Zane Trow - Traces

Publié le 5 Août 2022

Zane Trow - Traces

   J'avais failli écrire un article pour le disque précédent de Zane Trow, Why Echoes ?, sorti en 2021, et puis d'autres disques sont arrivés, au point que j'aurais pu manquer le suivant, Traces, chez Room40 comme les deux précédents (le premier en 2014). Je le rattrape au creux de l'été, un peu plus de six mois plus tard. Musicien anglais né à Londres en 1956, il est actif dans le monde du son contemporain depuis le milieu des années soixante-dix, engagé dans de nombreux projets d'installations sonores pour des musées et lors de festivals internationaux. Il a étudié la musique Kathakali en Inde et tourné en Malaisie, à singapour ou Taiwan. Il travaille aussi en Australie, où le disque a d'ailleurs été enregistré. Il mêle synthétiseurs, échantillons, boucles, échos, sons de terrain pris dans différents états australiens, et utilisation du logiciel de création musicale Audiomulch.

    Qu'il y ait un rapport entre les deux disques semble indiqué par les deux titres : les échos ne sont-ils pas des traces, et inversement ? "luli" nous transporte dans un monde exotique peuplé d'oiseaux et de trainées synthétiques : c'est une mise en oreille ambiante assez fascinante, étrange. Tout commence vraiment avec "a call from minyon falls", totalement ailleurs, d'un monde lointain enfoui dans des jungles inextricables peut-être. La vie palpite, toute de mouvements minuscules, d'oscillations et de vibrations. Fresque délicate en demi-teintes, les synthétiseurs discrets esquissant quelques traits sur des sons de terrains prenants. La musique ne semble tolérée que par intermittences, respectueuse de l'environnement sonore magique ! Mais elle s'affirme peu à peu, prend la première place dans "ciar", délicats nuages, poussées colorées. Zane Trow est un peintre attentif à ne pas trop en faire, il procède par touches vaporeuses, d'une incroyable douceur. Ne s'agit-il pas de traces, de vestiges ? Il s'emploie à saisir les "fleeting apparition"(s) : le fugace donc, ce qui n'appuie pas, disparaît très vite. Il y a bien un bondissement sourd de drones, mais comme dans les creux, au feutré de l'oreille, auréolé de couleurs suaves, pour mieux rendre l'apparition fragile. Quel bain rafraîchissant, quel bien-être que cette musique !

   " a maypole ghost" est enrubanné dans des synthétiseurs moelleux, une rythmique à peine marquée, sur laquelle un pointillisme diaphane et de curieuses émanations sonores viennent poser un manteau d'étrangeté renforcé par de discrets sons de terrains. Nous voici parvenu dans la chambre, "room", espace rempli de drones arrondis et de souvenirs de mélodies. C'est le centre de tout, sans doute, dans l'apaisement des levées sourdes et des lentes disparitions.

   Le disque culmine avec le titre sept, "two drones - in ghost dub", prodigieuse plongée dans l'antre des sources. Étonnant dialogue entre deux drones mystérieux, reliés par des ponts synthétiques et des surgissements merveilleux, des envols pailletés.

"Traces" propose une musique d'une étrangeté raffinée, à la fois évanescente et d'une consistance rêveuse obsédante.

Paru en décembre 2021 chez Room40 / 7 plages / 48 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

   Sorti en juin 2021 sur le même label Room40, Why Echoes ? est tout aussi réussi. Selon la compositrice Pauline Oliveros (1932 - 2016), « les retards élargissent en quelque sorte notre sens du temps ». J'ajouterai que retards et échos troublent ce sens du temps, dans la mesure où ils semblent remettre en question le principe même de l'écoulement, du non-retour en arrière. Que le passé revienne sur le présent, se fasse passer pour lui, suscite une impression irrépressible d'étrangeté.

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

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