Matmos - L'électronique décomplexée (2)

Publié le 19 Juin 2012

Matmos - L'électronique décomplexée (2)

(Suite de l'article précédent)

Dio. - Supreme Balloon paraît deux ans plus tard sur le même label, Matador Records.

Meph. - Et nous sommes d'emblée prévenus : aucun microphone n'a été autorisé. Cent pour cent pur jus de synthétiseurs et d'ordinateurs. Aucun objet, escargot (voir "Snails and lasers for Patricia Highsmith" dans l'album précédent), instrument ou voix. Des modèles de synthétiseurs de toute taille, anciens ou non. Et quant aux invités, quel que soit leur instrument d'origine, ils respectent la règle : ainsi la pianiste Sarah Cahill, si présente dans nos colonnes, joue du Korg MS2000 sur "Les Folies Françaises" de François Couperin (pièce très raccourcie...).

Dio. - Relecture malicieuse qui fait songer à la bande originale d'Orange mécanique de Kubrick. Il y a un côté outrageusement kitsch qui m'avait écarté de l'album au début.

Meph. - Môsieur veut du beau tout de suite ! Et pourtant l'auditeur un peu patient se trouve emporté dans un flux coloré de sons moelleux, rebondissants, et déposé dans des jungles exubérantes, même sur d'imprévues pages planantes. Les musiciens s'amusent comme des petits fous. Ce n'est pas parce que "Polychords" commence avec un air faussement martial, genre Kraftwerk, qu'on va être enrôlé dans une armée de robots patibulaires : les machines dérapent assez vite, glissent, couinent pour nous réserver une fin délicate et calme. "Mister Mouth", avec sa voix synthétique, éructe de partout, le vilain, se dégonfle en longues traînées flasques, ronflantes. Tu as dû souffrir, non ?

Dio. - N'empêche que j'y suis revenu, et qu'après le débridé "Exciter Lamp and the Variable Band", véritable moulinette infernale à dézinguer des airs de fête foraine, j'ai été récompensé par les vingt-quatre minutes du titre éponyme succédant à "Les Folies Françaises" déjà évoqué. Là, on a pris le large. Finis les hoquets, les quolibets synthétiques : une envolée, ample, de sons étirés, qui pourrait faire penser à un groupe comme Gong, en moins éthéré tout de même car revu par un Terry Riley en pleine période musique indienne avec ce tabla électronique qui nous accompagne une partie du morceau.

Meph. - Moins éthéré ? Écoute mieux vers les huit minutes. Ce qui est très beau, c'est la palette de timbres des synthés qui se chevauchent, s'entrelacent dans un infini nettement moins dramatique que chez beaucoup.

Dio. - Je te rejoins. "Supreme Balloon" est un long hymne à la chaleur radieuse de ces synthétiseurs. Le duo Matmos rutilants. Les sons sont gorgés d'une énergie joyeuse, galvanisante. Déprimés qui lisez ceci, consommez cet album sans modération, jusqu'à l'ivresse de vivre enfin retrouvée !

Meph. - Amoureux des musiques planantes, prenez place sur leur tapis volant pour aller très haut. Ennemis farouches des musiques électroniques pour qui électronique équivaut à froideur, raideur, sautez à pieds joints sur vos préjugés médiévaux ! Les synthétiseurs se gondolent dans les espaces intergalactiques, finissent par concocter un voyage onirique...

Dio. - Magnifique, osons le terme. Il faut toujours aller jusqu'au terme, d'ailleurs, pour apprécier les choses. La fin du voyage est rêveuse, sereine... Et le dernier titre de l'album, "Cloudhoppers",  est à l'avenant, tout en chatoiements fluides, en torsades légères...

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Paru en 2008 chez Matador Records / 7 titres / 44 minutes

(à noter que le vinyle offre un huitième titre, "Orban")

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 avril 2021)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc...

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