Gianluca Iadema - ID[entità]

Publié le 12 Mai 2023

Gianluca Iadema - ID[entità]

   Voix et électronique. Conçu comme un cycle de compositions pour voix et électronique réalisées entre 2017 et 2021 par le compositeur, interprète, artiste sonore italien Gianluca Iadema et la vocaliste, improvisatrice et compositrice suisse Franzisca Baumann, ID[entità] s'inspire des improvisations de Franzisca, retravaillées électroniquement par Gianluca, qui recherche similitudes et contrastes entre la voix acoustique et la voix électronique. Le résultant est étonnant, évoquant aussi bien la musique de la Renaissance que les recherches vocales d'une Laurie Anderson ou de la chanteuse française Tamia (Tamia Valmont) dans Senza Tempo (1981) ou De la nuit...le jour (1988, ECM). Acoustique et électronique se mêlent dans des enlacements, des torsions qui pourraient faire penser à certains portraits peints par Francis Bacon. Le tout souvent explosé, déchiré par des erreurs (glitchs), des pointillés sonores répétés, battu par des battements techno, étiré par des glissades électroniques sublimes, comme dans le deuxième titre (tous sont nommés "ID[entità]#.." de #1 à #10).

   Vocalises d'identités tremblées

   Au fil des morceaux, l'identité de la voix se fracture, se multiplie, se dérobe, s'affirme, dans un jeu de cache-cache et de symbiose avec l'électronique. C'est troublant et vertigineux. La forte segmentation, accompagnée de détériorations volontaires de la voix agacera sans doute parfois. Mais ce ne sont que des transitions menant à des retrouvailles bouleversantes, d'une confondante beauté. La voix mute, devient brouillard sonore, vocalises tordues, et comme donnant naissance à l'environnement électronique qui ne se réduit pas à des virgules rapides, mais s'amplifie en nappes translucides, en envolées magnifiques.

    Épique électronique, mon amour...

   Précisons que l'album est vraiment un tout, un itinéraire, qu'au fur et à mesure une nouvelle identité émerge, moins déconstruite, avec des titres plus ambiants, atmosphériques (comme le #6). Disons que les titres 1 à 5 sont plus du côté de la déconstruction, et les titres 6 à 10 du côté d'un monde nouveau, d'une rare somptuosité sonore. Dans ce deuxième ensemble, la voix est fondue dans l'électronique. Le #7 se présente comme une pluie électronique parcourue de frémissements, de scintillations ondulées, soulevée par un bourdon, puis se résorbant en mur d'orgue irradiant de lumière. Le disque prend même nettement une tournure épique avec le #8, digne d'un opéra de l'espace, alternant fulgurances cosmiques et contemplations extatiques. Mille voix échantillonnées surgissent du prodigieux #9, à la granulation extraordinaire. On n'est pas très éloigné du travail d'Éliane Radigue, par exemple dans l'un de ses chefs d'œuvre, L'île ré-sonante. Le #10 est à tomber, d'une céleste beauté, fragile et archangélique.

   Un chef d'œuvre de la musique électronique d'aujourd'hui. Je ne cache pas ma préférence initiale pour la seconde partie, mais la première me séduit de plus en plus, et je la mets maintenant au même niveau (le #2 par exemple, stupéfiant !) : la performance vocale de Franziska Baumann est d'une bouleversante beauté, magnifiée par le travail de Gianluca Iadema.

Paru fin avril 2023 chez Mille Plateaux / 10 plages / 57 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp  :

 

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