Publié le 30 Mai 2009
Meph. - Alors ? Boursouflure pseudo-onirique ? Camembert planant indigeste ? Soporifique hip-hop plombé à l'électro ? Symphonies de soupirs synthétiques ?
Dio. - Je me doutais que tu te manifesterais. J'avais écouté distraitement les précédents albums (pas tous, mea culpa), mis en mémoire "Londinium", le premier, que j'ai ensuite effacé. Je trouvais ça emphatique, lourdaud, pas désagréable d'ailleurs...
Meph. - Parce que maintenant ils chaussent des semelles de vent ?
Dio. - Je n'irai pas jusque là. L'emphase ici est en phase (ah ! ah !) avec leur projet. Album long, qui prend son temps, creuse son sillon, soigné, entre post-rock mâtiné d'électro et hip-hop assez sombre et plutôt rare à dire vrai.
Meph. - Oui, l'excellent "Bastardised ink", avec Rosko John, ou "Quiet time" et ses beats enveloppés de claviers en nuages sombres
Dio. - La voix voilée de "Whore"...
Meph. - Relent d'apocalypse confisquée, nous sommes loin du rap, ça patauge dans la guimauve sur la fin, non ?
Dio. - Je te l'accorde, et on tombe dans le joli avec "Chaos", piano domestiqué et l'orchestre de Cannes /Provence / Côte d'Azur sévit sévère...
Meph. - Il est présent sur d'autres titres, heureusement moins envahissant. Jamais entendu un "Chaos" aussi calme : allez plutôt voir Caos calmo, le superbe film d'Antonello Grimaldi. "Razed to the ground" est plus réjouissant, légions démoniaques en sourdine lointaine, je suis dans mon élément, retour de Rosko John, rythmes bondissants et grondeurs, claviers superposés. Dommage que "Funeral" verse dans le grandiloquent, le funèbre pour pompes à cirer. Consternant. Faudrait leur dire d'écouter "The Carbon Copy building" et son extraordinaire "Funeral march of the unfinished desserts"
Dio. - Tu sais qu'on fait tout à l'envers ? On n'a pratiquement pas parlé de la première moitié de l'album, et notre discussion tourne à l'éreintement.
Meph. - J'aime l'ouverture éponyme, orgue balbutiant, comme enrayé. Long et lourd décollage, trop lourd diront certains. C'est qu'ils ne se prennent pas pour des anges. Musique incarnée, hantée par la chute, ça revient dans les paroles, fly with me falling through the night, ça sue la solitude traquée, une épouvante sourde. Une revendication d'être ici, the world is my playground too, cour de récréation menacée par la venue des controlling crowds, foules contrôlées et contrôleuses qui haïssent la différence.
Dio. - D'où "Bullets", belle invitation à regarder un homme ordinaire dans les yeux, à le toucher, superbe chanson pop au lyrisme incantatoire.
Meph. - Et la plainte écorchée de "Words on signs": Close those eyes down, we all fall down, into the space, gone with no trace(...)There's nobody for me here now.
Dio. - Et le chant fragile de "Dangervisit", le morceau le plus émouvant, rageur sur la fin.
Meph. - La boucle est bouclée. On en est à "Quiet time", le cinquième titre.
Dio. - Tu vas rire. Je vais encore parler des illustrations. Je ne trouve pas le nom de l'artiste, c'est curieux. Elles sont à l'image de ce monde naufragé, perdu dans l'espace, où l'organique déchiré dévoile le squelette, tout s'agglutine et se replie dans un camaïeu de bleu froid. Je pense à un artiste comme Miodrag Djuric, alias Dado : il a un site étonnant, à découvrir !!
Meph. - Pas de conclusion ? Tu t'échappes !!
Dio. - Très bien pour la première moitié, parfois calamiteux pour la seconde, à part "Bastardised Ink", et, partiellement, "Kings of speed" et "Whore", qui ont tendance à s'enliser. Ne boudons pas notre plaisir : nobody's perfect !
Meph. - Reste à méditer sur le titre de cet article, que je trouve vraiment mauvais...
Dio. - J'ai cru qu'il te plairait !
Paru en 2009 chez Warner Music / 13 plages / 76 minutes environ
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 16 décembre 2020)