Whisper Room - Lunokhod

Publié le 18 Avril 2021

Whisper Room - Lunokhod

   Whisper Room : désigne au départ une enceinte d'insonorisation, une cabine acoustique. J'aime bien qu'elle se nomme en somme une chambre à chuchotement, ou à murmure. Le trio qui se désigne par cette belle expression se tient quelque part entre musique électronique, ambiante, rock planant, avec des vibrations psychédéliques et des influences du rock allemand expérimental de la fin des années soixante. Il est composé par Aidan Baker (Ce musicien canadien forme avec sa femme Leah Buckareff le duo Nadja, déjà présent dans ces colonnes), à la guitare et aux effets, par Jakob Thiesen à la batterie et à l'électronique, et par Neil Wiernick à la basse et à l'électronique. Deux invités contribuent au disque : Robin Buckley aux percussions et Scott Deathe au traitement de la pédale et autres traitements.

    Il faut être prêt à s'embarquer, car les sept titres s'écoutent d'affilée, formant un voyage cohérent. La guitare bat, la batterie d'abord étouffée la rejoint, impulsant une ambiante un peu bruitiste, sans agressivité. C'est vrai qu'on pense à certains morceaux de Can, le mythique groupe de "krautrock". Des frémissements électroniques et percussifs parcourent le navire. La houle est profonde, régulière, et déjà vous êtes sur "Lunokhod 2", plus spatial, éthéré. Rappelons que lunokhod désignait les premières astromobiles télécommandées à la surface de la lune lors du programme russe éponyme entre 1969 et 1972. On est donc en apesanteur dans un magma nuageux, comme à la dérive, et c'est très agréable ! "Lunokhod 3" est à la fois plus minimal, et de plus en plus dense, comme si nous étions dans une jungle trépidante. La musique se fait tribale, saturée  de percussions et d'électronique, d'effets qui donnent à la matière sonore une épaisseur poisseuse, fouettée de zébrures sourdes. On s'enfonce avec "Lunokhod 4" dans des stratosphères immenses. La musique prend une dimension onirique, planante, quoique toujours rythmée par une batterie lourde. Des objets sonores inconnus surgissent de toute part, puis un décrochage très doux nous mène encore plus loin, c'est "Lunokhod 5", qui se creuse et s'embrase de l'intérieur, sous la cendre, illuminé discrètement par la guitare. La pulsation rythmique vire au balancement envoûtant, la guitare chantonne une mélodie prenante. On y est, c'est superbe, cette musique luxuriante, aux textures gazeuses qui vous enveloppent presque voluptueusement... Des chants lointains, peut-être synthétiques, peuplent "Lunokhod 6", plus expérimental, tourmenté, batterie et percussions au premier plan, déchirements en arrière-plan : touffeur tropicale, longs étouffements et comme des traînées d'esprits dans le ciel qui absorbe tout dans une coda exténuée. La dernière partie du voyage commence au ras d'une végétation réduite : des tournoiements se forment, de plus en plus lourds, les drones envahissent l'espace, des synthétiseurs bégaient dans l'épaisseur des boucles amorphes. On s'est éloigné de tout horizon connu, ne reste que cette ligne minimale de drones en incessante légère pulsation.

    Une odyssée qui pourrait vous emmener fort loin, à déguster en oubliant le Temps !

Paru en février 2021 chez Midira records / 7 plages / 58 minutes environ

 

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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