Iury Lech - ONTONANOLOGY

Publié le 23 Mars 2023

Iury Lech - ONTONANOLOGY

   Né en Ukraine, installé à Madrid, Iury Lech a déjà derrière lui une longue carrière, avec un premier disque, Otra Rumorosa Superficie, sorti en 1989 chez Hyades, réédité en 2018 chez Utopia Records. ONTONANOLOGY, sorti en mars 2022, est ressorti début 2023 sous forme vinyle en édition limitée à cent exemplaires. Pionnier de la scène électronique et audiovisuelle en Espagne, Lury Lech est un artiste interdisciplinaire influencé par les compositeurs minimalistes ou des alentours, comme Steve Reich, Terry Riley ou Jon Hassell. Si Otra Rumorosa Superficie me paraît fade et loin des minimalistes, Musica para el final de los cantos, sorti en 1990, est un peu meilleur, très reichien dans son premier titre, la suite étant inégale, engluée par une instrumentation synthétique guimauvesque (j'assume le néologisme). ONTONANOLOGY n'a plus beaucoup de rapport avec cette musique électronique douceâtre, et c'est tant mieux !!!

   ONTONANOLOGY ? Une musique philosophique, à la recherche de l'Être ? Sans doute. Rien à voir en tout cas avec les nains de jardin, si ce n'est par l'échelle microscopique des particules électroniques combinées dans cette musique. Ce qui compte, c'est que la musique de Iury Lech a gagné du nerf, lorgne du côté d'Autechre, de la techno minimale, du glitch. Dès le premier titre, "Stellium", on comprend, on entend que Lury s'est débarrassé des matelas synthétiques à s'endormir très vite. Techno bondissante, minimale, bien sèche, aux drones grondants, c'est un plaisir ! "Wúxiàn" file sur des boucles claquantes, hypnotique et brumeux à souhait, avec de belles déchirures acérées. "Dilapidated Ellipsis" est un assemblage de drones secs et de glitchs qui s'envole dans un lyrisme abstrait et sombre, orageux. Finie la mélancolie de pacotille, les affects douteux..."Tranxenobots" propose un hallucinant voyage en pleine science-fiction : techno pointilliste, réduite à des suites micro-percussives superposées, traversant l'espace sonore en tout sens, c'est d'une beauté à l'os !

  J'entends la cinquième titre, "Ontonanology (et banalité)", comme une mise à mort ironique de l'ancienne manière : les nappes moelleuses sont littéralement trouées par les craquements, un lit de petites morsures serrées. Le moins bon titre en tout cas, pivot un peu mou de l'album ! Heureusement, "Precambric Strain" repart très fort, mitrailleuse répétitive aux brèves fulgurances, avec des tourbillons noirs, une force implacable, pour une plongée finale électroniquement haletante ! Cette deuxième partie se fait presque industrielle avec "Oneiric Atmos", choc d'astres dans l'infini. Toujours hypnotique, elle vire abyssale, inquiétante. Et "Devastated Okeans" nous submerge sous un flux énorme, peuplé de rayonnements ténébreux. Une étrange chevauchée fantastique déferle dans une atmosphère apocalyptique. Absolument excellent ! "Licca Carpatiana" continue dans la même veine très sombre d'une techno ambiante minimale, picotements percussifs serrés, drones et frottements, froissements, sorte de jungle électronique étouffante, dont on ne sortira plus jamais... si ce n'est pour des scénarios de musique sauvage, l'étonnant dernier titre, "Wild Music Scenarios", quasi goguenard dans son aspect grotesque, outrancier. Pas le meilleur à mon sens.

  Un excellent disque de musique électronique techno-ambiante sombre.

Titres préférés : 1) "Stellium" (le 1) / "Tranxenobots" (le 4) / "Precambric Strain" (le 6) / "Oneiric Atmos" (le 7) et "Devastated Okeans" (le 8)

Paru en janvier 2023 chez Amorfik Artifacts / 10 plages / 57 minutes environ

Pour aller plus loin

- rien sur les plate-formes connues, et des vidéos hélas "privatives", comme celle-ci pour "Stellium" sur vimeo(d'autres vidéos sont sur la même page)

- disque en écoute et en vente sur bandcamp :

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