Publié le 6 Novembre 2024
Louie.Lou, nom d'artiste de la musicienne suédoise Louise Ölund, se donne pour objectif de composer une musique à mi-chemin entre art musical et électroacoustique. Son passé punk et folk l'incline à brosser des paysages sonores en clair-obscur, avec une prédilection pour le sombre, le noir, le dramatique. L'orgue est son principal instrument. Elle y ajoute enregistrements de terrain, boucles, synthétiseur et voix. Elle voudrait effacer la frontière entre l'animal et l'humain, se tenir à l'orée, à la lisière de la forêt, ...
Le titre du disque, Ljusår, signifie « Années-lumière », c'est là qu'elle se tient, pour « commencer une fin » ("En början ett slut", titre 1) Presque huit minutes d'orgue profond, voilé, en longues notes tenues, avec au premier plan dans la première moitié un motif de synthétiseur (?) en boucle. C'est quelque chose qui s'en va, qui n'en finit pas de sombrer. Magnifiquement sombre, de la musique gothique qui se drape dans les noirs !
"Evighetssyster" (Sœur d'éternité) confirme le talent de Louie.lou pour les ambiances impressionnantes. Cliquetis, gargouillis accompagnent un bourdon d'orgue pulsé, comme le survol des marais du Styx par des oiseaux inquiétants que l'on entend battre des ailes métalliques en claquements courbes, et l'orgue se lève, majestueux, sur ce paysage désolé. La Lumière se bat avec les Ténèbres épaisses, visqueuses.
"Is i fjäderdräkt" (Glace en plumage, titre 3) est une sorte d'hymne ténébreux saturé de bourdons, commençant par des appels répétés de notes tenues. Des boucles se superposent, s'intercalent, donnant à la pièce une belle puissance hypnotique : le glaçage de l'orgue lisse le plumage inlassablement. Juste avant le vol ("De flygande", titre 4), plus éthéré, dans les lointains, quelques aigus taillant les cieux, mais des substances louches rodent et voilent la lumière. Pas moyen d'échapper à la matière opaque ! "Grönskan" (la verdure, titre 5) semble nous plonger enfin dans un monde plein d'oiseaux, seulement des textures grondent, se précipitent vers un néant obscur, rien ne pourra arrêter ce train infernal : à la lisière, on voit cette précipitation, cet engouffrement monstrueux du monde qui court à sa perte, indifférent à toute beauté naturelle.
Le sons de terrain à l'ouverture de "Nya fält" (Nouveaux champs, titre 6) nous font ressouvenir de l'humain. Tout ceci est vite largement recouvert par une carapace de bourdons grondants, comme une chape disant la vanité de ce monde agité, submergé par d'autres vagues. L'orgue plane au-dessus, ramène le bruit humain à sa juste place. "Solens stråle nästan nådde" (le rayon du soleil presque atteint, titre 7), c'est d'abord un bourdon énorme, noir frangé de lumière, le rayon du soleil, peut-être. Il n'y a plus que lui, en pleine expansion. Un soleil noir, énorme, un abyme cosmique dans lequel il avance note après note enveloppé d'un halo trouble... Il n'y a plus que l'Aube Crépuscule ("Gryning Skymningsljus", titre 8), cet intervalle entre la nuit et la nuit qui est ce qui reste de jour dans le grand Nord. C'est un chant très ancien qu'entonne l'orgue, sans doute l'écho d'un air folklorique, qui revient en boucle dans cette longue composition de plus de treize minutes. La mélodie est littéralement enchâssée dans un cocon tourbillonnant, pulsant, traversé de voix déformées, de déchirures : absolument envoûtant !
-----------------------
Un superbe disque d'ambiante sombre, auquel l'orgue donne une dimension métaphysique grandiose.
Paru en octobre 2024 chez Lamour Records (Gävie, Suède) / 8 plages / 56 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur Bandcamp :