Publié le 19 Décembre 2017

Avec un peu de recul, pour récupérer les disques qu'on n'a pas eu le temps d'écouter, ou qui ne s'étaient pas révélés à vos oreilles récalcitrantes. Avec un peu de distance, aussi, pour décanter les choses. Et puis pour rappeler, remettre en mémoire ce qui est si vite oublié aujourd'hui dans la société d'hyper-consommation qui efface aussi vite qu'elle produit. N'hésitez pas à cliquer sur les pochettes ! L'ensemble forme un superbe livre d'images...

Les noms des maisons de disques sont à droite des titres d'albums. Article LOURD : soyez patients pour le chargement !!

INACTUELLES, à l'écoute des musiques singulières d'aujourd'hui !

Les liens éventuels vers mes articles sont sur les titres d'album.

1/ Melaine Dalibert - Quatre pièces pour piano   (autoproduction)

Douwe Eisenga - Simon songs              (autoproduction)

Michael Vincent Waller - The South Shore       XI Records

Rainier Lericolais & Susan Matthews - Before I was invisible        Wild Silence

Duane Pitre - Bayou Electric                            Important Records

Les disques de l'année 2015
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2/ LAND - Anoxia                                             Important Records

Christina Vantzou - N°3                                   Kranky

Bruit Noir - I/III                                              Ici d'ailleurs

Philip Glass - Glassworlds 1 : Piano works and transcriptions   Grand Piano / Naxos

Philip Glass - Glassworlds 2 : Complete etudes  Grand Piano / Naxos

Oiseaux-Tempête - Ütopiya ?                           Sub Rosa
 

Les disques de l'année 2015
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3/ Alva Noto - Xerrox vol.3                                    Raster-Noton

King Midas Sound + Fennesz - Edition 1       Ninja Tunes

Alessandro Bosetti & Chris Abrahams - A Heart that responds from schooling   Unsounds

Mathias Delplanque - Drachen                       Ici d'ailleurs

Philip Glass - Glassworlds 3 : Metamorphosis   Grand Piano / Naxos

Steven Stapleton & Christoph Heemann - Painting with priests        Yesmissolga

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4/ Manyfingers - The Spectacular Nowhere        Ici d'ailleurs

Mansfield TYA - Corpo Inferno                      Vicious Circle

Michel Banabila & Oene van Geel - Music for viola and electronics II  Tapu Records

Matteo Sommacal - The Chain Rules              Kha Records

James Murray - The Sea in the Sky               VoxxoV Record

Rougge - Monochrome                                   (autoproduction)

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5/ The Necks - Vertigo                                          ReR Megacorp

Astrïd - The West Lighthouse is not so far       Monotype Records

SKnail - Snail Charmers                                  Unit Records

Aurélien Dumont - While                                NoMadMusic

Kancheli Pärt Vasks - Midsummer Spring      Kha Records

Simon Whetham - what matters is that it matters  Baskaru Records

Hiroshima mon amour - L'homme intérieur      (autoproduction)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Classements

Publié le 11 Décembre 2017

Lodz - Settlement

L'accord troublant des voix perdues  

Lodz ? Lódz, la troisième ville polonaise, qui fut la première pour son pourcentage de population juive ? Non, mais un peu sans doute. C'est le nom qu'a choisi Pauline Nadrigny, qui manie la musique assistée par ordinateur pour peupler ses chansons de sons étranges, venus d'un ailleurs disparu. Après Heniek, paru en 2008 sur le label Tsukuboshi, et la rédaction d'une thèse sur le concept d'objet sonore, elle a publié en juin de cette année Settlement, un bouquet de chansons poétiques, décalées, en allemand, en yiddish, en français, en anglais, d'où Lodz, probablement, d'où Settlement, dans quel sens ? Accord, colonie, implantation, terre ? Accord entre les langues, souvenir de colonies pénitentiaires, implantation des mots dans la terre des sons. Au milieu du jardin des ombres sonores, un piano étouffé, la voix qui surgit de très loin. C'est de l'allemand, un poème de Hilde Domin (1909 - 2006), poétesse allemande trop peu traduite dans notre langue hélas. Le titre « Herbstzeitlosen », "Les Colchiques" donne le ton de cet album où les voix préenregistrées se mêlent à ceux de la diseuse de mots dans un tissage en clair-obscur. Pas étonnant qu'on y retrouve le « Kaspar Hauser Lied » de Georg Trakl, l'histoire de cet adolescent perdu par un poète lui aussi perdu. Au fil des mots filés, « Qu'est-ce donc que le chant ? » demande Philippe Jaccottet, poète et traducteur notamment de l'allemand, dans " De la plus haute tour", montage d'extraits de ses poèmes. On pourrait le paraphraser (entre parenthèses ci-après) pour définir ce disque : « Plus rien que d'ardents regards ( / d'ardentes voix) / qui se croisent Merles et ramiers (des moments inaperçus). Ce fragment aussi : « la buée de la voix / que l'on écoute à jamais tue ». La voix est presque enfantine, des coups sourds en arrière-plan, le piano réduit à quelques notes, un harmonium peut-être dans les aigus tenus, puis tout se défait, au bord des discordances. "Czestochowa" n'est plus que murmures, traces, bredouillements, clochettes paisibles, évocation possible du célèbre pèlerinage avec une dame en blanc à la ceinture bleue, une rose jaune sur chaque pied, à moins (plutôt, en raison du jaune) que cette dame ne soit le souvenir de l'importante communauté juive, victime de l'extermination nazie. Suit un poème d'Apollinaire (imprégné de culture allemande, faut-il le rappeler, lui aussi auteur d'un poème titré "Les Colchiques"), extrait d'Alcools, " Les femmes", dit superbement, avec une délicatesse tournoyante, à tel point qu'il devient impossible de le suivre, ce que je regrette pour ma part, même si je comprends cette polyphonie implicite signalée par les tirets. "Niemandsrose" est l'un des titres les plus envoûtants de ce bouquet, la voix  reprenant de manière litanique un court fragment de texte dans un environnement sonore saturé de sons crissants et cristallins : bel hommage à Paul Celan et à son "Psaume" !

   La suite est un pur bonheur. "Que fait la mésange ?" transcende des gazouillis d'enfants et d'oiseaux, et l'on (ré)apprend au passage que la mésange zinzinule !"Landau" est une sorte d'errance vocale sur fond de bruits d'eau, chant pur d'avant le chant appris, chant de nourrice, nourricier, qui devient comme un massage auditif, une respiration spirituelle. "Yam Lid", du poète de langue hébraïque Chaim Nachman Bialek (1873 - 1934), est bouleversant par son dépouillement fantomal : alliance de chanté à peine, de piano désarticulé, puis plaquant des notes graves et inquiétantes, et de quelques traînées électroniques surgies du néant que l'on sent rôder. Le seul chant en anglais est anonyme. "the wind that shakes the barley" répond nettement au "Herbstzeitlosen" du début. Lui succède "Hineni", chant anonyme lui aussi, en hébreux, à la fois psalmodié et déconstruit, distancié dans un brouillard de musique ambiante.

   Il m'a fallu du temps pour entrer dans cet univers, attachant, vivant, qui plonge ses racines très loin dans l'immémorial. C'est en cela qu'il est très beau, essentiel par ces temps d'arrachement au passé, de déracinement orchestré par les médias. Nous avons tant besoin de poésie pour nourrir notre âme !

   Le livret est lui aussi remarquable, envahi par les dessins inspirés, proliférants, de Marina Seretti. Un seul regret : ne pas avoir la version bilingue des textes, car tout le monde n'est pas polyglotte, n'est-ce pas ?

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Paru en 2017 chez Wild Silence / 11 plages / 41 minutes environ.

Pour aller plus loin :

- les dessins de Marina Seretti. En y regardant de plus près, vous trouverez une traduction du poème de Hilde Domin, "Les Colchiques"

- l'album en écoute et plus :

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Publié le 24 Novembre 2017

Orson Hentschel - Electric Stutter

   Né à Düsseldorf en 1985, Orson Hentschel a suivi une formation classique avant de sortir son premier disque, Feed the Tape, en 2016 : un album orienté vers la musique minimaliste. Avec son nouvel opus, Electric Stutter, il s'oriente davantage vers les musiques électroniques et expérimentales, avec une forte proportion de sons synthétiques tout en gardant un goût certain pour la mélodie, et ce que j'appellerai la découpe sonore, car il a évidemment un sens de l'épure, de la spatialisation du son. S'il se dit influencé par des groupes ou artistes comme Massive Attack, Portishead ou Björk, il intègre aussi des passages pulsants très marqués par Steve Reich.

Le premier titre, éponyme, est en effet une sorte de bégaiement électrique poinçonné d'un bit rapide. Croisement improbable de musique industrielle, de trip-hop un brin martial et de dérapages expérimentaux troubles, le tout ne manquant pas d'une réelle grandeur glacée, à l'image de la pochette, digne héritière de celles de Kraftwerk. La fin au synthétiseur est très cinématographique. "Montage of bugs" allie vagues brumeuses et virgules nerveuses, comme des biffures, du Massive Attack décanté à l'acide, d'une lenteur hypnotique, le tout nous menant à une fin quasi ambiante. "Paradise future" hoquète sur fond d'orgue, nous bombarde de charges percussives, musique pour des métropoles dévastées envahies par les robots. Le morceau s'enfle, très pop-rock, et en même temps d'un lyrisme désolé, implacable, comme un petit prélude à l'apocalypse. Le disque est vraiment bien parti, et "Fade in, Fade out" nous emmène encore plus loin, voyage voilé qui va et qui vient, soudain troué par des voix synthétiques étranges, des vrilles de claviers, une cavalcade mécanique qui n'est pas sans évoquer le "Music for 18 instruments" de Steve Reich.

   Orson Hentschel a la veine épique ! Après un tel sommet, "Single Night" déçoit, musique électronique convenue pleine de tics, un peu poussive et clinquante. Passons ! Le début de "Wailing Sirens", c'est une réécriture réussie de "Music for 18 instruments" (encore lui !!), et les sirènes chantent, tourbillonnent comme des frelons, se disséminent par toute la ville, orage magnétique et majestueux à la fois. Superbe ! "Machine Boy" développe des trames froissées, déchirées, dans une ambiance de bouge halluciné, puis les machines se détraquent dans un bruitisme que viennent transcender les claviers en boucles obstinées dans un crescendo fou et grand guignolesque. Houah ! Vite, des "Tremoli" ! L'orgue fait des gammes qui s'accélèrent, tout se met à tourner sur fond de drones, vertige extatique, givrage étincelant, le ciel devrait exploser... implose sourdement, et ça recommence, exténuante giration qui embrase peu à peu toute l'atmosphère ! Tout cela n'était-il qu'un "Cyber Circus" ? Cette courte pièce grotesque évoque une fête foraine déréglée... quel cirque inquiétant, presque dissonant, un peu comme un jeu de massacre... pas ma tasse de thé !

Enlevez "Single Night" et "Cyber Circus" (titres 5 et 9), il reste un excellent disque, bande sonore inspirée d'un imaginaire dramatique.

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Paru en 2017 chez Denovali Records / 9 plages / 53 minutes environ.

Pour aller plus loin :

- 3 titres en écoute sur la page consacrée au disque sur bandcamp :

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 septembre 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc...

Publié le 21 Novembre 2017

    Une lectrice de mon article intitulé « La musique des pierres : de Michel Onfray à Roger Caillois, Orphée et Stephan Micus » me signale un film entièrement consacré à ce musicien atypique qu'est Stephan Micus. Expérimentateur et compositeur, il y présente son parcours de découverte des instruments traditionnels du monde : shakuhachi, cithares, luths, percussions diverses ( y compris un véritable "portique" de pots de fleurs), et bien sûr pierres résonnantes. Souvent, on l'enferme sous l'étiquette ridicule de "New Age". Disons plutôt qu'il tente naïvement toutes les aventures sonores que les instruments et certains objets lui proposent. C'est un barde inspiré qui me fait penser à un autre européen "dépaysé", l'irlandais Ross Daly, fils de physicien qui s'installe en Crète où il devient un des plus grands joueurs de lyra. Ces hommes-là sont à l'écoute de tout ce qui vibre. Pour eux, la vérité est à portée d'oreilles, la musique est un acte de vénération de la Nature, du grand Vide primordial dont tous les sons procèdent.

J'ajoute un enregistrement en concert, à Athènes, en avril 2011.

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Hybrides et Mélanges

Publié le 7 Novembre 2017

Michael Vincent Waller - Trajectories

   Après deux albums numériques parus en 2014, Five easy pieces et Seven easy pieces, consacrés au piano, puis un double cd consacré au piano et à des formations de chambre en 2015, The South Shore, le new-yorkais Michael Vincent Waller publie un nouveau disque consacré pour l'essentiel au piano, auquel vient s'ajouter le violoncelle sur deux pièces. Le beau livret qui accompagne Trajectories nous livre les notes d'écoute de "Blue" Gene Tyranny, lui-même compositeur et pianiste (il faudra d'ailleurs que je m'y intéresse de plus près !). Je n'ai évidemment pas la prétention de rivaliser avec ses notes programmatiques, qui ne sont d'ailleurs pas que professionnelles. Je vous propose mes dérives d'écoute, un soir de pleine lune dans un petit village du centre de la France, près d'une église. J'étais dans ma voiture, à l'arrêt, mon carnet de notes sur les genoux. Il se trouve que pendant l'écoute la lune se levait en face de moi...

"by itself" : comme l'essai réitéré d'une mélodie fragile et lente, entre médiums et aigus, puis quelques touches plus graves. Des échos, des grappes vives s'accrochent au fil de cette méditation en apesanteur.

  "Visages I A lonely Day.4th" : première pièce d'une suite de huit visages. Même veine transparente, translucide plutôt, d'une mélodie qui se retourne sur elle-même, quelques accords répétés dans les graves approfondissant la ligne.

"Visages II. Year of the Ram (ou Monkey, mon ordi et la pochette n'étant pas d'accord...)" : la mélodie chante ouvertement, alerte et délicate, avec une main gauche plus présente.

"Visages III. Maidens dancing" : évoque irrésistiblement les danses et mouvements de Gurdjieff. Venue du fond des âges, elle carillonne, martèle, obsédante. Les filles du feu sont là, tout autour, qui incantent le soir. Envoûtant !

  "Visages IV. Lashing out" : une des pièces nettement minimalistes, fondée sur la répétition variée de quatre notes. La musique labile s'éploie, recueille de brefs silences pour mieux s'envoler dans un crescendo joyeux.

"Visages V. onoimatopoeia" : retour à la grâce des deux premiers visages. Frêle esquisse, interrogations pudiques, bribes d'une prière toujours reprise qui se change en louange.

" Visages VI. Obviously": Veine minimaliste intense et atmosphère à la Gurdjieff à nouveau par ce côté mélopée populaire immémoriale, ce cantique hors d'âge, parfois presque innocemment dissonant, à la fois énergique et lumineux.

"Visage VII. Inner world": ton plus grave, accélérés et enroulés autour d'une trame tranquille et forte, arpèges. Une marche déterminée vers la lumière, avec de beaux dérapages, des reprises quasi orchestrales. Somptueux !

