Publié le 26 Mai 2015

Michel Banabila / Oene Van Geel - Music for viola and electronics II

   Michel Banabila (Doepfer A-100 analog modular system et autres) et Oene Van Geel (alto surtout, violon sur un titre) récidivent. Après le volume I paru en 2014, voici le volume II sorti depuis peu, avec une nouvelle superbe photographie aérienne de Gerco de Ruijter en couverture, et quelques musiciens en renfort : la clarinette basse de Keimpe de Jong sur le titre 2, Joost Kroon à la batterie et aux métallophones en 3, Radboud Mens à la programmation ableton en 5, Emile Visser au violoncelle et Eric Vloeimans à la trompette sur les titres 2, 3 et 5.

     "Hephaestus" donne le ton de cet opus, sorte de poème électronique sombre, mystérieux, caverneux. Ne sommes-nous pas dans les forges de Vulcain / Héphaïstos ? Sur fond de drones, l'alto de Oene Van Geel tranche, zèbre l'espace sonore de grands coups d'archet. L'arrière-plan devient régulièrement incandescent, animé d'une respiration obscure. Des aigus déchirent la trame d'un incendie qui couve, ça grésille, crépite, quelque chose de monstrueux émerge peut-être. Le morceau est une plongée dans les mystères de la matière, une odyssée imaginaire d'une grande puissance. Peu à peu, la caverne se peuple de multiples vecteurs sonores, le marteau s'abat avec une régularité infernale, de quoi réjouir les amateurs de musique industrielle ou expérimentale, je pense aux albums d'Annie Gosfield parus chez Tzadik par exemple. La coda est paradoxalement une longue traînée sidérale, une échappée de la caverne démolie sous les coups de marteaux-piqueurs électroniques. Magnifique et impressionnante ouverture ! Le début de "Chaos", le deuxième titre, est trompeur. La langueur mélancolique du chant de l'alto , déjà menacée de bruits bizarres, est explosée après une percussion sourde du clavier. Tout s'écroule, se lézarde, l'alto dérape, des percussions multiples, des pizzicatis, perturbent la mélodie, qui sourd quand même entre les fragments de blocs sonores, les transcende. Pièce oxymorique, écartelée entre démantèlement et mélodies d'une suavité ravageuse. C'est absolument superbe, d'autant que la clarinette basse apporte son contrepoint profond au chant sublime des ténèbres apparu après la première partie destructrice. Comme des trompes électroniques répondent au déhanchement orientalisant du violoncelle, tandis qu'un discret pizzicato rythme le mystère des surgissements, que la trompette se déchire dans des aigus extrêmes.

   "Vleugels" ("Ailes") nous emporte au pays des oiseaux chimériques, sans doute les oiseaux du lac Stymphale, aux ailes et aux plumes d'airain, de bronze. La composition est pulsante, à dominante d'aigus brefs imitant les cris d'oiseaux, puis le violoncelle apporte ses graves majestueux, et l'on s'envole en beauté majeure sur des draperies de claviers synthétiques et une batterie déchaînée. Comme quoi électronique et lyrisme peuvent faire bon ménage ! Toute la fin est d'une suavité incroyable...Mais "Radio spelonk" est un retour à la cave - c'est le sens du néerlandais "spelonk" - aux mirages, aux hallucinations, peuplée de brefs échantillons de voix, animée d'apparitions sonores fugaces, que le violon d'Oene vient unifier par des phrases énigmatiques. On est ici entre musique concrète et pure musique contemporaine. "Kino mikro" se fait alors la voix d'un Destin sibyllin, articulé en courtes respirations où apparaissent tantôt l'alto, le violoncelle, la trompette (on songe fugitivement à Jon Hassell) sur un arrière-plan de disque qui gratte, de particules nuageuses. Le dernier tiers est plus syncopé et en même temps plus explicite avec un retour de mélodies entêtantes, un côté manège infernal, puis tout se défait, retourne au silence.

   Une deuxième collaboration très réussie pour ce voyage imaginaire passionnant de bout en bout, musicalement splendide.

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Music for viola and electronics II, paru chez Tapu Records en mars 2015 / 5 pistes / 48 minutes

Pour aller plus loin :

- le site personnel de Michel Banabila

- Michel Banabila sur soundcloud, pour écouter des extraits d'autres compositions.

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 8 août 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

Publié le 16 Mai 2015

   Voici ma sélection, avec comme d'habitude un net décalage, volontaire, pour essayer d'attraper le plus de disques possibles, sachant qu'un modeste chroniqueur indépendant (et salarié dans un autre domaine !) dispose d'un temps d'écoute limité (hélas !!), d'où un inévitable déphasage, qui n'est d'ailleurs pas pour me déplaire - songez au titre principal de l'émission. Ce retard permet une première décantation, si l'on peut dire. Il arrive que l'enthousiasme initial se calme, que l'album célébré ne résiste pas à de nombreuses écoutes : aussi disparaît-il de mes classements, alors que, dans le même temps, des disques que je n'ai pas eu le temps de chroniquer s'imposent de plus en plus, jusqu'à trouver tout naturellement leur place dans ces photographies annuelles qui n'ont d'autre prétention que de fournir des repères, d'indiquer des tendances. Si les lecteurs-auditeurs découvrent grâce à eux l'ambroisie, le nectar qui les fera frémir, je serai comblé...

