techno et alentours

Publié le 19 Novembre 2024

Andrea De Witt - (sans titre)

   Collaborateur régulier du label Undogmatisch - il a participé notamment à la trilogie Magnum Opus Collectio series, le musicien italien Andrea de Witt y a sorti son premier véritable album solo, sans titre autre que son nom. Synthétiseur, boîte à rythmes, électronique (piano et voix traités, etc.). Ses compositions sont principalement spontanées, plutôt que fondées sur des modèles ou motifs pré-établis, confie-t-il.

Andrea De Witt
Andrea De Witt

 

   Entre quasi miniatures (1'19 pour le titre 10) et études (à peine cinq minutes pour la plus longue pièce), Andrea De Witt semble nous livrer un journal sonore intimiste. "Mai 5", la première pièce, est une machine hypnotique, de la techno industrielle onirique aux boucles lancinantes. C'est ce titre qui m'a fait revenir à l'album, presque oublié dans l'avalanche des parutions.  "Jun 4", ponctué de scratches et de rayures, rythmé lourdement, joue avec une mélodie sourde. "Aug 5" continue dans une veine techno minimale, ambiance de jungle noyée de brume épaisse. La marque d'Andrea de Witt, c'est un sens aigu de la concision, une manière de travailler le matériau finement  pour un effet maximal, ce en quoi il rejoint l'esthétique minimaliste, mais dans le domaine des musiques électroniques. "Apr 5" (titre 4), surtout percussif, tout en arythmies sculptées, se contente de bouffées espacées de matières granuleuses zébrées de petites déflagrations. Le premier "Pianochrom" introduit quelques pâles couleurs dans ce monde monochrome, en harmonie avec un album décidément intériorisé. Apparemment plus dramatique, "Jul 4" prend un aspect fantomatique avec les voix murmurées enchâssées dans les boucles résonnantes. Quant à "Oct X"(titre 7), c'est le retour à une veine un peu hallucinée, techno-industrielle douce et prenante, "Oct Y" en donnant une version plus rapide et plus ambiante, presque grandiloquente pour une fois dans ses draperies de bourdons (drones). La trilogie d'octobre se termine avec "Oct Z" (titre 9), bourdonnante, incrustée de dialogues téléphoniques (?), une techno minimale étrange. "Setting 7" est un court hymne pour piano étouffé dans une touffeur électronique de halos réverbérés, introduction au deuxième "Pianochrom", la plus longue pièce, bijou hypnotique hanté par des voix traitées, qui m'a fait songer à Alva Noto, par le fin picotement rythmé de la trame. "Amb 523" donne une fin étonnamment mélancolique à l'album : au revoir émouvant, sans boîte à rythmes.

Titres préférés :

-  "Pianochrom 2M" (titre 10), "Oct X" (titre 7), "Mai 5" (titre 1) et "Aug 5" (titre 3)

---------------------

Un beau disque aux confins mystérieux d'une techno minimale raffinée.

Paru en juin 2024 chez Undogmatisch (Berlin, Allemagne) / 12 plages / 39 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

Lire la suite

Publié le 20 Août 2024

Clark3 - From the edges tongues grow

Brève estivale 8...Un article sans gêne, sans honte, à l'image de la maison de disques berlinoise Shameless Records fondée et dirigée par le musicien Boris Hauf.

from the edges tongues grow (mot à mot « Des bords les langues poussent », titre quasi surréaliste) commence avec "08v3" un titre techno-spatial aux rythmes syncopés, cassés, tout à fait excellent, continue avec le très curieux "stangls", surtout au saxophone (synthétique sans doute), entrecoupé de silences significatifs. De quoi être perdu, mais "cherryy" (titre 3) assène une bouillie disco futuriste post-industrielle réjouissante ! "hw26 om", sur une base downtempo veloutée, est une danse électronique cliquetante, concise et efficace. "five a half" semble de l'ambiante revue par Autechre, fouets cinglants, zébrures troubles, gargouillis inquiétants et glacis synthétiques impériaux.

   Nouveau sommet avec le très inspiré "burslow" (titre 6), ambiante spatiale épique, grandiose et dans l'après-tout, d'une mélancolie déchirée, avec une coda presque pastorale de flûtes dans un crépuscule dévasté ! "may day", dans la ligne des titres 3 et 5, poursuit son œuvre de destruction, puissante musique post-industrielle déglinguée soudain touchée par une grâce inconnue, d'où un passage central percussif méditatif, vite parasité par le retour de démons ricanants et d'un pilonnement terminal... Le court "blödmaschinen" fournit la version hallucinée d'une circulation sanguine machinique, techno bondissante dans un milieu aux textures destructurées. Le titre 9, "Song", n'est mélodie que curieusement, cascades synthétiques et lourds battements, boucle lente et lancinante sur fond de désagrégation, de brume mélancolique soudain trouée par un saxophone perdu au beau milieu de ce nouveau monde synthétique (il l'est peut-être aussi... quoique souvenir du monde ancien !). "aphelion" assène le coup de grâce : train synthétique à grande vitesse lancé dans des champs de fractales répétitives, puis ralentissant en raison de terrains troués !

