Publié le 8 Mai 2019

Machinefabriek avec Anne Bakker - Short Scenes

   De temps en temps, il faut que je retourne du côté de Rutger Zuydervelt, alias Machinefabriek. Je suis toujours en retard de deux ou trois disques avec ce compositeur néerlandais prolifique, l'une des grandes références de la musique électronique et de ses environs ambiants voire expérimentaux. Pour Short Scenes, il est parti d'improvisations de la violoniste (et altiste) Anne Bakker, sans idée préconçue, sans penser à une utilisation comme bande originale pour un quelconque spectacle. Mais chaque auditeur pourra se saisir de ses courtes scènes, de ses miniatures, pour élaborer son propre film. Les scènes sont des tremplins, des propositions. La ligne de violon, plus ou moins découpée, montée en boucle ou pas, est tissée avec des événements sonores divers, de manière à ce que l'ensemble nous happe dans une atmosphère dramatique, souvent nimbée d'un certain onirisme, de mystère, comme la très belle n°3 : violon tout en frottements, en glissendi, comme recroquevillé sur lui-même, se dépliant lentement sur fond de vagues graves, sourdes. La 4 est plus triomphale, une sorte d'hymne ad libitum (pour ses 1'14 !). La 5 s'envole vers le sublime, enveloppée de drones suaves qui semblent respirer pour mieux l'absorber... La 6 pourrait être une étude dans son dépouillement, son développement rigoureux, in extremis lourdement ponctué dans une quasi gigue... infernale ? La 7 avance en terrain miné par un fond micro-percussif, sur lequel se greffent une ambiance lourde, un violon alangui. La 8 pourrait être le début d'une pièce de musique industrielle, avec sa frappe de marteau-piqueur, mais une frappe espacée, sèche qui pose un décor fracassé de décombres. La 9 se fait langoureuse, appesantie dans son élégie si discrète. La 10 semble d'abord la poursuivre, plus poignante toutefois, désolée, traversée de silences. La 11 est en altitude pour une petite série d'événements cosmiques, étoiles filantes et comètes dans le ciel brouillé. Respiratoire, la 12, une psalmodie pulmonaire défiant l'étouffement... La 13 n'en peut plus dans un monde envahi de poussières, de sourdes déflagrations ; elle pousse toutefois son chant courageux parcouru de voix fantomatiques. Début en patinage électronique pour la 14, expérimentale et déchirée, la plus longue (presque quatre minutes !), tout en suspens et mystérieux surgissements, trajectoires frissonnantes. À vous de découvrir les autres, de vous laisser envoûter !

   Des scènes composées avec soin, passionnantes et belles dans leur discrétion savamment dosée.

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Paru en novembre 2018 chez Zoharum / 20 plages / 41 minutes environ.

Pour aller plus loin :

- disque en écoute et en vente sur bandcamp :

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 1er octobre 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques