Publié le 30 Octobre 2023
Cameron MacNair, compositeur de musique électronique expérimentale travaillant à Seattle, publie chez Dragon's Eye Recordings son second disque sous le nom de Carbon in Prose. Une ode à la terre et à ses océans, et je passe, j'en suis désolé, sur le discours écologico-larmoyant devenu habituel, parfaitement creux et gratuit, surtout concernant des musiciens qui utilisent des instruments et des logiciels consommateurs d'électricité... Oublions ces demandes de pardon, écoutons cette musique, d'une belle mélancolie. Une musique élaborée à partir de synthétiseurs modulaires, d'enregistrements de terrain (surtout des eaux en mouvement) et de piano.
J'aime la mélancolie poignante de l'album, qui vous prend comme une grande vague. "Crimson Waves", en ouverture, déborde d'eaux, de draperies amples serties de sortes de voix synthétiques, qui se déploient comme un flux immense, avec des irisations internes troubles. Carbon in Prose compose une musique électronique d'une belle force émotionnelle, pas une musique innovante, une musique évidente, facile, dans le meilleur sens du terme. Il y a en elle une langueur, un abandon aux rythmes universels, par exemple dans le deuxième titre, "A Gentle Shimmer, Everlasting", très dans la manière de Harold Budd, autre compositeur californien d'ailleurs : Un doux chatoiement, éternel, c'est tout à fait cela. Autre très beau moment de l'album, le quatrième titre, "Beacon From the Brine" (Balise de la saumure), le plus long titre avec un peu plus de neuf minutes, immense moutonnement d'une délicatesse bouleversante.
La mer, toujours la mer, avec "Cliffside Murmurs" (Murmures à flanc de falaise), le roulement sourd des eaux sur le sable ou les galets dans des embruns épais, avec "Cold Sea", aux sombres et grandioses sinuosités granuleuses, crépusculaires. Et puis n'oublions pas les titres, ils sont très beaux, participent de cette mélancolie océanique. "Washed Ashore and Eaten by Gulls" (Échoués sur le rivage et mangés par les mouettes) évoque des sirènes tournoyantes pendant une tempête. Comment résister au titre suivant, "Surrender to the Tide" (Abandonnez-vous à la marée) ? Synthétiseurs profonds et veloutés, qui nous submergent de leurs lentes et hypnotiques vagues pour nous emporter loin. L'album se referme avec une ultime promesse, "One Last Promise Before I Leave Forever", le triomphe de la mer sur l'homme d'une certaine manière, la célébration ultime de sa musique à elle, majestueuse et éternelle, dans laquelle s'engloutit l'hommage doloriste.
Laissez-vous envahir par les infinis bercements des synthétiseurs modulaires plongés dans les eaux bouleversantes !
Paru fin septembre 2023 chez Dragon's Eye Recordings (Los Angeles, Californie) / 7 plages / 33 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :