Michael Gordon - 8

Publié le 13 Août 2021

Michael Gordon - 8

Après Timber pour six percussionnistes jouant des simantras amplifiés, sorti en 2011, Rushes pour sept bassons en 2014, voici 8 pour huit violoncelles. Michael Gordon, l'un des trois compositeurs co-fondateurs du Bang On A Can All-Stars et de tout ce qui tourne autour (Festival, le label Cantaloupe...), est fasciné par les multiples. Huit violoncelles dans un cercle, environnés par le public, qui, en théorie, peut s'installer à l'intérieur. L'œuvre s'inscrit dans la fascination du compositeur pour les musiques de transe, les musiques extatiques, ce dont témoigne un des ses plus anciens disques, Trance (Argo, 1996). Citons-le : « Ces œuvres [ écrites pour des séries d'instruments identiques ] sont censées produire un état quasiment méditatif, presque extatique, chez l'auditeur comme chez l'interprète. »

8 devrait être écouté en entier, d'affilée, et non en tranche comme le permet le découpage souvent proposé par commodité (ici même, c'est un comble !!), mais en contradiction avec sa finalité. Comme d'autres compostions de Michael Gordon, elle frappera les amateurs de Steve Reich par un vocabulaire familier, peut-être d'abord par ce frémissement de la pulsation, ces saccades serrées, ce battement qui s'enfle et qui décroît. De plus, on peut voir ces 53 minutes comme un vaste canon perpétuel, qui nous enserre peu à peu dans ses harmoniques ondoyantes au point d'abolir tout repère temporel : tout se met à flotter, et l'on peut essayer d'imaginer ce que ressentent les interprètes, et le public, encerclés, traversés par une trame changeante, tantôt légère, tantôt puissante. Avec de bonnes enceintes dans une grande salle, à défaut avec un excellent casque pour retrouver ce sentiment d'immersion, ce tournoiement des entrées et des arrêts, on perçoit la parenté de cette musique avec celle des derviches tourneurs, par exemple. Parenté seulement, car la dimension méditative est associée à la visée extatique. Ce grand calme qui parcourt toute l'œuvre : aucune hâte, aucune frénésie, c'est aussi la différence majeure d'avec le disque Trance ou les derviches tourneurs.

   La sérénité de la pièce tient aussi à l'intrication de la mélodie et des notes basses, une sorte de bourdon percussif qui parfois monte au premier plan lorsqu'elle s'efface en une belle alternance, à une ample respiration tranquille, sûre d'elle.Vers la fin de la pièce, les glissendis ajoutent du liant, épaississent la toile qui se met à scintiller de lents vacillements dans un mouvement de renverse d'une immense douceur. Les violoncelles sont devenus quasiment des harmoniums !

  Une des grandes réussites de Michael Gordon !

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Paru en avril 2021 chez Cantaloupe Music / 1 plage  / 53 minutes environ. [ il existe un autre découpage, peu satisfaisant à mon sens...]

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

En bonus, très logiquement, un extrait de l'excellent Trance, paru sur le magnifique label Argo en 1996.

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