Mannheimer Schlagwerk - The Numbers are Dancing

Publié le 6 Octobre 2022

Mannheimer Schlagwerk - The Numbers are Dancing

   L'Ensemble de percussion de Mannheim (Mannheimer Schlagwerk) a déjà vingt-sept années d'existence. Ce disque, sorti à la fin de 2021 - j'ai failli passer à côté !, est celui de leur vingt-cinquième anniversaire. Pour l'occasion, le directeur de l'Ensemble, Dennis Kuhn, a réuni quatre compositeurs, dont lui-même, avec l'idée de partir du Mallet Quartet de Steve Reich pour explorer de nouveaux territoires musicaux. D'où le sous-titre, "New Works for Mallet Quartet". Dennis Kuhn signe le premier titre, "Leon's House (Epitaph for a friend)"; le pianiste suisse Nik Bärtsch, bien connu chez ECM, le second, "Seven Eleven". Le guitariste américain Stephan Thelen a écrit les trois et quatre, "Russian Dolls" et "Parallel Motion" : il est également mathématicien, ce qui n'est pas étranger à notre affaire ! Enfin, l'allemand Markus Reuter, qui a touché de très nombreux genres, complète le programme avec une pièce en trois parties intitulée "SexGott".

   J'avais repéré l'album, emporté par le torrent des nouveautés et comme trop souvent vite recouvert : tant des musiques, et on a beau en écouter beaucoup, trop, moi le premier... Je suis heureux de lui donner sa place ici, au moment où le grand Steve sort  "Runner". On n'en finirait pas de mesurer l'impact du renouveau qu'il a impulsé vraiment partout.

   C'est un album généreux, à déguster. L'élégiaque premier titre nous prend presque au dépourvu : un tel moelleux dans les frappes des maillets sur les vibraphones et marimbas ! Et puis la source rythmique, bellement jaillissante, qui n'empêche pas une attention à l'autre monde. Il y a là des moments magiques, troublants, dans ce voyage glissant au pays des Morts... qui se réveillent, je vous le jure ! Magnifique début ! La composition de Nik Bärtsch, au tricotage très serré, paraîtra un peu ennuyeuse si elle ne produit pas une légère hypnose en passant d'un cercle à un autre ; ses couleurs éclatent dans le dernier tiers, elles se méritent, avec des accélérations très reichiennes. Une sacrée course...

    Les deux compositions de Stephan Thelen sont le cœur vibrant de ces danses de nombres. Marimba et vibraphone sont renforcés par l'orgue et la clarinette sur l'euphorisant "Russian Dolls" (titre 3). C'est un enchantement qu'apprécieront tous les Reichiens ! Quant à "Parallel Motion" (titre 4), avec deux percussions en renfort de la base marimba / vibraphone, c'est une pièce frémissante emportée par la cavalcade irrésistible des percussions, avec un très beau moment quasi méditatif lové dans le deuxième quart.

    Les dieux du sexe sont convoqués pour la dernière partie du disque. "Sexgott" se décline en "I. Mars", "II. Venus" et "III. Eros", ce qui me paraît corroborer ma lecture de la musique de Steve Reich dans un article que j'avais titré "Le Triomphe d'Éros". Trois pièces miraculeuses de grâce tintinnabulante : un éros apaisé loin des grandes fugues et des ivresses spectaculaires, à contre-courant, tel un ascète concentré sur ses petits tournoiements.

Mes titres préférés : le 1, "Leon's House" et le 3, "Russian Dolls", puis le 4, "Parallel Motion".

   Un grand disque de percussions précises et bien remontées.

Paru en décembre 2021 chez Solaire Records / 7  plages / 60 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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