Chronique des musiques singulières : contemporaines, électroniques, expérimentales, du monde parfois. Entre actualité et inactualité, prendre le temps des musiques différentes, non-formatées...
Brève estivale 3... pour la variation d'un disque paru en juillet 2023, The Voice of Theseus.
Du singulier on passe au pluriel, car Yann Novak a fait appel à quatre artistes pour ces variations, ces réécritures (je sais, on dit souvent "remix" aujourd'hui...peu m'importe !) : Lawrence English, le grand maître de Room40 en personne, Madeleine Cocolas, FAX et Bana Haffar. Et il a réécrit quatre titres de l'album précédent avec de nouvelles interprétations du chanteur Gabriel Brenner. Au total cinq des huit titres antérieurs sont réécrits (trois deux fois, par lui-même et l'un de ses invités). Histoire de brouiller les identités, de multiplier les voix.
Variations et réécritures transcendantes
Gabriel Brenner donne toute sa mesure dans les quatre variations de ce nouvel album. Nimbée de vagues d'orgue et de bourdons troubles, sa voix reste juchée dans les hauteurs, surplombante et sublime.
Lawrence English signe une version grandiose et mystérieuse de "Seeing Light Without Knowing Darkness", Voir la Lumière sans connaître la Ténèbre, quels mots magnifiques, déjà !
Le mexicain FAX propose un "Patterned Behavior" charpenté, plus contrasté, avec de vives lumières. La saoudienne Banna Haffar donne du même titre une version plus tumultueuse, cathédralesque si j'ose l'écrire, pulsante et déchirée, et là je craque, c'est d'une beauté terrible !!!
Et l'australienne Madelaine Cocolas (écoutez Bodies sorti en avril de cette année) donne de "We Went out, Not with a Whimper, but a Whisper" une version océanique et fougueusement lyrique aux textures foisonnantes..
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Encore une très belle réussite de Yann Novak, qui a su choisir quatre pointures de la musique électronique d'aujourd'hui pour l'accompagner.
De quoi incanter l'été ... et notre mémoire !
Paru fin juillet 2024 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 8 plages / 48 minutes environ
Après un premier disque solo consacré au Synthi 100, Egil Kalman, compositeur et bassiste suédois installé à Copenhague, joue du mythique Buchla 200, un synthétiseur des années soixante-dix dont un exemplaire est conservé au Elektronmusikstudion de Stockholm où il était en résidence en 2021. Titré Forest of Tines, c'est un double vinyle longue durée. Les titres ont été enregistrés en direct sans effets ajoutés, le premier disque sec et le second à travers un AKG BX20, système de réverbération à ressorts des années 60 et un système modulaire eurorack (ne m'en demandez pas plus !). Sur le dix-huitième titre la batterie est pré-enregistrée et traitée par le Buchla.
Prestiges et séductions du Buchla 200
Le miracle, c'est le Buchla 200, ce son rond, incroyablement doux. Imaginez des perles soyeuses, bondissantes. Un monde sans angle, des enfilades de notes, des croisements. De l'énergie pure, radieuse, débarrassée des affects lourds, dramatiques. Du Vasarely musical, de la géométrie dans l'espace. Rien qui pèse, quel bonheur ! De temps en temps, ce qui ressemble à des sons de terrain, comme le gigantesque ressac au début de "Glint" (titre 2). Mais Egil Kalman en fait un usage modéré : le Buchla se suffit à lui-même, il est un monde à part entière. Les notes glissent dans une concaténation joyeuse sur un tapis de bourdon, s'évaporent...Le Buchla est capable de donner une version savoureuse de titres folkloriques, comme "Blågeten" (titre 3), tout en nappes ouatées, entremêlées, ensorcelantes qui sonnent comme des cornemuses d'une fluidité invraisemblable.
"Dub One" (titre 5) est d'une légèreté sautillante admirable, aux antipodes de tout un dub bien lourd. Il faudra bien que l'on parle de la grâce de ce synthétiseur, capable de battements liquides extraordinaires. Avec lui, les feuilles d'automne ("Automn Leaves", titre 6) chutent au ralenti dans un frissonnement quasiment mystique, une extase vibrante. "Mbira" (titre 7) est une suite d'éclaboussements, de gloussements, "Springar" (titre 8) un écho de "Blågeten", de la quintessence folklorique sous une forme mouvante et sonnante. Le "Blues" (titre 9) - qui conclut le premier disque, est une incantation minimaliste à base de boucles serrées, vrillées, saturées de particules, et c'est magnifique !
Le deuxième disque s'ouvre avec "Sync" (titre 10) curieux morceau siffleur, dépouillé, le synthétiseur ramené à une percussion aux sons creux. Au contraire, "7th" procède par nappes veloutées, battements résonnants, agglutination de textures : le Buchla en majesté, d'une tranquillité impériale. Du très beau travail !
Et la suite me direz-vous ? Elle ne démérite pas. "Subtines" joue des substrats harmoniques, c'est une des pièces les plus mystérieuses, un peu glauque... "Polska" est une autre incursion dans le folklore, une danse à l'effervescence trouble provoquée par le fondu des notes entourées d'un halo prononcé. "Klystron" (titre 14) vibre d'hyperfréquences modulées aux rebonds hypnotiques. Les deux "Electric Music Box" (titres 15 et 16) font penser à des boules se déplaçant sur une roulette avant d'entonner un chant entre ivresse folle et danse de transe. Le Buchla se fait oiseau sur "Entropic", avec gloussements et trilles ! Il avale une batterie sur "Drums" pour une étrange cérémonie en pleine jungle. "From Stone" (titre 19) nous projette sur une planète inconnue, désolée : le moindre son y résonne comme une énigme, semblant sourdre d'une source pétrifiée ! Et l'on retrouve le Buchla séducteur, enveloppant, pour le dernier titre "Ocquet", avec ses tapisseries ondoyantes, ses flûtes agrestes en pelotes vives et ses bourdons tournoyants...
Une belle traversée des possibilités sonores du Buchla 200, le roi des synthétiseurs modulaires analogiques, suave et mélodieux, jamais agressif.
Paru en décembre 2024 chez Ideal Recordings (Suède) / 20 plages / 1 heure et sept minutes environ
Un bien curieux album que ce Dots on a Disk of Snow, le quatrième pour la maison de disque Expert Sleepers que le multi-instrumentiste et compositeur Andrew Ostler dirige. Imaginez une rencontre entre instruments à vents (trompette, clarinette basse, cor baryton, saxophone ténor), arrangement de cordes et synthétiseurs modulaires. Les cinq pièces ont été construites autour d'improvisations, avec d'autres instruments pour étoffer les harmonies.
Le premier titre, "Tunes Blown Tremulous in Glass", fait irrésistiblement penser à Arvo Pärt. C'est une sorte de canon perpétuel aux arrangements de cordes en vagues ascendantes successives sur lequel vient se greffer une rythmique synthétique pointilliste, une suite d'élans sublimes vers le Ciel. Quelle superbe composition, au très beau titre, "Airs soufflés tremblants dans le verre" (traduction possible)...
"The Dooms Electric Mocassin" pourra semble en franche rupture avec ce début raffiné. Composition d'abord toute entière en rythmes électroniques minimaux à la limite du glitch, elle laisse peu à peu apparaître un arrière-plan de cordes, puis un solo de trompette vaporeux. Les cordes s'amplifient pour former un écrin mélancolique à la trompette, et c'est une belle et lente dérive, cette fois avec un fond étonnant de glitchs grouillants. La fin est d'une suavité élégiaque magnifique !
Le plus court titre 3, "Rowing in Eden", avec ses échantillons de cour d'école frémissante de bavardages et cris comme fond premier, est sans doute le ventre mou de l'album, englué dans un chœur de clarinettes un peu sirupeux à mon goût. Oubliez-le !
"Soudless As Dots on a Disk of Snow" (titre 4) est une variante du premier titre, comme son mouvement lent, cordes aux mouvements étirés, vents mélancoliques à leur tour lancés vers le Ciel en envolées ouatées, puis survient un battement rythmique crescendo qui accompagne plus régulièrement un ample largo d'une grande allure.
