Joseph Branciforte & Theo Bleckman - LP2

Publié le 9 Janvier 2024

Joseph Branciforte & Theo Bleckman - LP2

   Musicien électronique, producteur et directeur de la maison de disques Greyfade, Joseph Branciforte retrouve la voix inoubliable de Theo Bleckman pour un LP2 nettement plus étoffé que le court LP1 sorti en 2019. Chanteur de jazz, et devenu l'une des grandes voix de la musique contemporaine, Theo Bleckman a chanté avec Meredith Monk et bien d'autres. On lui doit de nombreux disques, parmi lesquels un remarquable double album titré Berlin (2007), musiques de Kurt Weil et Hans Eisler, et l'extraordinaire album solo anteroom, sorti en 2005 chez Traumton.

   Tandis que LP1 fut enregistré spontanément, avec le minimum de post production, LP2 est nettement plus élaboré, navigue entre improvisation et composition, avec ajout de nouvelles pistes. Joseph Branciforte utilise synthétiseur, Fender Rhodes, vibraphone, glockenspiel, oscillateur et autres traitements électroniques, pour dialoguer, accompagner  la voix non-pareille de Theo, parfois démultipliée.

   C'est la mer primordiale, unisson de drone, légères ondulations, avec des picotements de micro-percussions, puis la voix, les voix, surgissent, au-dessus, planantes, transparentes, au-dedans, graves. Une polyphonie délicate, profonde, d'une paix supra-humaine. Ce n'est plus seulement la mer, c'est l'univers qui chante à peine dans la grand sommeil cosmique, comme une longue caresse de l'infini. Par contraste, le second très court titre, avec son grésillement de glitchs en battement régulier, semble marquer le réveil de la voix, tirée de son onirisme premier. Et la voix chantonne, murmure, nimbée d'une grande douceur (titre 3), le jour se lève peut-être, la voix salue l'aube, l'aurore. Atmosphère enchantée, frémissement des merveilles. La voix se retourne sur elle-même, les textures de Joseph Branciforte évoquent un drapé lentement remué de scintillements au long de cette marche archangélique. Comment ne pas être séduit, conquis par une musique si exquise ?

   D'étranges oiseaux se répondent sur un tapis vibrant pour le titre quatre, court intermède avant le surgissement d'un monde sonore peuplé d'événements percussifs et de bruits, glissements et clapotis curieux, comme si les objets vivaient de leur vie propre, la voix glissant au-dessus par intermittences, elle-même comme une des émanations de cet infra-monde à la Yves Tanguy ou Miró. "7.21" (titre 6, tous les titres sont titrés par des chiffres) présente un univers plus construit, plus harmonique, en dépit d'un pullulement persistant de petites virgules. Les synthétiseurs unifient, la voix s'élance, se démultiplie. Encore un grand moment de grâce extatique, le chant de mille bouddhas dans des cavernes résonnantes, Theo en chamane ou grand prêtre d'un culte mystérieux. La cérémonie devient de plus en plus hypnotique avec "10.17.13", mélange magnifique de glitchs, appels vocaux brefs et répétés à un rythme rapide. Le dernier titre orchestre une somptuosité sonore bruissante. Drones et halos nous plongent dans un palais des glaces peuplé de créatures à demi-endormies, ensorceleuses. C'est le pays d'Onirie-Féérie qui va gentiment nous avaler, engourdis par les circonvolutions de la musique !

  Osmose magique entre l'électronique, les instruments et les traitements de Joseph Branciforte et la(les) voix de Theo Bleckman : un voyage fabuleux dans un autre monde !

     [Ci-dessous, les deux hommes en public à Brooklyn au moment de LP1 / rien de plus récent à vous proposer, si ce n'est sur bandcamp plus bas. ]

Paru début décembre 2023 chez Greyfade / 8 plages / 42 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Électroniques, #Grandes Voix

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