Publié le 12 Juin 2025
Christina Giannone, artiste sonore et compositrice de Brooklyn, signe un troisième album chez Room40, après Zone 7 en janvier 2022 et Reality Opposition en juillet 2023. Toujours entre bourdons ambiants et bruitisme, sa musique, qui privilégie les textures atmosphériques à grande profondeur de champ, a été primée dans plusieurs festivals internationaux de films.
La musique de Christina Giannone ne ressemble plus à rien. Elle a jeté les amarres pour s'approcher du Bruit de l'Univers : grésillements, déchirements, ondes de fond, bourdons. Elle capte les énergies, comme l'annonce le titre de l'album, Amulette d'Opale en français, mais non pas pour guérir quoi que ce soit, pour retrouver sans doute la musique originelle sous sa forme brute, brutale. Parler de musique ambiante est évidemment impropre, à moins de se situer au niveau cosmique, universel. Le premier titre, "Illusory Figure", ne renvoie-t-il pas au concept de Maya dans la Bhagavad-Gītā ? Le monde matériel est temporaire, en constante évolution, comme le monde sonore de Christina, qui plane au-dessus du chaos primordial, de son fourmillement colossal, grandiose et monstrueux.
"Iridescent Dust" (Poussière irisée) n'a rien de solaire : si arc-en-ciel il y a, c'est un arc-en-ciel ténébreux ! La poussière est celle des astres, des galaxies, de l'énorme fourneau en ébullition que la musique essaie de rendre sensible à l'auditeur. On croit entendre les meuglements des troupeaux de créatures mythologiques enfermées dans le maelstrom parfois traversé de quelques battements rythmiques comme de coups de sabots dans la cavalcade indescriptible. Le troisième titre, "Vaporous Ritual", pointe clairement la dimension mystique de ces captations hallucinantes. Ce ne sont que chutes sans fin, précipitations fabuleuses : destruction des Mondes dans une Apocalypse de déflagrations, de vaporisations vertigineuses ! Imaginez le Jugement Dernier (vers 1560) du Tintoret, mais avec effacement des contours, des distinctions, des couleurs...
Que le disque se termine avec "Death Ambient" ne saurait surprendre l'auditeur. L'ambiance de mort est le fond de l'Univers qui, s'il crée la Vie, l'efface dans son mouvement. Le chaos n'est pas seulement initial, il est l'horizon de toute manifestation. La composition laisse entendre la décomposition, l'effilochement : ne subsistent que des traces, des traînées, des trains de particules lancés dans l'Infini. Il n'y a plus rien que ces trajectoires arasées, cette pulsation noire remplissant l'espace sonore, car, au fond, le vide lui-même n'est qu'illusion. Il n'y a que ce plein au ras de l'Informe absolu, de la dernière minute de poussières résiduelles...
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Christina Giannone signe un album métaphysique d'une puissance sauvage : à mille milliards de lieux des musiques ambiantes d'endormissement !
cf. Texte d'accompagnement de Christina : (traduction Google revue...)
Si Vénus et Neptune entraient en collision,
J'émergerais
Entité aquatique bouillonnante
Se métamorphosant en océan cosmique
Se vaporisant dans le vide holographique
Figure illusoire
Amulette d'opale
S'effondrant en poussière irisée
Aspirée dans le trou noir
Qui mène à l'Insouciance
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Paru fin mai 2025 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 4 plages / 38 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur Bandcamp :