Le dernier titre, "Scarlet Experiment", est une toile mouvante sous la pluie du début, vite sous-tendue par un battement sourd. Les vents grondent et tournent doucement, les cordes les rejoignent à l'arrière-plan, puis la composition se fait plus bondissante, l'électronique très présente. Tout devient comme irréel, diaphane, au milieu de la pièce, avant que cordes et vents ne soient à demi-submergés sous une rythmique énergique, à la pulsation quasi reichienne, hoquetante, avec un ultime retour des cordes en cercles élégiaques, et la pluie battante du début. Un très beau titre !
Sublime, suave, élégiaque, toujours harmonieux, le disque d'Andrew Ostler est un baume pour oublier les noirceurs du monde.
Paru début décembre 2023 chez Expert Sleepers (Édimbourg, Écosse) / 5 plages / 36 minutes environ
Deux musiciens slovaques pour une alliance entre chant et synthétiseurs. Eva Sajanova chante dans sa langue et non dans un anglais international informe et consternant. On n'y comprend rien, mais que nous importe ! Bien des musiques médiévales sont à base de sons et non de mots. Accompagnée de Dominik Suchy aux synthétiseurs, elle nous enchante de sa voix souple, un peu rauque, entre murmures et envolées. Les synthétiseurs tremblent, l'entourent d'une aura trouble. Elle, sa voix se dédouble, se démultiplie en polyphonies texturées, incantatoires, comme dans le magnifique premier titre, "Karamel". La musique du duo est d'un lyrisme exacerbé, porteuse d'émotions fortes.
Au pays d'Onirie, les voix sont folles, aériennes, caressantes. Les mélodies tournent comme dans les manèges, jusqu'à l'étourdissement ("NeTitulovana", titre 4). "Hmota bez dôkazov" (Affaire sans preuve", titre 5, le plus long de l'album avec plus de huit minutes), pourrait être la confession d'une sorcière. Entourée de drones tournoyants, de volutes synthétiques colorées, la voix claque des dents (si j'ose dire !), se fait déchirante, déchirée, venue de l'intérieur, renversée. Elle va envoûter ses juges, comme dans le poème d'Apollinaire La Loreley, c'est sûr !
Mais qui sont ces sirènes ?
L'un des titres les plus courts, "V Dolanova mysti" (le 6), laisse libre cours aux vocalises d'Eva, dans un jaillissement merveilleux, comme une fontaine de vie. Comment y résister ? On pense à Björk, à d'autres enchanteresses. Dominik Suchy la sert, la serre dans ses boucles hypnotiques, souvent saccadées, brillantes, facettes d'un écrin vif pour les vaticinations d'une voix...
Un bel album tumultueux au service d'une voix charmante (au sens fort du terme !).
La Louve et l'Agneau ? Eva et Dominik ?
Paru en décembre 2023 chez Weltschmerzen (Bratislava, Slovaquie) / 8 plages / 29 minutes environ
Zane Trow est comme un archiviste sonore, fasciné par les échos, les traces. Son dernier album, Quire, n'est-il pas un cahier pour consigner les rêves des créatures fantomatiques que nous sommes ? Il écrit une musique ambiante résolument crépusculaire, aux formes changeantes et brumeuses, au bord de la dissolution, dans laquelle synthétiseurs, dispositifs, enregistrements de terrain et traitements sont étroitement fondus. C'est à peine si l'on entend le saxophone de Stephen Spencer, qui manie aussi les traitements, sinon comme un fantôme de plus.
