T.Griffin - The Proposal

Publié le 12 Juillet 2021

T.Griffin - The Proposal

   La musique de film vaut-elle pour elle-même, sans le film pour lequel elle a été écrite ? En ce qui concerne The Proposal, la réponse est évidemment positive. Conçue pour un film documentaire de Jill Magid évoquant l'héritage contesté de l'architecte mexicain Luis Barragán par T. Griffin, réalisateur de nombreuses musiques pour la télévision et des films documentaires, elle s'inscrit bien dans le champ du label Constellation. En effet, Griffin est aussi membre du groupe Vic Chesnutt, dont deux albums sont sortis sur le label, et a collaboré par ailleurs avec une formation phare de Constellation, The Silver Mt. Sion.

   The Proposal allie instruments acoustiques comme les cors, les guitares, contrebasse et percussion, avec l'électronique, les échantillons et des traitements ambiants pour composer treize titres atmosphériques, méditatifs. Des titres ciselés, dont la beauté est rehaussée par des contributions variées (banjo sans frette, guitare, clavier, sons de terrain...). Douce hantise de "Grass horns for Proposal dinner", cors en courtes interventions un peu jazzy sur fond de percussions graves. "Manufacture", à la mélodie prenante, est une coulée électronique zébrée de claviers qui emporte l'auditeur dans un monde intrigant de drones tournoyants et d'aigus affilés. Quant à "Copyright implications", c'est l'intrication d'une trame synthétique soyeuse et d'une guitare limpide, puis l'entrée dans une marche hypnotique solidement installée par la percussion lourde. Superbe ! L'atmosphère se raréfie pour le très minimal "Void Room and Reliquary", alchimie réussie de sons électroniques et acoustiques, ces derniers évoquant d'anciennes civilisations, si bien que lorsque surgit le banjo, on déguste le parfum folklorique réduit à sa quintessence.

Avec "St Gallen", nous sommes projetés dans une musique ambiante ouatée, qui flirte avec un post rock épais, vrombissant de drones. "Word guitar", comme son titre l'indique, joue une petite mélodie à la guitare, hommage délicat à la mère patrie espagnole ? Pure ambiante assortie d'une sorte de métronome, "The Jeweller" fait claquer ses cristaux, enrobés d'orgue et de drones. "Poised" renvoie à "Word guitar", en plus orchestral, doux et mélodieux, rêveur. "Architecture of noise" ? Rien d'agressif, une friandise électro !

   Vous vous laisserez séduire par ce disque bien fait. Cette "Nun with a Chipped Tooth" (nonne avec une dent cassée, le titre 11) est une petite merveille de délicatesse à l'image d'un album qui pourra, quand même, étonner les inconditionnels de la maison de disque de Montréal, mais qui s'écoute avec grand plaisir à défaut d'être fracassant ou inoubliable. Le dernier titre, sur fond d'exquise électro, prend les allures d'une improvisation jazzy qui pourrait évoquer l'univers de John Lurie ! Savoureux !

Paru en juin 2021 chez Constellation / 14 plages / 49 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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