Ann Southam - Soundings for a new piano

Publié le 17 Février 2014

Ann Southam - Soundings for a new piano

   Premier article consacré à la compositrice canadienne Ann Southam (1937 - 2010), à l'occasion d'un disque assez bref que lui a consacré le pianiste R. Andrew Lee sur un label passionnant que je suis en train d'explorer, Irritable Hedgehog Music. Pour sa biographie, je renvoie le lecteur à la Vitrine des Compositeurs du Centre de Musique Canadienne, beau site bilingue (et non tristement unilingue anglais comme trop de sites de labels et d'artistes français, je récidive !!). Son œuvre abondante, à peu près inconnue en France, a fait l'objet de plusieurs disques dont j'espère vous présenter bientôt une sélection.

   Le disque comprend douze mouvements, plus un interlude après la septième pièce.  Ann Southam, qui n'est pas spécialement adepte du dodécaphonisme rigoureux d'Arnold Schoenberg, a cependant adopté son procédé, utilisant la même série au fil des années, reconnaît-elle, lui insufflant, à l'entendre, un sens tonal - Schoenberg récusait d'ailleurs le terme d'atonalité, faut-il le rappeler.  Sous-titrées "Douze méditations sur une série de douze tons", les pièces peuvent, selon la compositrice, être jouées dans n'importe quel ordre, voire séparément. Neuf d'entre elles répètent certaines séquences rythmiques et certaines notes, contrairement au "dogme" dodécaphonique, si bien que la série n'est complète qu'à la fin de la plupart des mouvements. En somme, la musique d'Ann Southam croise dodécaphonisme et...minimalisme !

   Il en résulte une musique à la fois méditative et fraîche, tonifiante. Chaque pièce sonne comme l'esquisse intrigante d'une mélodie, une interrogation fougueuse ou rêveuse. L'utilisation de la pédale contribue à unifier ces séquences sonores de notes juxtaposées - à de rares exceptions dans les deux derniers mouvements. Leur air de famille, surtout dans les sept premières, contribue à leur charme énigmatique. L'interlude, irisé de très brefs éclats, fragmente le motif récurrent jusqu'à le diluer dans son apaisement lumineux. Il ouvre la voie à des pièces plus contrastées, comme la puissante huitième, articulée sur des martèlements dramatiques, ou l'étonnante neuvième, réplique assourdie de la précédente, plus tâtonnante dirait-on. Le motif revient dans la dixième, plus interrogateur encore, dans un jeu insistant de boucles, pour disparaître dans la onzième qui joue dans les marges, déploie des accès de violence imprévus, avance comme une somnambule ironique et distante. Le cycle se clôt sur la limpide douzième, qui étire le motif, le décline avec une langueur majestueuse, une grâce souveraine.

    Un disque superbe, interprété avec une vibrante rigueur par R. Andrew Lee. Oubliez les vingt-trois minutes : ces miniatures dilatent le temps !

----------------

Paru chez Irritable Hedgehog Music en 2011 / 13 pistes / 23 minutes

Pour aller plus loin

- le site du pianiste

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 30 juillet 2021)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :