Publié le 13 Mai 2018

GVSU New Music Ensemble - Return

   Le Grand Valley State University New Music Ensemble de Allendale (Michigan) a été fondé en 2006 par Bill Ryan, compositeur et professeur de composition. Il s'intéresse à la carrière de ses anciens étudiants et tenait à un projet entièrement "maison". Après avoir en effet consacré concerts et disques aux musiques innovantes d'aujourd'hui - j'avais chroniqué le disque consacré à une série de réécritures de In C de Terry Riley, In C Remixed - il dirige et supervise Return, consacré à quinze compositions de trois jeunes diplômés, Daniel Rhode, Adam Cuthbert et Matt Finch. Adam Cuthbert définit leur musique comme une musique de chambre électronique, associant sons acoustiques d'instruments (flûtes, clarinettes, saxophones, piano, violon, violoncelle, percussion) et sons électroniques. Il semblerait que les compositions aient d'abord donné lieu à un enregistrement qui est lui-même utilisé comme matériau brut sous forme d'échantillons pour le travail électronique. D'où la difficulté de discerner l'acoustique de l'électronique...

   En tout cas, la musique est forte, chaleureuse, comme ce "daily limit lie" de Daniel Rhode qui ouvre l'album, dans la mouvance d'un Terry Riley : matières cotonneuses animées d'une pulsation obstinée.

   "Location sharing" d'Adam Cuthbert est une composition intrigante, mellifluante sur un socle rythmique massif, très reichien, avec des envolées graves piquetées de griffures, des boursouflures proliférantes, comme de laitues sonores monstrueuses. Matt Finch, avec "With a hint of blue", construit des dentelles obsédantes trouées de piano dérapant. "glass surface" de Daniel Rhode est un promontoire de glace zébré d'aigus, une falaise d'orgue et de drone dérivant dans les lointains, qui vaut tous les Tim Hecker réunis. Le "glacier" de Matt Finch avance de manière implacable sa lourde architecture micro-pulsante, un malheur pour les oreilles de l'audiophile cramponné à son casque bourdonnant : comment ne pas fondre devant cette avalanche méthodique, cette science de la beauté tellurique ? "background refresh" d'Adam Cuthbert est tout aussi impressionnant, comme une nouvelle version de compositions de Steve Reich servie par une mise en espace et un découpage rythmique qui en font un mini-opéra fabuleux. Une des grandes pages de cet album ! "dearest rewinder these" de Daniel Rhode superpose plusieurs lignes tressautantes, version folle de "Music for 18 instruments" de Steve Reich. Ces jeunes compositeurs ont de la musique plein les oreilles, on ne va pas le leur reprocher, surtout que le résultat est euphorisant, jubilatoire. La dernière minute, métallique et implacable, est incroyable !

      Je n'en suis qu'au septième titre, chers lecteurs, et croyez-moi, la suite est aussi réussie, pleine de surprises. "elegant" d'Adam Cuthbert est une antiphrase musicale tout en déchirements, ronflements, saturations dans les aigus. "under its own colorless weight" de Matt Finch joue des tremblements, des vibrations pour installer une tapisserie ambiante chatoyante traversée de courants profonds. "ash" de Daniel Rhode est un mini hymne minimaliste. À chaque fois, l'auditeur est plongé dans un univers en constante transformation, riche de trouvailles de couleurs, de textures, entre minimalisme, ambiante, expérimentale, électronique. Alors RETOUR vers quoi ? Vers les origines américaines, Riley - Reich en tête, revus et recomposés avec les outils électroniques d'aujourd'hui. "in a clear wall" de Matt Finch, vaste fresque ambiante, pourrait par son titre nous offrir la métaphore opérante de cette musique qui nous propulse dans le mur clair entre les genres, dans le laboratoire central des sons.

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Paru en octobre 2017 chez Innova / 15 plages / 72 minutes environ.

Pour aller plus loin :

- l'album en écoute et plus :

   

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 septembre 2021)

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