Matmos - L'électronique décomplexée (1)

Publié le 16 Juin 2012

Matmos - L'électronique décomplexée (1)

Né en 1997, Matmos est essentiellement un duo de musique électronique composé de M. C. (Martin) Schmidt et Drew Daniel, auxquels s'ajoutent différents musiciens au fil des projets. Ils ont travaillé pour Björk, ont tourné avec la harpiste Zeena Parkins. En 2010 sortait Treasure State avec So Percussion, en 2011 on les retrouvait avec des remixes, excellents, sur l'album Quartets de Jefferson Friedman.

Meph. - Et tu étais passé à côté de leur production propre, si j'ose dire !

Dio. - Tout à fait. Mais n'est-il pas toujours temps de rebondir sur INACTUELLES ?

Meph. - D'autant que l'un des deux albums dont on veut parler s'intitule Supreme Balloon, paru en 2008 chez Matador Records...

Dio. - Ne t'y trompe pas : "balloon" désigne ici une montgolfière...

Meph. - Mot magnifique, rien à voir avec la vulgarité de mon gardien de but hautain.

Dio. - N'égare pas le lecteur, veux-tu ? Fragile lecteur...

Meph. - De céder, mon frère, ne t'avise pas.

Dio. - Tu as trop contemplé les couvertures pleines de fantaisie hallucinogène des disques du duo ! Nous commencerons par un disque sorti en 2006 sur le même label.

Meph. - The Rose has Teeth in the Mouth of a Beast, un titre qui s'inscrit parfaitement dans les errements surréalistes de nos derniers articles. Je me sens pousser des dents partout, tel un vampire fier. Mais dis, au passage, tu escamotes les disques précédents, cinq si je sais encore compter...

Dio. - Tu voudrais que je ne sois plus qu'un ramassis d'oreilles massé sur un oreiller de signes sonores ?

Meph. - Un Ganesh oreillipotent, empilement de platines molles chargées par ses trompes véloces.

Dio. - Tu crois qu'on y arrivera ?

Meph. - Dix titres illustrés chacun par une carte postale, en hommage à des célébrités homosexuelles ou transexuelles de tout sexe. Dix titres qui sont d'étonnants portraits musicaux, à écouter dans les moindres détails, bourrés d'allusions et d'anecdotes illustrées qui ne prendront évidemment tout leur sens que pour ceux qui connaissent un peu la biographie de ces personnalités. Ça commence par Ludwig Wittgenstein pour se terminer sur Louis II de Bavière : encadré par deux Ludwig - je ne sais pas s'il y a une contrepèterie...-, en passant par Valérie Solanas, Patricia Highsmith ou William S. Burroughs, qui a droit au morceau le plus long, presque quatorze minutes d'un rag(time) s'ouvrant avec un piano de bastringue parasité par une ménagerie de bruits confus, un coup de feu qui nous permet d'entrer dans le quotidien d'écrivain de William peu à peu recouvert par des percussions envahissantes drôlatiques créant une atmosphère de transe colorée.

Dio. - C'est cela qui est excitant avec le travail des deux compères : des orfèvres amusés, dispensateurs d'une électronique vibrionnante, jubilatoire.

Meph. - Je me souviens de ta tête d'évêque revêche lors des premières écoutes.

Dio. - Tu exagères, Ténébrissime. Mais il est vrai...

Meph. - Que ça te changeait des musiques sinistres dont tu abreuves l'internaute égaré sur tes pages consternantes.

Dio. - Si tu le vois comme cela...En tout cas, j'ai bien changé d'avis sur ce disque vraiment étonnant, qui nous embarque à chaque titre en mêlant des genres qu'on n'imaginait pas ensemble avec une désinvolture...

Meph. - Je dirais une élégance...suprême ! Disco, pop, électro, rock même, musique concrète et contemporaine, jazz, textes dits, et j'en passe, sont le vocabulaire de base d'une musique dont le montage est l'imprévue transcendance.

Dio. - Transe en danse...

Meph. - Tu es enfin au diapason ! Et tu as vu les instruments utilisés pour le "Tract for Valérie Solanas par M.C. Schmidt : « Cow Uterus, Reproductive Tract, and Vagina ; Vacuum Cleaner ; Plastic gloves, Mix. » Quelle poésie, non ? Et de superbes décollages, à la guitare électrique par exemple dans "Public Sex for Boyd Mcdonald", juste avant un passage jazzy moite et décadent.

 

Dio. - Et un autre très grand moment, la magnifique "Semen Song for James Bidgood", superbes arrangements de harpe, cordes, piano et piano préparé autour de la voix d'Antony Hegarty.

Meph. - À se damner une seconde fois. Un chef d'œuvre délicat et brûlant. Sans parler du truculent, de l'inénarrable "Banquet for King Ludwig II of Bavaria", cors et tuba ronflants, soprano miaulante, vaisselle, le summum du kitsch. Désopilant de grandiloquence, ce qui n'exclut pas l'émotion quand on entend le clapotis de l'eau à la fin, évocation sonore de la noyade du souverain dans le lac de Starnberg. Je ne regrette même pas de n'avoir pas fait mon golf hier.

Dio. - Superbe ballot ! On va terminer en images : autour de l'article, quelques unes des cartes du beau portfolio.

Meph. - Tu as raison. Supreme Balloon, ce sera pour l'article suivant. Il paraît que l'internaute moyen est très pressé...


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Matmos - L'électronique décomplexée (1)

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Paru en 2006 chez Matador Records / 10 titres / 55 minutes

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 avril 2021)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc...

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