Publié le 31 Décembre 2019

   Il est temps ? Il est toujours temps ! Au regard de l'éternité, le retard n'existe pas...

   Pour cette année 2018, une liste volontairement ramassée, plus sévère, qui correspond aussi à un moment de flottement du blog, dont je me demandais si j'allais le poursuivre. Il y aura donc de nombreux oubliés, certains que je rattraperai par la suite. 2018 fut évidemment pour moi une année David Lang : trois disques en tête, trois sommets qui montrent son aisance, sa maîtrise, dans des formes musicales variées. Deux références renvoient à des albums non présentés, que je recommande chaudement : je manque régulièrement les sorties de Michael Gordon, ça mérite une psychanalyse ; j'ai laissé passer l'étonnant Pentecost de Scott Blasco, un compositeur dans la mouvance d'Éliane Radigue.

   Les noms entre parenthèses sont ceux des interprètes qui signent l'album. Les noms des maisons de disques sont à droite des titres. Article assez LOURD : soyez patients pour le chargement !!

Les liens éventuels vers mes articles sont sur les titres. Cliquez sur les pochettes pour les agrandir.

1/ David Lang - writing on water    (Cantaloupe Music)

David Lang  - The Day    (Cantaloupe Music)

David Lang  - mystery sonatas   (Cantaloupe Music)
 

Les disques de l'année 2018
Les disques de l'année 2018
Les disques de l'année 2018

2/ Scott Blasco - Pentecost    (Irritable Hedgehog)

Michael Gordon - The Unchanging Sea    (Cantaloupe Music)

 

Les disques de l'année 2018
Les disques de l'année 2018

3/ Bruit Noir - II/III      (Ici d'Ailleurs)

Melaine Dalibert - Musique pour le lever du jour   (Elsewhere Music)

Kyle Gann - Hyperchromatica   (Other Mind Records)

Les disques de l'année 2018
Les disques de l'année 2018Les disques de l'année 2018

4/ Amuleto - Misztériumok     (three : four Records)

Jonathan Fitoussi / Clemens Hourrière - Espaces timbrés    (Versatile Records)

Machinefabriek + Anne Bakker Short Scenes    (Zoharum)

Les disques de l'année 2018
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5/ Christina Vantzou - N°4    (Kranky)

Ambroise - À la tonalité préférable du ciel    (Wild Silence)

Michel Banabila - Imprints   (Tapu Records)

Les disques de l'année 2018
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Rédigé par Dionys

Publié dans #Classements

Publié le 27 Décembre 2019

Hommage à Vicky Chow, pianiste défricheuse des musiques d'aujourd'hui

 La pianiste canadienne Vicky Chow n'a pas froid aux yeux, ni aux doigts ! Originaire de Vancouver au Canada, elle travaille désormais à Brooklyn, pianiste en titre du Bang On A Can All-Stars, cette formation modulable mise en place par David Lang, Michael Gordon et Julia Wolfe pour interpréter les musiques des trois compositeurs et de bien d'autres contemporains. En quelques années, elle a inscrit à son répertoire des œuvres de John Cage, de Julia Wolfe, le Piano Counterpoint de Steve Reich, Surface Image  de Tristan Perich, récemment le Sonatra de Michael Gordon. Rien n'est trop difficile pour elle. Aussi à l'aise dans la virtuosité que dans l'émotion, elle aime se confronter aux compositions les plus novatrices, qui renouvellent l'approche du piano. La voici ci-dessous dans "The Arching Path" (2016) de Christopher Cerrone, un compositeur né en 1984 que je suis en train de découvrir. C'est un triptyque pour piano solo inspiré par un pont sur la rivière Basento dans la ville italienne de Potenza en Italie.

   La musique énergique, voire volcanique, de l'irlandais Donnacha Dennehy ne lui fait pas peur non plus. Elle affronte avec détermination "Stainless Staining", composé pour une autre pianiste formidable, Lisa Moore. Pour piano et sons enregistrés, elle donne à entendre un piano percussif. Les sons enregistrés sont des échantillons de piano, joués à la fois normalement et de l'intérieur de l'instrument, réaccordés pour fournir un spectre harmonique massif de cent harmoniques en sol dièse mineur. La pièce doit sa fascination à la masse d'harmoniques charriée dans une irrésistible pulsation - pas étonnant que Donnacha soit accueilli par des labels reichien et / ou languien (néologisme forgé à partir de David Lang, avec un "u" intercalé pour la prononciation française). Les martèlements étagés se chevauchant génèrent un climat frénétique et trépidant, mais non dénué d'un sfumato qui donne une dimension rêveuse assez imprévue à cette cavalcade farouche.