"Visage VIII. Three Things" : recueillement extatique autour d'une note seule, jeux d'échos. La cloche sonne l'heure d'un mystère ineffable...

"Lines" (avec violoncelle) : lignes langoureuses du violoncelle autour des notes calmes du piano, avec des passages staccato pour le premier qui rapprochent encore les deux instruments. Une élégie retenue, un très beau dialogue;

"Breathing Trajectories I" : questions fissurant le silence. Réponses mystérieuses dans la crypte aux miroirs. Qui respire entre le noir des notes ? La petite ritournelle oubliée ? On retient son souffle pour entendre derrière le lever de la lune pleine.

"Breathing Trajectories II": une source peut-être. Nouveau Narcisse, tu laves tes yeux dans la lumière entr'aperçue parmi l'onde lisse. Le chant monte, se tend, se suspend, s'abreuve d'autres sources. On est si bien dans les clairières du ciel.

"Breathing Trajectories III": C'est une marche lente, une ascension vers la lumière, avec ses fulgurances, ses élans fougueux, ses reprises d'appui. Et toujours la face qui se redresse malgré les genoux qui saignent sur les escaliers du sanctuaire, l'effort repris, mesuré, de recomposition de l'impossible. Le bain cherché tout en haut de la montagne de l'âme. Un triptyque mystique, magnifique...

"Dreaming Cadenza" : boucles rêveuses qui s'étirent, se nimbent de silence. La nuit fond en gouttes diffractées. Le temps n'est qu'une vapeur...

   À ce moment, j'ai dû repartir, quitter la grosse lune, le porche noir et béant de l'église sur l'un des côtés de la voiture. Sachez que "Laziness", en trois parties pour neuf minutes environ, ne dépare pas ce programme : sensualité du violoncelle caressant, piano aux accents graves et mystérieux tissent une atmosphère d'abandon bienheureux, ce qui n'exclut pas des passages vifs et intenses.

   On paresserait bien des heures à écouter cette musique-là, une des plus belles d'aujourd'hui, à portée d'oreille. Au fil des disques, Michael Vincent Waller s'affirme comme un compositeur majeur au style très personnel : apparente simplicité, pureté et dépouillement des lignes, grâce et émotion contenue, une aptitude aigüe à saisir les affleurements du Mystère.

   Pour moi (et pour l'instant), le plus beau disque de l'année 2017.

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Paru en septembre 2017 chez Recital Thirty Nine / 17 plages / 77 minutes environ.

Au piano : R. Andrew Lee, infatigable défenseur des musiques minimalistes et fondateur de la maison de disques Irritable Hedgehog

Au violoncelle : Seth Parker Woods

Pour aller plus loin :

- disque en écoute et en vente sur bandcamp :

R. Andrew Lee interprète "Breathing Trajectories" :

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 septembre 2021)

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Publié le 10 Octobre 2017

Astrïd & Rachel Grimes - Through the sparkle

Il y a eu High blues en 2012 chez Rune grammofon et The West Lighthouse is not so far en 2015 chez Monotype Records. Pendant ce temps, le quatuor nantais Astrïd n'avait eu de cesse d'obtenir la collaboration de la pianiste américaine Rachel Grimes, de Louisville (Kentucky), arrangeuse, compositrice, qui tourne en solo mais est aussi fondatrice du groupe Rachel's, avec à son actif six albums. Après des années d'échanges réguliers, Astrïd a invité la pianiste en France pour jouer ensemble. Quelques journées de 2012 et 2013 ont vu naître les titres que l'on retrouve sur Through the sparkle.

