Publié le 26 Novembre 2009
Meph.- Tu me rassures ! J'ai cru que tu allais faire comme tout le monde, encenser sans nuance le nouveau petit génie, car il est de bon ton de confondre information et publicité, n'est-ce pas ?
Dio.- Encore à me surveiller ! Tu es un code de déontologie à toi tout seul, ma parole ! Pire qu'un ange gardien !! Mais tu as raison, beaucoup de blogueurs hurlent dans le sens des sirènes médiatiques, s'effacent pour relayer des informations quasiment publicitaires, par manque d'audace ou par crainte de décevoir leurs visiteurs (attention, je n'ai pas dit "tous les blogueurs"...Ouh, le paquet d'ennemis virtuels que je risque de m'attirer !). Pour revenir à moi, le début de l'album me laisse sur ma faim. "Thanks for nothing" a tout du tube, morceau dance avec un petit côté rock, assez ennuyeux pour tout dire à part deux envolées un peu après deux minutes et à la fin. "Give me pain" commence de manière surprenante, à l'accordéon presque façon Piazzolla. Comme dans le titre précédent, Danton chante, voix cette fois plus nasale, plus aiguë. Le morceau traîne un peu, dynamisé par des accès funky, cuivrés et un beat pulsant. "Stillettos rising" est déjà nettement mieux, plus dépouillé au ras des beats (si j'ose dire), ambiance épaisse, alternance entre voix masculine basse et voix féminines en hoquets secs...
Meph.- Allez crache, avoue...
Dio.- C'est vrai, j'ignorais tout des stilettos, ces fins talons aiguilles comme d'affilés couteaux pour blesser nos cœurs.
Meph.- Romantique de pacotille, précieux commun. Tu préfères encore le morceau suivant, pourtant, comme moi. Tu aimes ce qui est ferme, serré, étroit, ajusté, "Tight", chef d'œuvre de techno sensuelle, érotisé par les brefs soupirs féminins qui émaillent ces neuf minutes, au secours, parfois les sirènes déchirent l'air vibrant pendant ce coït machinique virtuellement infini.
Meph.- Ne fais pas l'effarouché. Tu as bien regardé la pochette, comme tout le monde, et ce qui pend là entre les pattes du cheval, c'est le canal musical de Danton, l'envers du chapeau, le vrai visage du dandy qui éclabousse les conventions.
Dio.- Ce que certains nomment son côté "révolutionnaire", pseudonyme oblige ?
Meph.- "Desire no more", moi je traduis "désir pas mort", voilà ma réponse. Ne pas se fier aux apparences. Avec ce morceau (celui-là ou le susdit comme le nez lubrique au milieu du cheval, c'est du pareil au même...), on est au centre de la libido, voix des profondeurs abyssales, leitmotiv techno-gothiques. La salle capitulaire souterraine de l'album, chambre aux fantasmes. Splendide.
Dio.- Tout à fait d'accord. Et ça continue...
Meph.- Oui, le sommet... (morceau en écoute après l'article)
Dio.- Déjà sorti sur un maxi en 2007, je l'avais manqué.
Meph.- "Confessions of an english opium-eater", ça s'appelle, car Danton puise son inspiration un peu partout. Confessions d'un mangeur d'opium de Thomas de Quincey, traduites dès 1828... par notre délicat romantique, Alfred de Musset. Plus de dix minutes de techno minimale, implacable, magnifique, la quintessence du genre, diabolique à me donner son âme, vraiment.
Meph.- Et le morceau suivant est d'une sensualité (faussement)perverse réjouissante !" The feminine man" entremêle la voix masculine épaisse, caverneuse et la petite voix délicieuse de Chloé sur fond de pulsations douces, de cloches et claviers langoureux.
Dio.- Comment ne pas fondre...Même veine pour "Unmistakably You", peuplé de voix déformées, grimaçantes, beats sautillants, musique de transe pour des fantômes ou des morts-vivants.
Meph.- Influences cinématographiques dans l'air, films de vampires ou d'épouvante passés à la moulinette du mixage.
Dio.- C'est le moment d'émerger , perdus dans la musique, "Lost in music", musique de club...
Meph.- Tu ne sais pas t'arrêter d'admirer. Musique bavarde pour draguer la minette... Je préfère "Attila", plus sombrement jouissif.
Dio. Tu m'aurais laissé parler... Danton cède à la facilité, même à la fin de ton morceau. Des titres chantés, "Vivid love" est peut-être le plus convaincant, mais les claviers sonnent assez ringards.
Meph.- Sans parler du dernier morceau, sans parole, juste un sac d'air, comme son titre l'indique.
Dio.- Tu es vraiment excessif, je trouve, c'est joli. Oublions les faiblesses, le début et la fin ; le disque vaut pour son cœur...
Meph.- Tu m'exaspères avec ton vocabulaire sentimental. Le disque vaut pour sa caverne centrale, son gouffre basaltique, les titres 3 à 8..
Dio.- Un peu le 9, et je te concède la moitié d'"Attila" pour complaire à ta sauvagerie hongroise...
Meph.- Bougre d'hongre !! Tu n'as même pas parlé du pseudonyme, à part "Danton"...
Dio.- EEprom ? Strange ! Pas un nom d'écrivain exotique, ni de cinéaste-culte underground. Un acronyme : Electrically Erasable Read Only Memory, une forme de mémoire morte effaçable électriquement et programmable, que disent les spécialistes. Une manière d'afficher son implantation dans les musiques électroniques, en somme.
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 janvier 2021)