Publié le 31 Janvier 2008

Ingram Marshall/Eve Beglarian/Jah Wobble : les sombres eaux de la Création, et le fantôme de William Blake qui rôde...
    J'avais l'idée d'une proposition autour d'Eve Beglarian depuis le dernier disque de Maya Beiser, Almost Human, qui lui accorde une large place avec les huit mouvements de "I am writing to you from a far off country", longue pièce d'Eve de 2006 associant le violoncelle et le chant à la lecture intégrale du texte de Henri Michaux ("Je vous écris d'un pays lointain" : cf. notamment article du 7 juin 2007). Les matériaux me manquaient jusqu'à ce que je trouve Tell the birds, un disque entièrement consacré à six de ses récentes compositions. La présence d'un titre comme  "Creating the world" et la référence à William Blake dans "The marriage of Heaven and Hell" ont attiré autour de ce noyau un extrait de Dark waters d'Ingram Marshall et des œuvres de Jah Wobble inspirées du peintre et poète anglais.
   Pour commencer, la musique d'Ingram Marshall, penchée sur les origines mystérieuses du monde. Le compositeur américain, qui a commencé sa carrière par des collages électroniques élaborés, fascinants, est une figure à part, difficile à rattacher à un quelconque courant. Il s'inscrit en fait dans une tradition américaine profondément métaphysique : de la contemplation des grands espaces surgit une musique qui ne cesse de célébrer la magnificence de la Création en même temps que son impénétrable mystère. Depuis plus de dix ans , il associe textures électroniques travaillées par des échos, des filtres,des retards, des boucles et des variations de vitesse avec des instruments acoustiques, solistes ou en plus grande formation. Dans le titre éponyme Dark waters, un cor anglais plane sur les eaux primordiales. Ecoutez-le grâce à cette vidéo, collage à la fois visuel et musical, dans laquelle on entend le début de l'oeuvre (mixée avec d'autres).
   Dark waters ne manquera pas d'évoquer la musique de Tangerine Dream à ses débuts. Ingram Marshall reprend une de ses anciennes compositions, Sibelius in his radio corner, et rend à nouveau hommage au musicien finlandais auteur du Cygne de Tuonela, pièce inspirée par ce cygne légendaire qui glisse au-dessus des sombres eaux séparant le mondes des vivants de celui des morts. Ici, c'est le cor anglais, avec son velouté langoureux, qui incarne le cygne, tandis que la bande enregistrée pose le paysage grandiose, agité de convulsions lentes, parfois troubles, inquiétantes et attirantes à la fois.    
Ingram Marshall/Eve Beglarian/Jah Wobble : les sombres eaux de la Création, et le fantôme de William Blake qui rôde...

   Née en 1958, Eve Beglarian travaille beaucoup pour des chorégraphes, des performances, répond à des commandes d'ensembles comme le Bang on a Can All-Stars, élaborant une oeuvre elle aussi atypique, résolument loin de tout dogme, de toute école. Elle pratique le collage, utilise l'électronique, et dans le même temps fait appel à des musiciens, des comédiens et des lecteurs lorsqu'elle met en musique des textes poétiques, un des aspects passionnants de son itinéraire.Creating the world, l'un des titres de cet album qui rassemble six créations comprises entre 1994 et 2004, part d'un poème de Czeslaw Milosz, écrivain polonais naturalisé américain à la fin de sa vie, Prix Nobel de littérature en 1980. Le comédien Roger Rees dit le texte tantôt avec une fougue joyeuse, tantôt avec un détachement sarcastique, voire théâtralement comique, en parfaite adéquation avec la verve héroï-comique de ce poème cosmogonique, sur fond d'un immense collage d'échantillons de Mozart, de mélopée orientale, de chant médiéval, de rock, tous d'ailleurs motivés par le poème lui-même, échantillons enveloppés par le travail de l'Ensemble électro-acoustique de Paul Dresher. Une Création haute en couleurs, bigarrée et jubilatoire, ce qui n'exclut pas quelques superbes échappées rêveuses. Robin redbreast, composition plus courte de 2003 sur un poème de Stanley Kunitz, poète américain mort en 2006 à l'âge de cent ans, un des fondateurs de la maison des Poètes de New-York, propose un univers très différent. Le texte est dit-chanté, murmuré, devient mélopée parfois discordante et brisée, sur un bourdon de claviers, tandis que la flute piccolo gazouille pour évoquer cet étrange oiseau échappé peut-être du paradis : "C'était l'oiseau le plus lugubre/ qu'on eût jamais vu, nettoyé/ de toute sa couleur, comme s'il/ s'était tenu sous la pluie/ seul et raide et refroidi/ depuis que l'Eden allait mal." Wonder Counselor, pièce de 1996, est une plongée dans les eaux fraîches de l'Eden : des variations extatiques à l'orgue sur un Graduel du XIIIè siècle, "Res est admirabilis", encadrées par des sons naturels d'oiseaux,  d'eaux agitées et de halètements amoureux. Eve Beglarian donne aux propos d'Isaïe, au chapitre 9, verset 5, "et on lui a donné ce nom, Conseiller-merveilleux, Dieu-fort" leur sens non édulcoré en s'appuyant sur un autre passage de la Bible, au chapitre 30, versets 18 et 19 du livre des Proverbes : "Il est trois choses qui sont trop merveilleuses pour moi ; et quatre que je ne comprends pas : le chemin de l'aigle dans les cieux, le chemin du serpent sur le rocher, le chemin du navire au milieu de la mer, et le chemin de l'homme dans la femme." A sa manière, on aura compris que ce disque est un livre des merveilles, dont je n'ai évoqué que la moitié je vous le rappelle.