Astrïd & Rachel Grimes - Through the sparkle

    Nos cinq musiciens s'entendent à merveille pour élaborer une musique de chambre sereine, chaleureuse, qui coule de source. Volontiers doucement incantatoire comme le premier titre, "The Herald en Masse", piano ostinato, fusion post-rock des autres instruments. À travers l'étincelle, c'est déjà le feu qui couve, qui explosera. Le groupe aime partir d'une introduction lente, qui fait sonner un instrument, comme "M5" avec la guitare électrique de Cyril Cecq, aux accents blues d'ailleurs, ou "Theme" avec la clarinette de Guillaume Wickel, ou deux dans "Le Petit salon" avec un délicat duo du violon de Vanina Andréani et du piano de Rachel Grimes. On se recueille, on écoute, on se rapproche de cette musique intimiste, faite par des gens qui aiment faire entendre timbres et couleurs. Ça frotte, ça grince parfois, froisse, dérape gentiment, sans jamais irriter, car c'est la signature d'une écriture sensuelle, attentive à restituer le geste musical de l'archet qui frotte, du piano qui frappe, de la clarinette qui souffle, de la guitare qui pince et gratte, de la batterie qui scande. Quand tout est en place, le morceau prend, comme on dit d'une sauce qu'elle prend, d'où des titres autour de six minutes. Le coquillage en ellipse de la couverture dit cette évolution quasi organique de leur musique, aérée de respirations comme autant de remontées d'un plus profond qu'ils sont allés chercher, respirations qui donnent aussi l'impression d'une musique en train de se faire, improvisée.

   "Mossgrove & Seaweed" commence par une introduction au piano dans le style des musiques minimalistes, autre source d'inspiration de leur univers assez métissé (leur site est hébergé par Métisse music, un éditeur de musique indépendant). Sur le martèlement de Rachel viennent se caler les autres instruments dans un crescendo orchestral incandescent de toute beauté, car ne vous y fiez pas, cette musique ne manque décidément ni d'énergie ni d'échappées belles. Le début de "Hollis", lui, est nettement marqué par le jazz, mais il se convertit partiellement dans une progression post-rock en cours de route. "M1" fait entendre la guitare acoustique de Cyril, d'où une patine folk. Ces gens-là se sentent bien partout, et nous aussi. L'éclat ou l'étincelle qui les habite et qu'ils disent traverser ne préjuge pas des couleurs du feu. En tout cas, "M1" s'embrase joliment, avec les volutes tendres de la clarinette et du violon qui nous attachent autour des trois autres instruments pour qu'on brûle, nous aussi.

   Oui, cette musique est attachante, de bon aloi ai-je envie d'écrire. Rien de tonitruant ou de racoleur. Ce sont des artisans, des troubadours d'aujourd'hui, qui prennent le temps d'esjouir nos oreilles.

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Paru en septembre 2017 chez Gizeh records / 7 plages / 43 minutes environ.

Pour aller plus loin :

- la page consacrée au disque sur le site du label.

- "Mossgrove & Seaweed" en écoute sur cette fausse vidéo :

 

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Publié le 22 Septembre 2017

Christoph Berg - Conversations

   Violoniste et compositeur né en 1985 à Kiel, Christoph Berg vit et travaille à Berlin. Conversations doit être son cinquième disque, après Bei, une collaboration avec le pianiste Henning Schmiedt sortie également cette année. Son domaine, c'est la musique de chambre. Violon multiple, contrebasse, un peu de piano, et des événements percussifs parfois très en avant, à d'autres moments à l'état de traces pour ce disque qui semble proposer un parcours si on suit les titres des morceaux - que je traduis au besoin : Prologue / Conversations / Souvenirs / Chagrin / Monologue / Dialogue / Adieu / Épilogue. La maison de disque précise que tout est au départ acoustique, avec ensuite très peu de traitements numériques.

   "Prologue" est un court dialogue entre la contrebasse bourdonnante et le violon sur fond de drones et de rares impacts percussifs. Le ton est donné, celui d'une mélancolie mélodieuse, développée en lentes spirales veloutées, comme une plainte qui tourne, revient. "Conversations" poursuit le mouvement, avec l'ajout de bruits de machine dirait-on, un cliquetis de pistons, comme si nous étions sur un étrange navire... perdus dans les brumes du passé dont nous parviennent des bribes sublimes entrecoupées de silences à la Arvo Pärt. La mélancolie se creuse, majestueuse, nous sommes embarqués sur ce vaisseau fantôme. Conversations lors d'un bal lointain déjà...