---------------

Un disque en effet sans complexe, évoluant avec virtuosité dans différents genres de musique électronique futuriste. Parfait pour les nuits estivales !

Paru le 2 août 2024 chez Shameless Records (Berlin, Allemagne) / 10 plages / 41 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

Lire la suite

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc..., #Techno et alentours

Publié le 10 Août 2024

Secret Beaches - Day Sleeper

Brève estivale 5... pour une incursion dans le monde de la techno et de ses environs électroniques. À écouter très fort !

Secret Beaches est le duo formé par Matt Skilling, connu par sa participation au sein de Run Chico Run et ses passages dans des groupes comme Lightning Dust, Trog Eyes, et Lee Hutzulak, engagé dans de multiples projets parallèles (Death Pool, Moth Mouth, Hot Towers...). Avec eux à Vancouver, nous sommes au cœur de la scène indépendante de la côte Ouest, deux mille kilomètres plus au nord que Los Angeles, Hollywood, où se déroule le film MaXXXine de Ti West...

Échantillonneurs, boîtes à rythmes, séquenceurs, synthétiseurs analogiques sont les armes suprêmes de nos deux musiciens pour quatre titres entre sept et plus de dix minutes.

   Le premier titre, "Blackout Blinds", évolue entre dub, glitch et techno, entre la relative chaleur des vagues de synthétiseurs et la froideur minimale de boîtes à rythmes implacables. Belle ouverture stylée, élégante ! "The Poison Pill" est d'emblée plus foisonnant, trouble. S'il se décante, c'est pour décoller, nettement psychédélique, aux battements hypnotiques enrobés de grognements synthétiques : c'est la pilule empoisonnée, n'est-ce pas ?

   Le titre 3, éponyme, "Day Sleeper" (Daysleeper fut un titre de R.E.M) correspond au contraire à une sorte d'enfoncement dans des zones confuses, ténébreuses. Le dormeur diurne patauge dans la glu de ses rêves, rechercher une issue n'a pas de sens : musique parfaite d'un enfermement éternel ! "Stereo Fountains" serait le réveil du précédent, soudain submergé de fontaines débordantes, et se remettant à vivre dans la nonchalance ou la transe. Il s'abandonne à une frénésie rythmique minimale, à un infra rythme, à des houles profondes. Superbe baptême rythmique exultant !

----------------

L'Esprit n'est que le Corps baigné par le Rythme ! Dormeurs diurnes, lévitez sur les Plages secrètes !

Paru en juillet chez Panospria (Vancouver, Colombie-Britannique, Canada) / 4 plages / 38 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur no type

Lire la suite

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc..., #Techno et alentours

Publié le 6 Juin 2023

OTHER:M:OTHER - Metamorph

     Je n'ai pas hésité : le disque s'est imposé d'emblée, éblouissant, après un premier titre déconcertant, ne vous fiez pas à lui ! Le trio autrichien OTHER:M:OTHER est formé par la compositrice Judith Schwarz, membre de groupes comme Chuffdrone ou Little Rosies Kindergarten,  aux diverses percussions, par l'artiste sonore, compositeur et ingénieur Arthur Fussy au synthétiseur modulaire, et par le poète sonore et pianiste de jazz Jul Dillier au piano préparé. La musique a été enregistrée lors de trois concerts en 2022.

   Percussive, rythmique, expérimentale avec un arrière-plan d'improvisation, la musique de OTHER:M:OTHER surprend par son côté décalé, son refus manifeste des formes attendues. Ainsi, après un court premier titre, "Matrics",  percussif, très vif, d'allure expérimentale presque bruitiste, on passe au mystérieux "Lithosphere", mélodies étranges entrecroisées : un titre magnifique pour un film d'horreur tant la musique se fait fantomale, tout en frottements, grondements de drones, déchaînements éclairs de forces obscures. Le travail du son est d'une incroyable précision, et d'une efficacité redoutable ! "Reaktor" est tout aussi enthousiasmant, piano et percussions hypnotiques, synthétiseur inventif. Musique bouillonnante, percutante, jubilatoire ! Un plaisir, ce trio !