Ingram Marshall/Eve Beglarian/Jah Wobble : les sombres eaux de la Création, et le fantôme de William Blake qui rôde...

   Bassiste de Public Image Limited de 1978 à 1980, Jah Wobble, né en 1958 comme Eve Beglarian, a poursuivi depuis une carrière solo d'un éclectisme incroyable, collaborant avec des chanteuses orientales, avec Brian Eno, Bill Laswell, se lançant dans des projets improbables comme ce disque inspiré par la peinture et la poésie de son compatriote William Blake. Accompagné de Jackie Liebezeit (du groupe allemand Can) aux percussions, de Mark Ferda aux atmosphères (claviers et autres synthétiseurs...), de Justin Adams à la guitare et de Clive Bell à divers instruments traditionnels, il propose un voyage convaincant et vraiment inspiré dans les poèmes flamboyants de William Blake, dont les textes sont fournis dans le livret, très bien édité. Au début de "Auguries of Innocence", on retrouve notre Robin Red breast (rouge-gorge) évoqué par Stanley Kunitz, qui s'est peut-être souvenu de Blake :
To see a World in a Grain of Sand
And a Heaven in a Wild flower,
Hold Infinity in the palm of your hand
And Eternity in an hour.

A Robin Red breast in a Cage
Puts all Heaven in a Rage

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Pour aller plus loin
Site d'Eve Beglarian, très riche, avec des morceaux à écouter et des MP3 à télécharger, ici.
Un site bilingue consacré à William Blake.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 4 août 2020)

Illustrations de la pochette de "Dark Waters"

Illustrations de la pochette de "Dark Waters"

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Publié le 22 Janvier 2008

Les disques de l'année 2007
Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007
Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007
Comme à chaque début d'année, les émissions de la Primitive doivent fournir un classement qui est ensuite envoyé aux maisons de disques avec lesquelles la radio travaille plus particulièrement. J'en profite pour jeter un petit regard rétrospectif sur l'année écoulée et pour affirmer la place singulière d'INACTUELLES, qui, dans le cadre d'une radio affiliée à la Férarock, propose à ses auditeurs un spectre beaucoup plus large, d'où la présence de maisons de disques qui ne nous envoient rien, mais que je trouve importantes.  Le classement tout subjectif qui suit mêle allègrement les genres, avec une prédominance de ce qu'on appelle la musique contemporaine au début de la liste. J'ai un peu déserté les musiques du monde cette année, même si elles ont été présentes çà et là dans ma programmation. Pour plus de détails, je renvoie le lecteur aux articles antérieurs.

§  1/ Slow Six                   Nor’easter                             New Albion Records

§  2/ Maya Beiser             Almost Human                     Koch Int. Classics

§  3/ Michael Harrison     Revelation                            Cantaloupe Music

§  4/ Jeroen Van Veen     Minimal piano collection        Brilliant Classics

§  5/ Robert Wyatt           Comicopera                          Domino Recordings

§  6/ Psykick Lyrikah      Acte                                      Idwet

§  7/ Dominique A           Sur nos forces motrices          Cinq 7/Wagram Music

§  8/ Stephen Scott           The Deep spaces                   New Albion Records

§  9/ Hans Otte                 Stundenbuch                         Celestial Harmonies

§  10/ Devastations           Yes, U                                   Beggars Banquet

§   

Les disques de l'année 2007
Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007
Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007
Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007
Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007Les disques de l'année 2007

                                                                       
§  11/ Gravenhurst          The Western Lands                Warp Records

§  12/ Fink                        Distance and Time                 Ninja Tune

§  13/ Eluvium                 Copia                                     Temporary Residence