   Les violons nous appellent au début de "Memories", fragiles avec leurs volutes sinueuses, puis tout se rapproche, quel drame a éclaté peut-être,  jusqu'à devenir obsédant, à tournoyer sur fond de silence ? "Grief" est tout frémissement de cordes à peine frottées, la contrebasse grave, sépulcrale et si belle, le violon délicat, tout se met à se mêler dans une danse langoureuse. Quel amour, et cette douleur qui se contient, se tait parfois, elle veut aimer encore, être enchanteresse quand même, à peine ponctuée de touches, tâtonnements percussifs d'une bouleversante pudeur.

   "Monologue" ? Bourdonnement de cordes comme des frelons fous autour de la contrebasse enfoncée dans des graves profonds, puis beaux surgissements de cordes multiples, en gerbes solennelles enveloppées par le violon dans l'extrême de l'aigu. "Dialogue" lui répond par une efflorescence élégiaque vraiment somptueuse. L'adieu de "Farewell" est comme fluté, les cordes serties de faisceaux de drones, de chatoiements soyeux. La mélancolie est transcendée dans un chant sans cesse renaissant de cordes légères, grisées par les vapeurs enivrantes de l'oubli salvateur. L'épilogue est presque symphonique, traversé d'élans vibrants d'espoir qui semblent s'étouffer d'eux-mêmes.

   Une musique raffinée, indifférente aux chapelles musicales, d'un néo-classicisme post-romantique, oserais-je dire, qui ravit constamment l'oreille ! Une musique de chambre somptueuse pour un éternel aujourd'hui...

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Paru en 2017 chez sonic pieces / 8 plages / 36 minutes environ.

Pour aller plus loin :

- le cd est encore disponible chez sonic pieces

- les quatre premiers titres en écoute sur la page bandcamp de l'album :

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 23 septembre 2021)

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Publié le 15 Septembre 2017

Douwe Eisenga - For Mattia

   Dédiée à la mémoire de Julia Mattia Muilwjik (13 septembre 1989 - 1er octobre 2015), cette courte pièce a été composée à la demande de Katja Bosch et Janpeter Muilwijik. C'est à la suite d'un concert consacré aux Simon Songs de Douwe, il y a un peu plus d'un an, que les parents de la jeune femme sont venus vers le compositeur pour lui demander une petite pièce pour piano, quatre minutes environ. Pris par d'autres occupations, par l'écriture d'une autre pièce de commande, Douwe Eisenga a mis en chantier la pièce en mai 2017. Il se disait que Mattia méritait la plus belle musique du monde. La pièce a pris un peu d'ampleur, plus de huit minutes. La première de la pièce a eu lieu le 10 septembre dans la cathédrale d'Utrecht, interprétée par la pianiste Karin de Boef en ouverture d'une exposition de Katja Bosch et Janpeter Muilwjik (qui sont artistes visuels) consacrée au suicide de leur fille.

   For Mattia s'inscrit dans la lignée des Simon Songs : un minimalisme lyrique, mélodieux, les deux mains proches l'une de l'autre dans le registre medium, tissant des boucles envoûtantes, avec de belles envolées dans les aigus. Mine de rien, cette pièce lumineuse et simple d'allure construit un troublant labyrinthe harmonique, dont je me plais à ne pas trouver la sortie, l'écoutant en boucle sur une tangente du Temps... Un hommage magnifique, bouleversant, vibrant au-delà de toute tristesse, interprété par Douwe Eisenga lui-même, ce qu'il n'avait jamais fait.

Paru fin août 2017, autoproduit / 1 plage / 8'20".

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