[ En contrepoint, une vidéo qui ne correspond pas directement au disque, en tout cas la plus proche du disque parmi les trois proposées, les deux autres étant à mon goût surtout démonstratives et inutilement surexcitées. ]

     Et le titre 4, "Kin", rituel de science-fiction, messe électroacoustique, un univers totalement étrange ! "Humus I" revient à la terre, nous n'en doutons pas, mais une terre inconnue de brefs gestes sonores, fouissements de taupes dans des souterrains kafkaïens, présences mystérieuses : quelle économie d'écriture, et quel résultat fascinant ! Comme son titre pouvait le laisser penser, "Techtonic" propose une techno nerveuse de plaques enchevêtrées, de l'excellente musique de club, que voulez-vous, ce trio n'en fait qu'à ses oreilles, le piano se lançant même dans un passage jazzy très libre sur fond de percussions bondissantes, avec une fin expérimentale, contemporaine, superbe. "Humus II" continue l'exploration d'un infra-monde intriguant : véritable sculpture sonore bruissant de surgissements métalliques, qui enchaîne sur "Unruh", le dernier titre, à nouveau hypnotique, techno acérée aux multiples roulements percussifs, mini-déflagrations et coups de fouet rythmiques. Morceau de transe absolument extraordinaire, débouchant sur une seconde moitié quasiment méditative, synthétiseur bourdonnant, mélodie élégiaque et batterie aux frappes sèches ou percussion apaisée. 

   Un album étincelant, étrange, animé d'une belle fièvre rythmique.

Meilleurs titres : 1) "Unruh" (le 8), "Lithosphere" (le 2), "Reaktor" (le 3), "Kin" (le 4) et "Techtonic" (le 6)

2) les deux "Humus" (5 et 7)

Ne reste sur le carreau que le 1, en somme...petite mise en oreille des instruments avant le début de la séance !

Paru début mai 2023 chez Klanggalerie / 8 plages / 42 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite

Publié le 10 Mai 2023

Tom Lönnqvist - Enter

   Troisième disque du finlandais Tom Lönnqvist chez Mille Plateaux, après Noir (juin 2021) et Aria (janvier 2022), Enter est inspiré comme les précédents par la nuit polaire, le « kaamos ». Le plus fort, le plus abouti des trois ? Dès "Enter", une techno hypnotique superposant battement rythmique et nappe électronique trouble. Un nocturne abyssal ! "Coin" : puissant vent polaire, dont se dégage un mur d'orgue, une vrille obsédante. Il n'y a plus rien, tout est effacé... Avec "Timber", tambour monotone et toile électronique rayonnante d'un soleil caché. "Boil" continue une œuvre d'éradication, simple fluctuation de micro-battements. Tom Lönnqvist emmène son auditeur très loin dans un monde en négatif, radicalement minimal. C'est encore le cas sur "Calm", une musique quasi industrielle glaciale. Puis tout bascule, c'est "Excide", magnifique techno minimale, frémissante d'une vie minuscule de virgules tremblantes.

  "Solar" propose une autre poussée techno, battement sourd et friselis lumineux, accelerando, crescendo : explosion lente d'un soleil noir ! Formidable morceau ! Drones grondants et granulation électronique, "Rope" ne cesse d'émettre une lumière poussiéreuse, avant le surgissement de gueules dévorantes, infernales : une apocalypse de criquets synthétiques... Le remixe de "Enter" par Ibrahim Alpha Junior, autre artiste présent sur Mille Plateaux, fracture et dissèque le titre de Tom Lönnqvist en lui insufflant une énergie dansante, puis, après l'avoir dégonflé, le propulse dans des sphères "grandioses" : est-ce vraiment sa place ici ? Pour moi, non... Car la série commencée avec "Excipe" continue avec "Alone", train fantôme électronique vers nulle part. "Omen", toile d'orgue aux lentes ondulations, est d'une noire magnificence, puis se piquète de frappes sèches (Steve Reich au loin ?), se désagrège... Au bout du voyage, "Left", d'une monotonie hypnotique, techno atmosphérique radicale soudain envolée, saisie d'une frénésie reichienne (j'y tiens...) : implacable !

   Un disque sous hypnose pour un voyage dans la nuit des nuits. À écouter très fort au casque...vous n'en reviendrez pas !

