Carl Stone et Daniel Menche, deux compositeurs américains nés respectivement en 1953 et 1969, sont de vieux routiers de la scène électronique. Carl, le Californien, compose de la musique électro-acoustique depuis les années 70, intervient aussi bien dans son pays qu'en Australie ou, assez régulièrement, au Japon où il écrit pour des chorégraphes, des cinéastes, conçoit des programmes radiophoniques et des installations multimédia. Daniel, originaire de l'Oregon, est l'auteur d'une vingtaine d'albums sur différents labels.
Unseenworld , label qui se consacre aux rediffusions d'œuvres d'avant-garde, a republié en février de cette année l'un des tout premiers albums de Carl Stone, Woo Lae Oak, sorti en 1982. Plus de vingt cinq ans plus tard, le disque n'a rien perdu de son étrangeté lancinante. Une seule composition de 54 minutes déploie ses boucles électroniques à partir d'une simple corde frottée produisant un tremolo continu et d'une bouteille jouée en soufflant à l'intérieur. Le résultat n'est pas sans évoquer la musique traditionnelle japonaise avec les sonorités du shakuhachi (la bouteille devient flûte de bambou...) : à écouter assez doucement, on se trouve devant un lac très calme, nimbé de brume, dont la surface reflète parfois le passage des grues. Woo Lae Oak, qui doit son titre à une chaîne de restaurants coréens, dont un est justement installé à Los Angeles, est, à la croisée du dépouillement zen et du minimalisme le plus rigoureux, un témoignage troublant des possibilités d'un usage basique de la bande magnétique.
Paru en 2008 chez Unseen Worlds / 1 plage / 53'48
Pour aller plus loin :
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
Glass Forest, sorti aussi en février chez Important records, serait le dernier disque compact de Daniel Menche, qui dit ne plus publier dorénavant que des vinyles ou des DVDs. Trois morceaux, trois plongées de vingt minutes à l'intérieur d'un drone vivant, parcouru de frémissements, pulsations, crépitements, sonneries lointaines : propulsés au coeur obscur de la matière, nous écoutons sidérés le chant libéré de l'infiniment imperceptible qui nous submerge. Musique terrifiante, inexorable, à trembler : un train qui fore vers le centre de la terre, vers le centre du noyau central du grand rien où l'homme n'existe pas. Dans la forêt de verre chaque son nous atteint, scande notre néant : musique pascalienne en somme, qui bannit tout divertissement. Le troisième titre, d'une incroyable splendeur noire, conclut un album dans la lignée du travail d'une Annie Gosfield (cf. articles du 24 avril et du 2 mai 2008).
Paru en 2008 chez Important Records / 3 plages / 68 minutes environ
Pour aller plus loin :
Rien en vidéo pour ce disque, alors je vous propose un extrait d'un autre album sorti fin 2016 en bas d'article...
- album en écoute et en vente sur bandcamp :