Michael Gordon - Timber : Foisonnant désert percussif !

Publié le 10 Décembre 2011

Michael Gordon - Timber : Foisonnant désert percussif !

   Michael Gordon, l'un des trois cofondateurs du festival Bang On A Can, ce creuset formidable où se rencontrent les énergies des musiques pop-rock et la rigueur de l'écriture contemporaine, avait décidé de quitter pour un temps le domaine orchestral, dans lequel il avait donné des pièces amples, ambitieuses. Invité en 2009 par le Slagwerk Den Haag, un ensemble de jeunes percussionnistes néerlandais, il a donc décidé que Timber serait pour des percussions non accordées, et que chaque percussionniste ne jouerait que d'un instrument. Il voyait le processus compositionnel comme un voyage dans le désert, espérant que le paysage désolé et la lutte pour la survie l'aideraient à clarifier son esprit et lui apporteraient des visions... Tel est le point de départ d'une des œuvres les plus abouties, les plus stupéfiantes de Michael Gordon, qui m'avait moyennement convaincu dans ses grandes "machines" orchestrales comme Decasia (2001). Avec cette pièce, je le retrouve au meilleur de son énergie, de son sens inné de la transe.

      

Comme il voulait une percussion au son très sec, proche de l'électronique, après quelques essais le directeur artistique de l'ensemble néerlandais, Fedor Teunisse, lui a apporté des simantras en bois qu'ils conservaient parmi leurs instruments et matériaux divers. Ce beau mot désigne d'abord une percussion liturgique grecque. Iannis Xenakis en a utilisé. Ce sont plus couramment des poutres de bois, appelées 2x4, posées sur des sortes de tréteaux, frappées avec des mailloches. Le défi, c'était en somme de produire de la musique avec...des matériaux de construction ! On entend bien la frappe très claire, qui produit des champs harmoniques évidemment exploités par Michael Gordon.

   La composition, en cinq parties pour presque cinquante-cinq minutes, est fondée sur des motifs montant et descendant. Les six interprètes forment un cercle, chacun frappant un seul simantra, puis deux dans les parties quatre et cinq. Curieusement, on est très vite enveloppé par les vagues rythmiques produites par les frappes rapprochées. Si la pièce exige concentration et virtuosité de ses exécutants, elle exerce sur l'auditeur une fascination hypnotique impressionnante. Sous le crépitement des chocs circulent des nappes sonores profondes, fluides. Comme de la lave qui se vaporiserait dans des halètements, des lâchers de bulles rutilantes. Et n'imaginez surtout pas que l'on s'ennuie pendant l'écoute, tant la composition est vivante, animée de mouvements quasi respiratoires, de girations, de contractions et d'expansions qui font de l'œuvre un nuage percussif, une constellation mouvante, un univers en soi !

   Le boîtier en bois massif, si agréable au toucher, est un prolongement naturel de cette composition magistrale : l'équipe de Cantaloupe ne néglige rien !

Paru chez Cantaloupe Music en 2011 / 5 titres / 55 minutes

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp

- si vous souhaitez écouter d'autres compositions de Michael Gordon, ma sélection (provisoire...) :

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Trance est initialement sorti sur le label Argo en 1996, avec une autre couverture / Weather et Light is calling chez Nonesuch Records en 1998 et 2004.

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 avril 2021)

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