    J'ai opéré des regroupements, comme depuis un certain temps, mais plus importants souvent, manière d'indiquer comme des rencontres, des convergences, mais aussi des contrastes, et surtout parce que ces classements ne sont qu'indicatifs. Les liens vers les articles sont sur les titres d'album. Les noms des interprètes sont entre parenthèses pour les distinguer des compositeurs (qui peuvent aussi, bien sûr, interpréter leurs œuvres). Une première place partagée par des artistes qui me sont chers, avec trois nouveaux venus, Dennis Johnson, Mendelson et Simon James Phillips : sept chefs d'œuvre difficiles à départager...

    Pour les pochettes, cliquez au besoin sur les images des couvertures pour les agrandir et les voir entièrement. Les maisons de disques, labels, sont à droite.

1) Dennis Johnson - November                                           Irritable Hedgehog

Anne Chris Bakker - Tussenlicht                                      Somehow Recordings

David Lang - Death Speaks                                                Cantaloupe Music

Mendelson - (Triple album sans titre)                                 Ici d'ailleurs

Simon James Phillips - Chair                                          Room40

Nurse With Wound / Graham Bowers - Parade        Red Wharf

Alvin Curran - Shofar Rags                                             Tzadik

Duane Pitre - Bridges                                                        Important Records

 

 

Les disques de l'année 2013
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2) Itsnotyouitsme - This I                                                    New Amsterdam Records

Tim Hecker - Virgins                                                           Kranky

Michel Banabila & Machinefabriek - Travelog          Tapu Records

Yannis Kyriakides - Resorts & Ruins                               Unsounds

Anne-James Chaton & Andy Moor - Transfer           Unsounds

Greg Haines - Where we were                                            Denovali Records

 

 

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3) Bryce Dessner - Aheym                                             Anti Records

Peter Broderick - Float 2013                                         Erased Tapes

Simeon Ten Holt - Solo Piano Music (Volume I-V)      Brilliant Classics

Psykick Lyrikah - Jamais trop tard                               Ulysse Production / Yotanka

 

 

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4) (Jery-Mae G. Astolfi) - Here (and there)                     Innova Recordings

(Xenia Pestova) - Shadow piano                                      Innova Recordings

Piano Interrupted - The Unified Field                             Denovali Records

(Katia & Marielle Labèque) & alii- Minimalist dream House    KML

Nils Frahm - Spaces                                                        Erased Tapes

 

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5) Sebastian Plano - Impetus                                               Denovali Records

Imagho - Méandres                                                               Alara / We Are Unique Records

Bachar Mar-Khalifé - Who' gonna Get the Ball....          InFiné

Braids - Flourish // Perish                                                    Arbutus Records etc.

Pantha du Prince / The Bell Laboratory - Elements of Life       Rough Trade

 

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Programme de l'émission du lundi 6 avril 2015

Le Ciel brûle :

* Mendelson : Avant la fin (cd1, piste 4, 6'52), extrait du triple album (Ici d'ailleurs, 2013)

Theo Beckman / Fumio Yasuda : Das Lied von Surabaya Johnny / Ich hab dich ausgetragen / Bitten der Kinder (p. 5 - 7 - 8, 9'), extraits de Berlin  (Winter & Winter, 2007)

Poppy Ackroyd : Salt / Feathers (p. 2 - 4, 10'40), extraits de Feathers (Denovali Records, 2014)

Philip Glass : Orphée Suite (p. 2 à 7, 23'20), extrait de Glassworlds 1 (Grand Piano, 2015)

                                                                    Piano : Nicolas Horvath

Programme de l'émission du lundi 20 avril 2015

Matteo Sommacal : In a silent crowd / The Forgotten strains (p. 9 à 12, 14'), extraits de The Chain Rules (Kha, 2014)

Philip Glass : Opening (p. 1, 6'17), extrait de Glassworlds 1 (Grand Piano, 2015)

                                                                    Piano : Nicolas Horvath

Meredith Monk : St Petersbourg waltz / Phantom waltz (p. 9 - 12, 14'30), extraits de Piano songs (ECM New series, 2014)

Simon James Phillips : moth no taper (p. 7, 5'55), extrait de Chair (Room40, 2013)

Donnacha Dennehy : That the Night Come (p. 7, 9'23), extrait de Grá agus Bás (Nonesuch, 2011)

 

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Classements