Thomas Köner - Nuuk

Publié le 21 Juillet 2021

Thomas Köner - Nuuk

   Né en 1965 à Bochum dans la région de la Ruhr, Thomas Köner est devenu un artiste reconnu de la scène électronique. Sa musique minimale, inspirée de ses nombreux séjours en Arctique, évolue entre techno et drone. Lorsque nous sommes exposés au froid, nous remarquons mieux les plus légers changements de couleur, de son ou de densité. Comme plusieurs de ses albums des années quatre-vingt dix, le titre Nuuk, nom de la capitale du Groenland, renvoie à ce monde qui n'est qu'apparemment monotone et monochrome. Initialement paru en 1997 dans le coffret Driftworks, le label de Francfort Mille Plateaux avait ressorti le disque une première fois en 2004, accompagné d'un DVD.

   C'est un monde feutré, tapissé de très basses fréquences, de drones en lente évolution, dans lequel on est plongé dès "A1 Nuuk (Air)". Immersion parmi des courants doux et irrésistibles. Beauté de fantômes de couleurs, de traînées lumineuses dans l'ombre souveraine. Avec "A2 Polynya I", on navigue entre des blocs sombres, aux contours estompés. Comment ne pas penser à la majesté tranquille des icebergs ? La musique de Thomas Röner supprime toutes les aspérités. Tout y vient de l'intérieur, comme ces curieux vols d'oiseaux inconnus se frayant leur chemin au cœur de poussées immenses.

   Le jour, c'est presque comme la nuit. "Nuuk (Day)" : lents changements de couleurs, vents de brouillards, spirales troubles. Un engloutissement réconfortant. La deuxième face du disque commençait avec "Amras", exploration minutieuse des micro fissures, des respirations entre les couches sonores, d'une vie obscure déposée dans l'épaisseur. Paradoxalement, cette musique glaciale est émouvante comme une ode à la fragilité des masses énormes. "B2 Nuuk (Night)" prend les allures d'un hymne inverse, somptueux, à la nuit universelle. Quelque chose racle, quelque chose se frotte contre les parois, une énergie sourd, infinie. Qui se déploie dans "B3 Polynya II", cluster de drones orageux, migration épique de rayonnements invisibles, pièce d'électronique ambiante absolument splendide, d'une écriture sculpturale raffinée. Rappelons que les deux titres "Polynya" renvoient à une réalité glaciaire, puisqu'une polynie désigne un grand trou dans la banquise. Du vide vient le plein, le plein retourne au vide : musique zen, dépouillée de tout ego. Restent les esprits qui chantent la fin pour ce lamento incroyable qu'est "B4 Nuuk (End)". Un lamento à peine, d'une grâce soulignée par de rares attaques de drones ouatés ponctuant l'avancée vers la dissolution.

Un chef d'œuvre d'ambiante électronique sombre à écouter très fort dans la nuit du jour ou dans le jour de la nuit.

Paru en juin 2021 chez Mille Plateaux / 7 plages / 41 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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