C'est la musique énigmatique du premier titre, "Cast", qui m'a mené vers cet article. À chaque fois, les titres sont ambigus. Comment faut-il les comprendre ? De quels acteurs s'agit-il, de quelle distribution ? Des créatures perdues dans un bruissement étrange, ainsi dans "Klute", on s'enfonce dans la forêt des sons. On entend des inflexions inconnues, douces et envoûtantes, comme dans "Lilt", qui nous encerclent, apparaissent et disparaissent. Irons-nous nous perdre avec elles dans l'évanescence de la nuit infinie ? Prendrons-nous le dernier bus ("Last bus", titre 4), dont la destination semble bien ténébreuse ? "Quire" tournoie, s'effiloche, comme si les souvenirs, revenus nous obséder, étaient absorbés dans des lointains, des tourbières. Sur le cahier, presque rien de vraiment palpable. il n'y a que des silhouettes, des esquisses fuyantes. On pourrait croire que quelque chose va se concrétiser, sur "Pamphlet", un vrombissement discret de stridences, un moteur secret ? Une usine envahie par des jets de vapeur, vite avalée par les eaux troubles du Temps. Le loup commun hurle sur des landes luminescentes ("Wolf Common, titre 7), des forces tourbillonnantes font place nette, le loup n'a jamais existé..."Haunted Cane Field Dub" (titre 8) est un brouillard ambiant épais, hanté de frissonnements, de voix inconnues. La vérité d'un monde en voie de disparition...
J'aime bien ce disque simple, de la belle ambiante un peu inquiétante, nimbée d'une brume métaphysique, idéale pour une nouvelle fantastique subtile ou pour rêver à notre inanité.
Paru en octobre 2023 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 8 plages / 29 minutes
Maninkari ? c'est le duo formé par les frères Charlot, Olivier au cymbalum, santour, percussions sur cadres et synthétiseurs, Frédéric aux synthétiseurs, violoncelle (effets), alto (joué et modifié avec Kontakt, sorte d'échantillonneur permettant d'accéder à un grand nombre d'instruments virtuels). Le titre de leur dernier album est un hommage au premier album de Fad Gadget, Fireside Favourites (1980), dont le dernier morceau est titré "Arch of the aort". Ils apprécient l'excellente recherche de sons de synthétiseurs qui marque ce disque.
De disque en disque, ils construisent un univers décalé à base de boucles de synthétiseurs et de drones, de percussions obsédantes et d'une myriade d'instruments aussi bien traditionnels que résolument contemporains. Entre musique électronique et musique orientale, ils inventent une musique "tribale", comme ils aiment à dire. Ces deux Parisiens sont de partout où la musique exalte et enlève, mystique par nature. Je les vois comme deux Persans égarés à Paris, concoctant de savants mixages comme autant de viatiques pour conquérir l'au-delà en échappant aux contingences terrestres.
Ils ont sur ce nouveau disque le renfort vocal de Claudie Pouget, sur les titres 1 et 6 : j'avoue n'avoir pas discerné sa voix dans les cathédrales sonores que sont les compositions de ces deux Inspirés, mais les compositeurs précisent que ce ne sont que de très brefs échantillons, mixés assez bas ou recouverts par des réverbérations, ce qui me rassure un peu sur l'état de mes précieuses oreilles !.
Dès "Les eaux matinales", on est entraîné dans un flux irisé rythmé irrégulièrement par une forte percussion. Les eaux se mêlent en un ondoiement de synthétiseurs et d'autres instruments fondus dans le faisceau sonore. "ephil-iodic" se caractérise par un santour (ou/et cymbalum, les deux sont des cithares sur table) surplombant la masse tourbillonnante parcourue de courants. Le morceau suivant, "le parfum qui blesse", prend la forme d'une transe quasi soufie incantée par cithare et tambour, parcourue de bourdonnements frémissants qui se rapprochent de sirènes d'usines sur la fin. Puis suit "le temps médiéval", hymne grandiose à l'orgue tordu en fines torsades radieuses, le tambour la découpant en sections inégales. J'aime chez Maninkari cette dimension incantatoire, solennelle et folle, ce glissement dans un ailleurs de splendeurs ! "aortic arch I" est plus oriental, saturé de résonances, comme si on se trouvait dans un caravansérail de musiciens déchaînés, emportés et vaporisés dans une traînée d'orgue transcendantale envahie de voix fantomales. MAGNIFIQUE ! Et la deuxième partie de "Les eaux matinales" lave ces envolées par une plongée en eaux profondes, doucement grondantes, qui s'arrêtent mystérieusement de couler avant de reprendre le cours inexorable d'un chant trouble. Avec la deuxième partie de "aortic arch", l'artère charrie un flot d'esprits, de voix irréelles, à peine surmonté de fines traînées de cordes...