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Publié le 18 Décembre 2019

Andrew Heath & Anne Chris Bakker - a gift for the Ephemerist

   a gift for the Ephemerist est le deuxième disque, après Lichtzin en 2017, issu de la collaboration entre le guitariste néerlandais Anne Chris Bakker, qui de son côté a signé des chefs d'œuvre de la musique ambiante, et le pianiste et artiste sonore britannique Andrew Heath, qui n'est pas en reste comme en témoigne notamment le beau Flux sorti en 2015. Quatre titres entre 8'40 et 18'12, inspirés par les paysages à proximité de leur studio dans un vieux moulin près d'un canal gelé, aux Pays-bas. Outre sa guitare, Anne Chris Bakker recourt à l'électronique, à des manipulations de bandes magnétiques et de sons de terrain, comme Andrew Heath qui, en plus de son piano, utilise les  mêmes, bandes en moins. Ils ont recueilli et produit des sons, ceux de pianos sur une plate-forme ferroviaire, de vieux magnétophones à bobines, pour les distiller selon leur alchimie propre : l'amour des atmosphères calmes, pures, peu à peu animées par des particules, des nodules infimes. Ce sont des paysages vus au microscope, saisis dans leurs moindres vibrations, dans leur intimité, dans leurs tremblements sous le souffle de la beauté imperceptible qui se fraye un chemin de lumière.

   "The Frosted Air" (L'Air givré) démarre au ras d'un drone percussif récurrent, de cliquètements, de fragments de conversations en arrière-plan, de petites touches de guitare, de piano. Peu à peu, très doucement, guitare et piano s'enlacent dans une aura électronique, une légère pulsation devient sensible, comme un balancement enveloppé. L'orgue joue le rôle d'un bourdon crescendo ; au premier plan, des clochettes parfois, le piano par intervalle, quelques bruits discrets, cisèlent le lent surgissement d'un flux somptueux charriant les sons d'une humanité chuchotante. C'est une respiration énorme, cosmique, dans laquelle se sont fondus tous les autres sons, la venue de la musique ultime, confondante. À écouter très fort pour se laisser porter...

     Le deuxième titre, "Found piano (a gift for the Ephemerist)" comprend entre parenthèses le titre énigmatique de l'album. Qui est cet "ephemerist" ? Le mot est un néologisme, certes transparent : l'éphémériste, créateur ou maître de l'éphémère, serait-ce le dieu auquel on offre un cadeau pour cette courte vie qu'est la nôtre ? Mais le musicien aussi est un éphémériste, les sons s'effaçant au fur et à mesure, remplacés par d'autres. Un étrange piano ouaté essaie de se faire entendre dans un monde dominé par des vagues électroniques, des scintillations cristallines. Le ton monte, le piano plus puissant immergé dans les grondements impressionnants d'un train fantôme filant sur la glace vers une destination inconnue, on imaginerait presque des rênes avec des grelots tirant un traineau colossal s'abîmant dans les forêts de la nuit.

   "Ontrafel" fait la part belle aux bruits les plus divers, créant une trame hantée, erratique. De quelle révélation s'agit-il ? La guitare s'interroge, des drones lui répondent en nappes épaisses pailletées de sons mystérieux. Tout crachote et semble s'enliser, mais le piano sonne une heure plus grandiose où la guitare flamboie dans le ciel peuplé de voix synthétiques, traversé de traits de lumière frissonnante. "Ontrafel" peut être considérée comme un prélude à la pièce la plus longue, "Waddensee" (Mer des Wadden), long hymne à cette mer des Wadden, avec ses zones côtières humides, refuge de nombreuses espèces. Tout ici est sous le signe de l'ampleur, de l'ouverture, d'une lumière diffuse, qui semble onduler dans une temporalité suspendue. Les oiseaux planent au-dessus des craquements d'un bateau dans lequel on marche lourdement, on entend des moteurs, un train, mais rien n'altère la splendeur, la grandeur d'un espace qui les inclut, les digère. Les six dernières minutes sont prodigieuses, d'une puissance sombre, un véritable enlèvement dans le feuilletage majestueux des éléments pour atteindre les fêtes lointaines de l'immortalité ?

   Un beau cadeau pour dégivrer toutes les névroses, ravir les amateurs de beaux envols.

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Paru en juin 2019 /  Rusted tone Recordings / 4 plages / 55 minutes environ

Pour aller plus loin :

- le disque en écoute et en vente sur bandcamp :

  

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 15 octobre 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

Publié le 4 Décembre 2019

Machinefabriek (5) - eau

Je serai toujours à la traîne avec Rutger Zuydervelt, alias Machinefabriek qui, de Rotterdam, nous inonde de ses productions. Clin d'œil, pour ce titre unique de mai 2019, intitulé eau, en français. C'est une autoproduction orpheline en quelque sorte, comme il en sort de plus en plus, la notion même de disque sur le point de disparaître. Toutefois, ce n'est pas un titre pour zombie pressé, avec ses trente minutes et dix secondes. Il y retrouve une autre néerlandaise, Mariska Baars, de Leyde, avec laquelle il a déjà collaboré à plusieurs reprises. Rutger dit ceci de eau : « eau n'est pas vraiment une chanson, ou une composition. Bon, techniquement, c'en est une, mais cela fonctionne plutôt comme une atmosphère qui remplit l'espace. Laissez faire la musique, rejouez-la, laissez les sons flotter dans la pièce - laissez-les coexister avec n'importe quel autre son. Ouvrez une fenêtre si vous voulez. Ou faites l'expérience d'un voyage avec les écouteurs, laissez ces doux sons, ces douces voix, ces bourdonnements et ces crépitements chatouiller l'intérieur de votre cervelle. »

   Le titre commence avec la voix comme écorchée de Mariska, démultipliée, tronçonnée en boucles brèves, puis soulignée par des notes tenues de synthétiseur, des bruits d'allumettes grattées peut-être. Tout commencerait dans le feu, par la voix brûlée dont s'échappe l'autre voix, la "vraie", aux inflexions caressantes, la voix des profondeurs, du rêve, tendrement épaulée par une guitare. Les volutes électroniques enveloppent vite un véritable chœur de voix, certaines en avant, proches, d'autres lointaines, séraphiques. Des phrases mélodiques reviennent inlassablement dans ce flux changeant, miroitant. C'est un travail d'orfèvre sonore, comme toujours quand Machinefabriek est à son meilleur niveau, comme ici, d'une beauté à couper le souffle. Tout tourne lentement, lent ballet d'apparitions sonores, les voix de Mariska doublées par des voix masculines à l'arrière-plan. La notion même de temps est bousculée, dans la mesure où ce flux charrie en même temps des fragments antérieurs et de nouvelles vagues. Au bout de dix minutes, tout le chœur semble couler pour ne laisser que la guitare et les claviers, avec très brièvement un dulcimer (?) aussi, les graves l'emportent, c'est une dérive, une fusion palpitante, agitée de clapotements infimes, serions-nous dans les grands fonds ? Des ponctuations lumineuses animent cette coulée, de plus en plus plombée par des drones. Tout résonne incroyablement, et vers dix-sept minutes on commence à réentendre d'abord les voix masculines, puis celles de Mariska derrière cette ligne massive de coraux. Début d'une lente remontée, d'une mêlée sensuelle étrange, trouble, entre voix et instruments, sons et bruits énigmatiques, avec quelques minutes marquées par l'égrènement de touches percussives, de cloches sous-marines. Croît l'impression d'un cortège somptueux nappé de voiles harmoniques aux multiples couches, avant qu'un coup d'arrêt (le dulcimer à nouveau ?) ne décante l'ensemble, les voix comme libérées d'une gangue, puis qui repartent, noyées au milieu de zébrures, d'une inflammation des textures sonores, d'une dépression sourde, de plus en plus étale, létale... sur laquelle se pose le souvenir de la voix engloutie et de ses sœurs lointaines. En somme ? Rien de moins qu'un magnifique opéra sans parole, la réécriture musicale inspirée de La petite sirène ou d'Ondine !

   Le disque est postproduit par Stephan Mathieu, compositeur et artiste sonore dans le domaine de l'électroacoustique. Du très beau travail !

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Paru en mai 2019 /  Autoproduction / 1 plage / 30'10

Pour aller plus loin :

- le disque en écoute et en vente sur bandcamp :

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques