967) à Potenza / Architecte : Sergio Musmeci

Pont sur la rivière Basento (1967) à Potenza / Architecte : Sergio Musmeci

  The Arching Path (2016), cycle de trois pièces pour piano solo, est lié au pont sur la rivière Basento, à Potenza en Basilicate (Italie). Un pont en béton armé d'une seule travée soutenu par quatre arches en forme de bois de cerf, ce dernier point étant le plus étonnant. C'est le pianiste Timo Andres qui interprète ce cycle magnifique. Le premier mouvement évoque par une note répétée à intensité crescendo la travée unique, soutenue par des éclaboussures harmoniques en strates de hauteur variable : pièce éblouissante par ses boucles dynamiques et sa mélodie courante, diffractée ! Le second plonge dans les eaux, songeur, parcouru de frémissements, d'alanguissements élégiaques. Quelle douceur souveraine, et quelle force lumineuse ! Le troisième, à nouveau s'appuyant sur le pointillisme du premier, semble poser une question insistante, se laisse aller à une contemplation extatique dans un semis d'aigus et d'éclats.

   Suit un deuxième cycle de cinq pièces baptisé Double Happiness (2012, arrangé en 2016), pour vibraphone, piano, électronique et enregistrements de terrain (de son séjour en Ombrie : orages, cloches d'église, gare et campagne italienne ). Pour commencer, un délicieux "Autoportrait" à partir de quatre notes mélancoliques au piano puis au vibraphone sur un fond cristallin de particules électroniques. Le cycle est presque buddien (Harold !), emprunt d'une ambiance délicatement orientale (clin d'œil au mariage du compositeur avec l'écrivain Carrie Sun, d'origine chinoise ?). La deuxième partie de l'Autoportrait est une splendeur de cloches sonnantes et de vibraphone, prolongé par le piano dans le dernier tiers, extraordinaire crescendo minimaliste. Un deuxième interlude ménage une phase de rêverie avant la "New Year's Song", mélodie diaphane agrémentée de bruissements de violon (joué par le compositeur en personne), retombant sur un fragment mélodique répété au piano. Un cycle miraculeux !

 

  I Will Learn to Love a Person (2013), cycle en cinq mouvements, notamment pour piano, percussion à archet, vibraphone et clarinette, est chanté par la soprano Lindsay Kesselman : il s'agit de la mise en musique de cinq poèmes de l'écrivain Tao Lin. Je retrouve le génie de Christopher Cerrone, dont The Pieces That Fall to Earth m'avait enthousiasmé. Quelle musique précise, exquisement expressive ! Je reste rivé au livret, suivant le texte mot à mot, ébloui, en dépit de textes bien inférieurs à mon sens à ceux du disque mentionné ci-dessus.

  Inspirée d'une station de métro dans laquelle le compositeur a passé bien des moments nocturnes, Hoyt-Schermerhorn, les presque huit minutes de cette pièce pour piano solo terminent cet album varié, généreux. C'est une lente dérive, une rêverie au piano d'un dépouillement émouvant, magnifiée par un cliquetis électronique miroitant en direct dans les dernières minutes.

   Le disque splendide d'un compositeur capital. Meilleur disque de 2021 ?

Paru en mai 2021 chez Outburst - Inburst Musics / In a Circle Records / 14 plages / 53 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Christopher Cerrone - The Arching Path

Lire la suite

Publié le 16 Août 2021

Sissel Vera Pettersen & Randi Pontoppidan - Inner Lift

   Où se fondirent tant d'eaux ardentes...

   Deux voix, ensemble, séparément, celles de Sissel Vera Pettersen et de Randi Pontoppidan : simplement, a capella, ou accompagnées par de légers traitements électroniques, une cithare préparée, des bols chantants tibétains. Enregistrées en un jour près de Copenhague. Tout dans le disque est improvisé, même les procédés électroniques sont conçus sur le moment. Rien n'est préenregistré. « La seule méthode est d'ouvrir les oreilles et d'essayer de ne pas filtrer les idées qui nous viennent spontanément. » dit Sissel Vera Pettersen, qui ajoute : « Tout est intuition et communication. Personne ne sait quelle direction va être prise, et cette ouverture nous inspire toutes les deux beaucoup. » De là sans doute le beau titre de l'album : Ascenseur intérieur, en français.

   Elles se sont rencontrées en 2004 au Danemark, ont sympathisé, si bien que, depuis, elles partagent des expériences musicales des forêts scandinaves aux déserts syriens. Toutes les deux sont des improvisatrices vocales dans le domaine des musiques contemporaines et du jazz. Pour les situer rapidement, Sissel Vera Pettersen est la directrice artistique des Trondheim Voices, a collaboré notamment avec Chick Corea, tandis que Randi Pontoppidan a tourné dans le monde entier avec le Theatre of Voice et collaboré avec Joëlle Léandre.

C'est la cithare préparée qui ouvre l'album, par des attaques percussives graves, lentes, et des frottements, puis un rythme évocateur d'anciens rituels... et viennent les voix en longs sons tenus, alternés, si bien qu'on a l'impression d'entendre une voix et son ombre. "Come" est un chant radieux, une psalmodie sans parole, les voix s'entremêlant avec une étonnante fluidité. Le ton est donné pour un album d'une rare élégance : tout y est évident, facile, tout coule de source. On est emporté par un flux sinueux, des inflexions sans cesse changeantes, rauques ou caressantes, proches ou lointaines. Éthéré : le terme me serait venu, elles l'emploient pour leur deuxième titre, "Ethereal". On retrouve la cithare préparée sur "Mazuu", où elle est utilisée comme une cloche qui scande le chant étrange où l'on entend en effet "Mazuu", ce mot qui suscite bien des interprétations - je vous laisse y rêver !, mot répété, avec la second voix utilisée comme une autre percussion par la seule vibration saccadée de la glotte. Tout simplement envoûtant !

   Le titre éponyme est une sorte de mise en gorge jubilatoire, au ras du souffle, miniature de moins d'une minute, transition entre ce "Mazuu" de plus de cinq minutes et le suivant, le plus long titre avec plus de onze minutes. "Raindrops" commence par une introduction instrumentale splendide, alliance de frappes percussives sèches et de tintinnabulement des cordes de la cithare, sur laquelle les voix se placent suavement. C'est une suite de frémissements dans une atmosphère mystérieuse, incantatoire, mais si doucement. Puis les voix s'élancent, elles montent, diaphanes, archangéliques, s'approchent des voix de gorge. La pièce se fait haletante à peine, "raindrops" sert de mantra, tout se met à tournoyer jusqu'au vertige, avec la double ponctuation percussive grave qui accompagne cette fusion lumineuse et folle comme dans une marche sacrée aux délices. C'est un moment absolument sublime  que nous offrent les deux chanteuses inspirées.

   Et l'on n'a pas encore épuisé la beauté de ce disque. La cithare étincelle sur "Traces", court instrumental. "Ohro" est une berceuse ou une sorte de danse a capella des deux voix qui se répondent. "Swimmingly", illuminé par la cithare, prend les allures d'une pulsation quasi reichienne tout à fait incroyable sur fond de drones, les voix micro fracturées (je pense à la couverture). Les bols chantants ouvrent le dernier titre, "Still Safe". Les voix se détachent doucement des harmoniques des bols, les souffles s'allument comme des torches : la cérémonie sera belle, tous les troupeaux des sons sonnent et résonnent, les voix dans le ciel comme des comètes.

   Un disque d'une inépuisable beauté illuminante.

  

Paru en mai 2021 chez Chant Records / 9 plages / 38 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite

Publié le 24 Mars 2015

"Berlin" et "anteroom", deux facettes des talents vocaux de Theo Bleckmann
"Berlin" et "anteroom", deux facettes des talents vocaux de Theo Bleckmann

"Berlin" et "anteroom", deux facettes des talents vocaux de Theo Bleckmann

   Né à Dortmund en 1966, Theo Bleckmann s'est fixé aux États-Unis à partir de 1989. Il est devenu citoyen américain en 2005. Chanteur et compositeur, c'est un musicien éclectique, aussi à l'aise dans le répertoire du jazz, du cabaret, des mélodies de Charles Ives, ou encore des compositions vocales de Meredith Monk, avec laquelle il a travaillé pendant quinze ans en tant que membre de son ensemble. Il a à son actif de nombreuses autres collaborations qui témoignent de sa grande curiosité. Parmi elles, celle avec Fumio Yasuda, pianiste et compositeur japonais qui a travaillé notamment avec le célèbre photographe Nobuyoshi Araki. Ils ont enregistré ensemble plusieurs disques, dont Berlin, sorti en 2007 : ce sera l'objet de la première partie de cet article. La seconde sera consacrée à un projet solo entièrement vocal, anteroom, sorti en 2005. Deux coups de cœur pour des disques déjà anciens, mais qu'importe, vous me connaissez : ils valent toujours le détour !