Paru en avril 2023 chez Mille Plateaux / 12 plages / 52 minutes

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc..., #Techno et alentours

Publié le 23 Mars 2023

Iury Lech - ONTONANOLOGY

   Né en Ukraine, installé à Madrid, Iury Lech a déjà derrière lui une longue carrière, avec un premier disque, Otra Rumorosa Superficie, sorti en 1989 chez Hyades, réédité en 2018 chez Utopia Records. ONTONANOLOGY, sorti en mars 2022, est ressorti début 2023 sous forme vinyle en édition limitée à cent exemplaires. Pionnier de la scène électronique et audiovisuelle en Espagne, Lury Lech est un artiste interdisciplinaire influencé par les compositeurs minimalistes ou des alentours, comme Steve Reich, Terry Riley ou Jon Hassell. Si Otra Rumorosa Superficie me paraît fade et loin des minimalistes, Musica para el final de los cantos, sorti en 1990, est un peu meilleur, très reichien dans son premier titre, la suite étant inégale, engluée par une instrumentation synthétique guimauvesque (j'assume le néologisme). ONTONANOLOGY n'a plus beaucoup de rapport avec cette musique électronique douceâtre, et c'est tant mieux !!!

   ONTONANOLOGY ? Une musique philosophique, à la recherche de l'Être ? Sans doute. Rien à voir en tout cas avec les nains de jardin, si ce n'est par l'échelle microscopique des particules électroniques combinées dans cette musique. Ce qui compte, c'est que la musique de Iury Lech a gagné du nerf, lorgne du côté d'Autechre, de la techno minimale, du glitch. Dès le premier titre, "Stellium", on comprend, on entend que Lury s'est débarrassé des matelas synthétiques à s'endormir très vite. Techno bondissante, minimale, bien sèche, aux drones grondants, c'est un plaisir ! "Wúxiàn" file sur des boucles claquantes, hypnotique et brumeux à souhait, avec de belles déchirures acérées. "Dilapidated Ellipsis" est un assemblage de drones secs et de glitchs qui s'envole dans un lyrisme abstrait et sombre, orageux. Finie la mélancolie de pacotille, les affects douteux..."Tranxenobots" propose un hallucinant voyage en pleine science-fiction : techno pointilliste, réduite à des suites micro-percussives superposées, traversant l'espace sonore en tout sens, c'est d'une beauté à l'os !

  J'entends la cinquième titre, "Ontonanology (et banalité)", comme une mise à mort ironique de l'ancienne manière : les nappes moelleuses sont littéralement trouées par les craquements, un lit de petites morsures serrées. Le moins bon titre en tout cas, pivot un peu mou de l'album ! Heureusement, "Precambric Strain" repart très fort, mitrailleuse répétitive aux brèves fulgurances, avec des tourbillons noirs, une force implacable, pour une plongée finale électroniquement haletante ! Cette deuxième partie se fait presque industrielle avec "Oneiric Atmos", choc d'astres dans l'infini. Toujours hypnotique, elle vire abyssale, inquiétante. Et "Devastated Okeans" nous submerge sous un flux énorme, peuplé de rayonnements ténébreux. Une étrange chevauchée fantastique déferle dans une atmosphère apocalyptique. Absolument excellent ! "Licca Carpatiana" continue dans la même veine très sombre d'une techno ambiante minimale, picotements percussifs serrés, drones et frottements, froissements, sorte de jungle électronique étouffante, dont on ne sortira plus jamais... si ce n'est pour des scénarios de musique sauvage, l'étonnant dernier titre, "Wild Music Scenarios", quasi goguenard dans son aspect grotesque, outrancier. Pas le meilleur à mon sens.

  Un excellent disque de musique électronique techno-ambiante sombre.

Titres préférés : 1) "Stellium" (le 1) / "Tranxenobots" (le 4) / "Precambric Strain" (le 6) / "Oneiric Atmos" (le 7) et "Devastated Okeans" (le 8)

Paru en janvier 2023 chez Amorfik Artifacts / 10 plages / 57 minutes environ

Pour aller plus loin

- rien sur les plate-formes connues, et des vidéos hélas "privatives", comme celle-ci pour "Stellium" sur vimeo(d'autres vidéos sont sur la même page)

- disque en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite

Publié le 28 Septembre 2022

Radboud Mens - Continuous Movement
Radboud Mens - Continuous Movement

   Radboud Mens ? Sous ce nom énigmatique (pour moi en tout cas), se cache un artiste sonore et compositeur qui travaille depuis 1982, qui a produit son premier album de drones en 1995. Depuis de nombreuses années, il conçoit lui-même ses propres instruments acoustiques, ses installations sonores. Il songeait depuis une vingtaine d'années à une sorte d'album total, combinant esthétique glitch, techno minimale, rythmes dub, ambiantes à base de drones. Il en résulte ce double album de seize titres. Fascinant !

