Timo Andres - I still play

Publié le 6 Octobre 2020

Timo Andres - I still play

   Timo Andres est le pianiste qui interprète sept des onze titres présents sur cet album d'hommage au fondateur du label Nonesuch Bob Hurwitz, lui-même pianiste, qui a passé trente-deux ans à sa direction et est devenu son président émérite depuis 2017. Les trois autres pianistes crédités sur la pochette se partagent les quatre autres titres. Timo Andres, qui est aussi par ailleurs compositeur (il signe le deuxième titre) précise le contenu particulier de l'album : « Chacun de ces onze hommages à Bob Hurwitz a été écrit pour un public unique, sur un Steinway particulier dans un salon spécifique de l'Upper West Side. Chacun distille un aspect de la voix de son auteur en une miniature concentrée. » John Adams, à l'initiative de cet enregistrement, souhaitait que chaque compositeur écrive quelque chose qui ne soit pas une pièce de concert, mais qu'un pianiste accompli comme Bob Hurwitz pourrait jouer.

   On trouve donc onze compositeurs, tous liés à ce grand label si important dans le domaine des musiques contemporaines, et donc présent dans les colonnes de ce blog depuis ses débuts. Les voici dans l'ordre : 1. Nico Muhly / 2. Timo Andres / 3. Louis Andriessen / 4. John Adams / 5. Philip Glass / 6. Laurie Anderson / 7. Brad Mehldau / 8. Steve Reich / 9. Pat Metheny / 10. Donnacha Dennehy (orthographié "Dennehey" sur la pochette) / 11. Randy Newman. Bref, autour des grands noms du minimalisme américain, on navigue plus largement jusque dans les eaux de la pop et du jazz, avec quelques incursions plus expérimentales.

   Nico Muhly ouvre la collection avec une pièce brillante, "Move", comme un début de bal. Des variations vives, qui étincellent  de leur minimalisme joyeux, avant une coda doucement mélancolique. La composition de Timo Andres, "Wise words", est dans son long phrasé en clair-obsur qui revient, émouvante par son éloquence tout en frémissements retenus. Je suis moins séduit par la contribution de Louis Andriessen, "Rimsky ou La Monte Young", peut-être en raison de son caractère d'exercice de style. Par contre, l'hommage de John Adams, "I still play", titre éponyme de l'album, est une magnifique fantaisie élégiaque, d'une élégance raffinée, frangée de rêverie. Philip Glass signe une mélodie du soir ("Evening Song N°2") d'une grande délicatesse, qui s'élance vers la lumière à plusieurs reprises avant de s'éteindre peu à peu dans le silence. Laurie Anderson donne une pièce subtilement facétieuse, comme une comptine mystérieuse dans ses hésitations, ses  légers déhanchements silhouettés par les silences. "L.A. Pastorale"  de Brad Mehldau est la deuxième pièce interprétée par son propre compositeur. Ballade lyrique pétrie de résonances romantiques, elle offre de belles couleurs entre joyeuse vigueur et moments plus rêveurs. J'attendais évidemment la contribution de Steve Reich qui, s'il a beaucoup écrit pour le(s) piano(s) et les claviers, a rarement composé pour piano seul, à mon grand regret. Sobrement titré "For Bob", le morceau est assez surprenant, à la fois très reichien dans ses cadences bousculées, sa coda crescendo, et d'une douceur presque émouvante, ce qui est rare chez lui. Brad interprète aussi "42 Years" de Pat Metheny, aux accents un rien jazzys et à la mélodie imparable, qu'il me semble connaître d'ailleurs, enchâssés entre quelques accords proches d'une discrète atonalité. Suit l'éblouissant "Her Wits (About him)" de Donnacha Dennehy : friselis dans les aigus sur la crête du silence, quelques à-plats ralentis, puis une frénésie caracolante bien dans la manière fougueuse de l'irlandais, qui termine cependant sur d'ultimes éclaboussements irréels. Restent les 59 secondes de "Recessional", composé et interprété par Randy Newman : petit hymne aux accents triomphants, ronflants, non sans humour.

   Un programme varié qui ne décevra pas les amateurs de piano !

Mes titres préférés (ordre décroissant approximatif et probablement un peu variable !) : le 1 (Muhly) et le 10 (Dennehy) // le 4 (Adams) et le 5 (Glass) // le 6 (Anderson) et le 2 (Andres)et le 8 (Reich). // le 7 (Mehldau)

Paru en mai 2020 chez Nonesuch / 11 plages / 40 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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