   Berlin est une anthologie de chansons de cabaret aux musiques signées par les deux grands noms : Hans Eisler (majoritairement), Kurt Weil, bien sûr, mais on y rencontre Micha Spoliansky ou encore Michael Jary, sur des textes de Bertold Brecht le plus souvent, mais aussi du poète Johannes Robert Becher. Theo Bleckmann présente en plus, sur des compositons personnelles, quelques textes de Kurt Schwitters. C'est un régal de bout en bout. Les arrangements de Fumio Yasuda sont raffinés, élégants. Le chant de Theo est suave, subtil, mais sait être âpre, distancié. C'est à une véritable recréation de l'univers d'Eisler et Weil que nous invite Theo Bleckmann. Si on la compare avec l'interprétation, magistrale, de Dagmar Krause dans les deux disques formidables que sont Supply & Demand (1986, Hannibal Records) et Tank Battles (1988, Island Records), on se dit que Theo, qui tire parfois  les compositions vers la musique contemporaine, en fait des lieder plus intemporels, souligne en tout cas leurs audaces. C'est particulièrement évident sur "Das Lied von Surabaya-Johnny", tube de cabaret qu'il se plaît à casser, à subvertir avec un évident plaisir en y introduisant des phases lentes. La voix gouaille, étincelle, émeut, s'étire...Sa diction impeccable, claire et douce, transfigure le texte, magnifie la langue allemande comme rarement.

   "Bitte der Kinder", musique de Paul Dessau, n'est pas si éloigné de l'école de Vienne. Qu'on écoute les violons sur "Als ich dich  in meinen Leib trug", pizzicati tandis que la voix chavire, dissonnants tandis que la voix  chantonne : titre d'une étonnante modernité. Car j'allais oublier les deux violons, l'alto de Caleb Burhans (du duo itsnotyouitsme), le violoncelle de Wendy Sutter, qui a joué avec Philip Glass ! Du beau monde !

   La fin de l'album est plus splendide encore, avec "Über den Selbstmord" et deux compositions de Theo pour des textes de Kurt Schwitters, sur lesquelles il joue de sa voix de manière éblouissante, et une renversante version de "Lili Marleen" de Norbert Schultze, où la voix est doublée par un chant sublime en fond, qui n'est pas sans rappeler...le second disque dont je souhaite vous entretenir.

En attendant , une version en concert de "Lili Marleen":

   anteroom, paru deux ans avant Berlin, contient le titre éponyme de quarante-huit minutes auquel la version de "Lili Marleen" emprunte la démarche. C'est un pur chef d'œuvre de musique ambiante et post-minimaliste, avec des passages complètement reichiens, animés de la pulsation reconnaissable de Steve. Theo Bleckmann n'utilise que sa voix, démultipliée par les multi-pistes, déformée par des systèmes de retardateurs, de boucles, pour créer un opéra fabuleux, quelque part entre les Canti Illuminati d'Alvin Curran et les chants de gorge extrême-orientaux. Musique majestueuse, sublime, éthérée, qui remplit l'espace sonore, le fait onduler. Elle s'enfle, se creuse, renaît chargée de traînées harmoniques, gigantesque mantra toujours varié, lieu du calme souverain, de la beauté transcendante, antichambre en effet d'un arrière-monde plus vertigineux encore, en somme promesse d'une beauté incommensurable,

   Je ne m'explique pas pourquoi une telle composition, extraordinaire, n'a pas fait l'objet d'articles, de revues. En dehors des deux extraits sur Youtube, du site de Theo et de mentions sur les plate-formes de vente de disque, il n'y a rien ! Alors que fourmillent les rumeurs insipides, les potins mesquins, les commentaires minuscules de la moindre intervention d'un homme politique ou d'un artiste à la mode, rien sur ce MONUMENT de la musique vocale d'aujourd'hui...Triste Internet, phagocyté...

  Un grand merci à Timewind pour la découverte d'anteroom !!!!

I am waiting in an anteroom.
I wait and wait.
Waiting still.
I wait.
Weightless.
      
        Theo Bleckmann

---------------------

Berlin, paru chez Winter & Winter, 2007 / 23 titres / 77 minutes 

anteroom, paru chez traumton, 2005 / 2 titres / 56 minutes 

Pour aller plus loin :

- le site de Theo Bleckmann, qui a signé depuis un autre disque consacré à Kurt Weil et l'Amérique sur le lable ECM.

- un extrait de anteroom en public. Le son ne me paraît pas fameux, hélas. Puis l'intégralité de ce chef d'œuvre...

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 8 août 2021)

Lire la suite