Devastations /Bang on a Can /Hans Otte : Australie-Allemagne via New-York, de la glace noire au livre d'heures pures.
Publié le 18 Janvier 2008
Voilà un peu plus d'un an sortait Coal, second album d'un groupe australien, Devastations, qui avait déjà retenu mon attention, mais ce blog n'existait pas encore. Leur troisième album, Yes, U, est sorti à la mi-septembre 2007, et je n'avais pas encore pris le temps de vraiment les écouter, si bien que l'actualité risquait de les recouvrir, cette actualité bulldozer qui nivèle et étouffe sous ses couches épaisses de production massive. Je répare cette injustice : le trio australien (Tom Carlyon : guitare, piano, synthétiseur ; Conrad Standish, chant et basse ; Hugo Cran, percussions) a fait appel à une violoniste et claviériste, Andrea Lee, et à un pianiste et manipulateur de synthétiseurs et autres machines, Nigel Yang, pour livrer une musique à la fois plus noire, lourde et oppressante, glaçante, et traversée de déflagrations brûlantes de lumières comme des chutes de météores enflammés. Tout le début de l'album est superbe, complètement halluciné, sorte de New-wave parfois sépulcralement sensuelle dont les sommets sont Rosa, crescendo électrisé et The Pest, lents tournoiements de brouillards vénéneux où Conrad Standish donne la pleine mesure de sa voix. La suite n'évite pas toujours les pièges d'une joliesse qui a du mal à passer après de telles fulgurances, mais on leur pardonne : les voilà déjà très haut ! Une vidéo de Rosa, en concert en Suisse, montre l'énergie concentrée des Australiens.
Le compositeur allemand Arnold Dreyblatt a l'oreille sensible : c'est à partir de motifs rythmiques perçus dans le mauvais fonctionnement d'escalators de Bruxelles en 1987 qu'il conçoit une œuvre en collaboration avec un percussionniste, puis pour son Orchestra of Excited strings. La version pour l'ensemble Bang on a Can intègre cymbalum, guitare électrique préparée, violoncelle, percussions, saxophone et cordes basses "excitées" préparées par les interprètes eux-mêmes. Le résultat est une pièce trépidante qui enchaîne des couleurs et des timbres comme on monte des marches, sans doute pour escalader le ciel renégat promis par le titre de l'album.

De gauche à droite : David Cossin, batterie et percussions ; Robert Black, basse ; Evan Zyporin, clarinettes ; Lisa Moore, piano et claviers ; Wendy Sutter, violoncelle (elle remplace Maya Beiser) ; Mark Stewart, guitares.

Précisons que Lisa Moore est australienne... On retrouve l'Allemagne et l'Australie avec l'interprétation du Stundenbuch de Hans Otte (cf.articles précédents) par le pianiste australien Roger Woodward, connu notamment pour ses enregistrements des Nocturnes de Chopin ou des Préludes de Debussy, et "Australian Living Treasure". Woodward donne de ce cycle qu'il célèbre avec enthousiasme sur la pochette une version un peu plus longue que celle de Otte, sur un Bösendorfer. Voici sa présentation du Livre d'heures, que je laisse en anglais pour le moment : "In a universe of exalted, fragmented but delicately-balanced sonorities, the audacious design of time-suspended galaxies in Otte's highly-intimate, miniature-art and enigmatic but constant shift of movement and mood, form four books in twelve parts each, to span a golden arc extending from prima and seconda prattica to the sonnets of Shakespeare; divine melodic genius of Mozart; inscrutable logic of late-Beethoven; Elysian fields of Schubertian Ländler and Chopinian cantilena of the Nocturnes, in poetic homage and as an inclusive part of his magnificent North-German inheritance."