§  14/ Graham Fitkin      Still warm                               Fitkinwall


§  15/ Nancy Elizabeth    Battle and Victory                   The Leaf Label

 

§  16/ Tord Gustavsen Trio Being there                         ECM

§  17/ L’Homme-puma                                                   Communication is not

words                       

§  18/ Dälek                      Abandoned Language             Ipecac Records

§  19/ Apparat                 Walls                                      Shitkatapult

§  20/ Colleen                   Les Ondes silencieuses           The Leaf Label

§  21/ Diego Amador       Piano Jondo                            World Village


Que d'oublis, bien sûr. Pas encore écouté le dernier Radio Head, notamment...

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores )

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Classements

Publié le 18 Janvier 2008

Devastations /Bang on a Can /Hans Otte : Australie-Allemagne via New-York, de la glace noire au livre d'heures pures.

   Voilà un peu plus d'un an sortait Coal, second album d'un groupe australien,  Devastations, qui avait déjà retenu mon attention, mais ce blog n'existait pas encore.  Leur troisième album,  Yes, U, est sorti à la mi-septembre 2007, et je n'avais pas encore pris le temps de vraiment les écouter, si bien que  l'actualité risquait de les recouvrir, cette actualité bulldozer qui nivèle et étouffe sous ses couches épaisses de production massive. Je répare cette injustice : le trio australien (Tom Carlyon : guitare, piano, synthétiseur ; Conrad Standish, chant et basse ; Hugo Cran, percussions) a fait appel à une violoniste et claviériste, Andrea Lee, et à un pianiste et manipulateur de synthétiseurs et autres machines, Nigel Yang, pour livrer une musique à la fois plus noire, lourde et oppressante, glaçante, et traversée de déflagrations brûlantes de lumières comme des chutes de météores enflammés. Tout le début de l'album est superbe, complètement halluciné, sorte de New-wave parfois sépulcralement sensuelle dont les sommets sont Rosa, crescendo électrisé et The Pest, lents tournoiements de brouillards vénéneux où Conrad Standish donne la pleine mesure de sa voix. La suite n'évite pas toujours les pièges d'une joliesse qui a du mal à passer après de telles fulgurances, mais on leur pardonne : les voilà déjà très haut ! Une vidéo de Rosa, en concert en Suisse, montre l'énergie concentrée des Australiens.

Devastations /Bang on a Can /Hans Otte : Australie-Allemagne via New-York, de la glace noire au livre d'heures pures.

   Le compositeur allemand Arnold Dreyblatt a l'oreille sensible : c'est à partir de motifs rythmiques perçus dans le mauvais fonctionnement d'escalators de Bruxelles en 1987 qu'il conçoit une œuvre en collaboration avec un percussionniste, puis pour son Orchestra of Excited strings. La version pour l'ensemble Bang on a Can intègre cymbalum, guitare électrique préparée, violoncelle, percussions, saxophone et cordes basses "excitées" préparées par les interprètes eux-mêmes. Le résultat est une pièce trépidante qui enchaîne des couleurs et des timbres comme on monte des marches, sans doute pour escalader le ciel renégat promis par le titre de l'album.
 

L'ensemble Bang On A can

De gauche à droite : David Cossin, batterie et percussions ; Robert Black, basse ; Evan Zyporin, clarinettes ; Lisa Moore, piano et claviers ; Wendy Sutter, violoncelle (elle remplace Maya Beiser) ; Mark Stewart, guitares.

  

Hans Otte - Stundenbuch par Roger Woodward, piano

Précisons que Lisa Moore est australienne... On retrouve l'Allemagne et l'Australie avec l'interprétation du Stundenbuch de Hans Otte (cf.articles précédents) par le pianiste australien Roger Woodward, connu notamment pour ses enregistrements des Nocturnes de Chopin ou des Préludes de Debussy, et "Australian Living Treasure". Woodward donne de ce cycle qu'il célèbre avec enthousiasme sur la pochette une version un peu plus longue que celle de Otte, sur un Bösendorfer. Voici sa présentation du Livre d'heures, que je laisse en anglais pour le moment : "In a universe of exalted, fragmented but delicately-balanced sonorities, the audacious design of time-suspended galaxies in Otte's highly-intimate, miniature-art and enigmatic but constant shift of movement and mood, form four books in twelve parts each, to span a golden arc extending from prima and seconda prattica to the sonnets of Shakespeare; divine melodic genius of Mozart; inscrutable logic of late-Beethoven; Elysian fields of Schubertian Ländler and Chopinian cantilena of the Nocturnes, in poetic homage and as an inclusive part of his magnificent North-German inheritance."
 