Sept pièces pour échapper au culte des Idoles !
Parution numérique seulement en octobre 2023 / 7 plages / 31 minutes environ
Née en 1984 en Suisse, Martina Berther est une bassiste électrique polyvalente, touchant aussi bien à la pop, au punk, aux musiques expérimentales et à l'improvisation libre. Sur l'album, elle est aussi à l'orgue, en plus de sa basse électrique. De son côté, Philipp Schlotter, dont je ne sais quasiment rien, joue sur ce premier disque avec Martina du synthétiseur et de l'orgue. L'album a été enregistré en quatre jours dans le village suisse de Matt qui a donné son nom à l'album.
La première et plus longue pièce avec plus de quatorze minutes, "Unruhe", est fondée sur le système dodécaphonique. Elle juxtapose à intervalles réguliers des notes tenues, mêlant orgue d'église et synthétiseur. C'est une composition hiératique, austère, tout à fait hypnotique à la longue, dans cette alternance de notes, de niveaux sonores, que rien ne vient déranger. Aussi le titre "Unruhe" (agitation, trouble) peut-il sembler paradoxal. L'agitation est toute intérieure, les notes tenues se développant en ondulations, vaporisations luminescentes. Le trouble peut aussi évoquer la réaction de l'auditeur à cette écriture minimale et à l'atmosphère désolée qui en résulte. C'est en tout cas d'une beauté terrible.
Les titres 2 et 4, "LFO1" et "LFO2", pour drone d'orgue et synthétiseur, superposent ou alternent les deux sources dans un tissage serré de variations. Tous les sons semblent courbes, pris dans une infinie giration trouble, donnant l'impression d'une descente en apesanteur, au bord de la dématérialisation, de la dissolution. Ce sont deux fascinants lamentos crépusculaires pour une fin des temps. "Gallia" (titre 3) et "Frachter"(titre 5), pour orgue et basse électrique préparée, sont basés sur le même enregistrement, joué des vitesses différentes. Alors que les autres pièces n'avaient pas d'aspérité, celles-ci paraissent plus fracturées, avec des sons plus rugueux, bruts. "Gallia" évoque une musique industrielle ralentie, aux angles un peu émoussés, comme une machine atteinte de pneumonie, peinant à réaliser sa tâche. "Frachter", plus brutal dans ses profondeurs grondantes, se fait franchement inquiétant, dialogue implacable entre l'orgue et la basse qui en viennent à se confondre presque dans les abysses, musique funèbre pour l'ouverture des sépulcres lors d'une épaisse nuit.
Une musique expérimentale étrange et noire, d'une sévère beauté.
Paru fin septembre 2023 chez Hallow Ground (Lucerne, Suisse) / 5 plages / 39 minutes environ
Le disque est paru voilà trois ans : il est toujours aussi rayonnant ! Jonathan Fitoussi (cf. le très beau Espaces timbrés en collaboration avec Clemens Hourrière) persiste dans son amour des synthétiseurs, avec une prédilection pour le Buchla modulaire. Quatre synthétiseurs sont utilisés au cours du disque, auxquels s'adjoignent selon les titres le cristal Baschet (dit aussi "orgue de cristal"), un orgue électrique, une guitare électrique et du piano sur le dernier.
Jonathan Fitoussi écrit une musique du bonheur. Il suffit de se laisser porter par cette ambiante électronique colorée, chaleureuse, rêveuse, bondissante, dansante. C'est une splendeur sonore constante, une suite d'hymnes radieux aux beautés élémentaires du monde : "Océans", "Rayons solaires", "Continent blanc", "Dunes", "Soleil de minuit"... Tout est réconcilié, lié, enrobé, approfondi, emporté dans un mouvement irrésistible. On ne pense plus à rien, on baigne, on flotte dans des ouates irisées, sur des océans de boucles nonchalantes, chatoyantes. Il n'y a plus que l'évidence de la fin des tourments, des drames et des tragédies. Seule existe cette plénitude harmonieuse, délicate, d'un Éden retrouvé.
Paru en septembre 2020 chez Transversales Disques (Paris, France) / 9 plages / 48 minutes environ