   Je n'aime pas tout également. Le premier titre "Conversion" est d'une ambiante glitch peu emballante. Par contre, le titre suivant "Decay (Instant Gratification Mix)" est totalement envoûtant : une techno minimale à ras de drones, du reggae aplati qu'on pourrait écouter jusqu'à la fin des temps ! Le remix suivant "An Enabled Chord", est tout aussi convaincant, une ambiante de drones bien sourds, flamboyant noir dans les ténèbres piquetées de glitchs légers et de sons percussifs. "Cyclic Form (Remix)", conforme à son titre, est une longue traversée paresseuse de paysages arasés. Je préfère le suivant "Tongue (Remix)", une techno ambiante presque radieuse dans son implacable sérénité. "Convolution" a un côté buddien, en dépit des glitchs dansants, puis des éclats enchâssés dans la matière sonore mouvante, de plus en plus mystérieuse au fil de la pièce avec ses molles circonvolutions. Suit un "Continuous" très techno-dub, micro frétillant dans sa robe rapiécée : séduisant ! L'atmosphérique "Polyrythmic Ambient Drone (Remix)" ferme ce premier album avec une composition délicate, élégante, en apesanteur parfois : sur un tapis de vagues ondulées bien rythmées en douceur naissent de courtes virgules scintillantes sans cesse renaissantes. Très belle fin !

   Le second disque est nettement plus ambiant, avec parfois de curieux effets, comme dans "Release", qui prend des allures de raga indien, tant le riche bourdon libère des harmoniques chatoyants. "Start Again" élève sur les ruines d'un paysage sonore une forte pulsation hypnotique, dans un brouillard de textures discrètement exotiques. J'avoue que le rutilant "Again" me paraît très convenu. Passons. "Movement (Remix) " ne me séduit pas plus... Quant à "Again (Reprise)"... je me tais !

   Bref, deux disques qui à mon sens auraient pu fusionner en un, en gardant du deuxième "Modular", "Release" et "Start Again", et presque tout le premier, sauf le premier titre. Mais ce n'est pas à moi de refaire l'édition. Le chef d'œuvre, c'est "Decay (Instant Gratification Mix)", puis "An Enabled Chord (Remix), "Tongue (Remix)" et "Continuous", "Polyrythmic Ambient Drone (Remix)"...

Paraît le 10 septembre 2022 chez ERS Records /  2 cds / 16 plages / 57 + 47 minutes environ

Pour aller plus loin :

- Rien à vous proposer en dehors de bandcamp...

- albums en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite

Publié le 21 Juillet 2022

T. Gowdy - Miracles

   Pour Miracles, son deuxième disque chez Constellation, le producteur montréalais/berlinois T. Gowdy, présent dans de nombreux festivals et galeries, s'appuie sur des sources créées à l'origine en 2018 pour un projet audiovisuel inédit basé sur des images de surveillance. Il couple ces matériaux avec différents procédés électroniques pour nous donner un album de Musique de Danse Intelligente (IDM en anglais : Intelligent Dance Music) qui mérite vraiment le détour.

   "350J"sert de brève préface : atmosphère lourde, épaisse, dont émerge des sons tourbillonnants chargés de scories, déchirés de stries granuleuses. Le titre éponyme nous emporte avec son rythme bondissant, sa mélodie en boucles lancinantes. Émaillé de pétillements percussifs, il mute en ronflements saturés et tressautements internes. La machine IDM est parfaite ! "Déneigeuse", dont le titre ne manque pas d'humour, peut en effet évoquer le démarrage pétaradant d'une déneigeuse, transformé en transe métallique hypnotique, puis en glissements ambiants.

   L'attrait de cette musique tient à sa dimension malgré tout vivante, les textures électroniques agitées de battements, gonflées de pulsations, de renflements. "Transcend I", "U4A" bouillonnent, le deuxième titre hanté par une strate assez proche de la voix humaine dans l'énorme montée orgasmique du plasma électronique. D'où des lignes incantatoires étonnantes. "Vidisions" est un bel échantillon de techno minimale agrémentée de glitches qui s'insère parfaitement dans cet album rigoureux, plus austère au fil des morceaux.

   "Clipse" effectue un virage encore plus net vers une musique électronique abstraite et impeccable, d'une sombre beauté. À mon sens, le chef d'œuvre de ce disque dont "Transcend II" est l'épilogue assez flamboyant.

   Laissez-vous envoûter par cet itinéraire fascinant !

Paru début juin 2022 chez Constellation Records / 8 plages / 38 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Lire la suite