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Publié le 10 Janvier 2008

Phil Kline / Hans Otte : Cadavres exquis d'un livre d'heures dans une chambre bleue...
   Exquisite corpses, c'est le titre du premier morceau de ce deuxième volet de l' hommage à Phil Kline (cf. article du 28 décembre). Je ne voulais pas mettre la pochette du disque dont le morceau est extrait, parce que l'ensemble Bang on a Can, interprète de l'oeuvre, présente d'autres musiciens dont j'aurai à reparler. J'ai donc tapé "Phil Kline Exquisite corpses" pour trouver une autre illustration. Vous voyez le résultat : la folie de l'imprévu, cette photographie de Luis Gonzales Palma, artiste guatémaltèque contemporain, "Estrategia que nos une"(2004), un beau titre à appliquer à l'œuvre de Phil Kline, collage lyrique d'un peu plus de onze minutes. Un dialogue délicat et envoûtant entre le piano et la percussion ouvre la composition, qui s'envole sur un rythme syncopé avec l'entrée en scène de la clarinette et de la basse, relayé par un pulse très reichien. La guitare électrique densifie et chauffe encore l'atmosphère, avant un retour au thème initial, plus mystérieux encore, cuivré, doré par la clarinette, tandis que le piano égrène des perles étincelantes. Phil Kline, souvenez-vous de ce nom : finesse, émotion, écriture rigoureuse, une grande figure de la musique américaine contemporaine.
   Maintenant, regardez bien la photographie ci-dessus : la chambre est bleue. Non ? Fermez les yeux, rouvrez-les : je vous l'avais dit, elle est bleue, n'en doutez plus. Phil Kline l'a peinte en bleu pour vous, avec le quatuor à cordes Ethel. La vidéo vous y transportera. Il vous faudra traverser une rivière (The River), sombre, lourde d'incantations noyées qui tressaillent sous votre regard. Vous secouez le charme, vous marchez vite pour arriver (March). Une frénésie vous prend, vos gestes sont saccadés par la beauté qui vous submerge et vous engouffre : ô caresses graves du violoncelle... Entrez dans la vidéo (The Blue room). La chambre s'ouvre. Vous savez qu'elle est bleue, car des sirènes s'y sont logées : qui pourrait leur résister ? Leur infinie suavité épouse les cavités de votre oreille, de votre cerveau. C'est en vous qu'elles habitent et qu'elles se tordent à jamais. Et voici qu'elles se lèvent et jettent leurs beaux bras d'alarme vers le ciel, qu'elles s'agitent et se mettent à danser une sarabande irrésistible, une tarentelle exultante qui vous laisse pantelant (Tarantella). The Blue room and other stories devrait réconcilier tous ceux qui trouvent la musique de chambre ennuyeuse et guindée avec le quatuor à cordes, dont Phil Kline exploite à merveille la charge imaginaire, le potentiel narratif auquel je me suis à mon tour laissé aller en écoutant cette merveilleuse musique.

 
Phil Kline / Hans Otte : Cadavres exquis d'un livre d'heures dans une chambre bleue...
Le compositeur Hans Otte

Le compositeur Hans Otte

Phil Kline / Hans Otte : Cadavres exquis d'un livre d'heures dans une chambre bleue...
   En mars 2007, je faisais part de mon impatience à entendre le Stundenbuch du compositeur allemand Hans Otte. Le label Celestial harmonies nous en propose deux versions. L'œuvre, qui compte 48 pièces réparties en quatre livres de 12, est moins monumentale que je ne l'avais annoncée suite sans doute à une lecture un peu rapide de la pochette du disque ECM New series dû au pianiste Herbert Henck. Une cinquantaine de minutes sous les doigts du compositeur en personne. Le disque paru en  décembre 2006 célèbre les 80 ans du musicien en proposant un double CD interprété par lui-même sur lequel on trouve aussi Das Buch der Klänge, un cycle  de 12 pièces d'une durée de 75 minutes environ, indéniablement un des chefs d'oeuvre de la musique qu'on pourrait appeler post-minimaliste, et Face à Face, composition des années 60 pour piano et bande magnétique, intéressante pour entendre comment Hans Otte, tout en s'inscrivant dans une certaine mode qui rendait l'utilisation de l'électronique et la référence au sérialisme incontournables, parvenait déjà à faire entendre son tempérament lyrique et méditatif.
   Ce livre d'heures, à l'image des textes médiévaux enluminés, s'il ne fait aucune référence aux différents moments de la liturgie, est constitué de micro-méditations, de miniatures délicates sculptées sur le silence. Les formes sont simples, mais harmoniquement subtiles, ouvertes sur la respiration de l'espace. On est loin du Livre des sons, de son ivresse extatique et de ses stases mélancoliques. La sérénité ici se gagne petit à petit, comme par surprise, par surcroît. Rien ne presse, et tout advient, dans la lumière de ce regard intense qui voit plus loin que nous la joie qu'on ne voit pas.

 
Les DISQUES
Le disque du quatuor Ethel, sans titre, est paru en 2003 chez Cantaloupe Music
Celui de Hans Otte en 2006 chez Celestial Harmonies
   Je ne savais pas, en écrivant ces lignes, qu'il venait de mourir, ce 25 décembre 2007, à l'âge de 81 ans. Je viens de l'apprendre, à l'instant, sur le Net et pas ailleurs... Hans est vivant par sa musique intemporelle. Puisse cet article contribuer à mieux le faire connaître. Hans écrivait aussi des aphorismes, d'un esprit très zen, qui sont le contrepoint de son Stundenbuch. En voici quelques uns :
Vois comment les branches ploient à l'approche de la pluie.

Il n'y a rien du tout à dire. Le chant des pins, une réponse - mais sans question.

Chaque objet aimé - le centre du paradis.

Un artiste véritable ne travaille pas, il aime plutôt.

Maintenant que la cuvette est vide, je peux y plonger.

Toutes les grandes choses rient.

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A l'instant, le titre de l'article me frappe : le saugrenu surréaliste rejoint par la Vie-Mort... Je le garde en vertu du dernier aphorisme que je viens de traduire.
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores )

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Publié le 3 Janvier 2008

Stephen Scott : un orchestre à l'intérieur du piano !
Stephen Scott : un orchestre à l'intérieur du piano !
   Né en 1944 dans l'Orégon, Stephen Scott suit une éducation musicale sous le signe de l'ouverture : clarinette et saxophone pour commencer, transcription d'enregistrements de Charlie Parker, Miles Davis ou Gil Evans ensuite, et pour finir  une solide formation académique de composition, complétée par des études de musiques africaines au Ghana, en Tanzanie et au Zimbabwe en 1970. C'est en 1977 qu'il crée le Bowed Piano Ensemble :  dix interprètes tirent de l'intérieur d'un seul grand piano un orchestre riche en couleurs et en textures. Ils utilisent des filaments de nylon, des crins, des marteaux de piano tenus à la main, des grattoirs de guitare et d'autres moyens encore pour que les entrailles du piano livrent tout un monde inconnu, dans la lignée du piano préparé mis au point par John Cage dans les années 40. Plusieurs disques retracent le développement de cet ensemble.
   En 1996, Vikings of the Sunrise montre déjà l'ampleur du parcours, sa richesse. L'œuvre, de près d'une heure, est un hymne aux navigateurs ayant exploré le Pacifique, depuis des temps reculés jusqu'à Magellan et James Cook. Un souffle épique parcourt cette vaste fresque d'une incroyable variété sonore et rythmique : harpes, mandolines, cordes et percussions jaillissent comme des eaux primordiales, inouïes. Arcs-en-ciel frottés d'étincelles, grandes vagues frangées de cuivre et d'or, tempêtes fastueuses agitent le piano frappé, pincé, caressé par des archets soyeux ou métalliques jusqu'à ce qu'il rende l'âme qu'il gardait secrète derrière sa double rangée de touches blanches et noires...Il ne lui manquait plus que la voix .
  
 
Stephen Scott : un orchestre à l'intérieur du piano !
C'est chose faite depuis la parution en janvier 2007 de The Deep Spaces. La soprano Victoria Hansen, qui a déjà tourné avec l'ensemble, y interprète une série de textes célébrant les beautés du lac de Côme. Après un préliminaire de piano-orchestral, le disque s'ouvre par un fragment de lettre de Pline, se poursuit avec des poèmes de Wordsworth, Byron, un autre fragment de lettre dû à Mary Shelley, pour se terminer sur un poème contemporain de Pablo Medina, poète et romancier cubain. Nourrie de réminiscences  de Liszt et Berlioz, la musique est plus charmeuse, d'une rondeur épanouïe. On n'en reste pas moins stupéfait de la largeur de palette de l'Ensemble, manifestement de plus en plus à l'aise. Stephen Scott est un maître peintre-musicien, paysagiste subtil et inspiré : un inventeur de beautés vierges.
Vikings of the Sunrise paru en 1996 chez New Albion Records
The Deep Spaces paru en 2007 chez New Albion Records
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores )
 

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