Publié le 10 Mai 2024
Troisième rencontre entre deux géants des musiques contemporaines et électroniques. Je les suis épisodiquement l'un et l'autre, ce blog se permettant des incursions à droite et à gauche pour débusquer des merveilles. Mais là, je reviens à eux. La merveille, c'est eux. Rutger Zuydervelt, alias Machinefabriek, musicien et compositeur néerlandais, si prolifique que je ne le célèbre que trop épisodiquement. Et Bruno Duplant, le sidérant et magistral Bruno Duplant !
Un seul titre de trente-six minutes. Rutger présente ainsi leur collaboration : « Cela a commencé simplement : Bruno m'a envoyé ses pièces, et j'ai ajouté les miennes. Et nous étions heureux. Jusqu’à ce que nous ne le soyons plus et décidions de faire bouger un peu les choses : les parties de Bruno ont été saccagées, ne gardant que mes sifflements de science-fiction. Une dalle d'orgue a ensuite été ajoutée au mélange, ajoutant un sentiment de menace et de malaise avec ses grappes de tons atonaux. Un peu plus de montage et de (dé)réglage ont été effectués, et voilà : voici Edge of Oblivion. »
Oublions les détails. Bruno et Rutger sont des créateurs de mondes. C'est une musique totale, d'immersion absolue, vertigineuse et brûlante. Cela commence doucement, percussion feutrée, glissements qui se croisent, les froissements de science-fiction dont parle Rutger. Tout cela se creuse, se croise, s'intensifie. Le tissage musical se serre comme un filet, un filet à prendre l'âme, la dérober. Sans vous en être rendu compte, vous n'êtes plus là, emporté par ce flux aux transparences subtiles, dont la profondeur a augmenté, abritant maintenant des courants inconnus, véritables machines à éraser la tête, car cette musique est lynchienne, inquiétante, lourde.
Radieuse noire. Orgue des abysses, où sont tapis des forets électroniques à vriller vos dernières résistances, des orages souterrains riches en bourdons épais à faire crier de jouissance. C'est une descente majestueuse, d'une indicible beauté terrible, terrassante, profonde comme le cosmos qui ondule tel un serpent dans les cavernes de la création. Avec sa traîne royale charriant toutes les poussières galactiques dans l'ultime maelstrom, tout rayonnant de mystères.
Un disque prodigieux, une pure fulguration !
Paru le 9 mai 2024 chez autoproduit par Machinefabriek / 1 plage / 36 minutes
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur Bandcamp :