Publié le 28 Mars 2023
William Fowler Collins, né en 1974, est un compositeur installé dans la compagne au Nouveau-Mexique. Sa musique se situe quelques part entre une ambiante sombre, une forme de néo-classicisme à base de drones. Il a déjà collaboré avec Daniel Menche sur l'album split (2014) , Il présente son nouveau disque comme une méditation sur la douleur, la perte et le chagrin. "Opening scene" explose, gerbe de drones vibrants. Pas question d'en rester aux affects premiers. Une musique cinématographique, nous dit-on. Des affects médiatisés, projetés sur une scène grandiose.
"Death acquires A Different Meaning", second titre, revendique ce changement : "la mort acquière un sens différent". Les plaintes de Johanna Hedva trouent le ciel, entendit-on jamais de telles pleureuses ? Des plaintes aux imprécations, il n'y a pas si loin. Ces voix qui se croisent dans le lent tournoiement d'une draperie synthétique échappent aux catégories, dépassent les peines initiales, pour atteindre un niveau cosmique, d'où peut-être le titre de l'album, Hallucinating Loss. L'hallucination dépayse, agrandit. "Interpreting Nightmares" est un titre hanté, d'une abyssale noirceur, dans la déflagration incessante de drones effrayants, de déchirures lancées à toute allure dans les ténèbres, le violoncelle tel un guetteur imperturbable au milieu des visions. C'est donc une musique authentiquement sublime, dans les hauteurs. L'harmonium de "Return Visit" oscille en pleine lévitation tandis que Maria Valentina Chirico plafonne à ses côtés (c'est elle qui joue de l'harmonium). La seconde partie du titre est le retour proprement dit, sous la forme d'une poussée sourde accompagnée d'un grondement encore plus sourd. On retrouve la voix de Maria Valentina Chirico sur le titre suivant, d'abord réduit à un sifflement intermittent sur fond de drones, lequel devient peu à peu une mélopée hyper élégiaque, je veux dire distante, avec l'alto stratosphérique. La voix n'est plus qu'une trace archangélique cerclée par le violon ou l'alto en mouvements suaves. C'est une merveille d'ambiante anthracite, synthétiseurs altiers, souverains, puis un battement comme de tambours transforme la pièce en crescendo soufi. Nous étions pourtant prévenus par le titre, "Preliminal Rites". Plus rien n'existe que cette frénésie battante, d'ailleurs absorbée par le sous-bassement de drones. Il ne reste qu'un tournoiement grave, pour nous enlever définitivement !
Le titre éponyme, le dernier, revient à un calme relatif, tout bouillonnant de drones comme un chaudron surchauffé, le violoncelle fondu dans la masse. Comme si la douleur enfermée ne pouvant sortir se mettait à muter, à lever, à se jouer une partition spectaculaire, fabuleuse, avant, épuisée par l'effort, de s'affaisser dans des gargouillis répétitifs sombres, hébétés, stupéfiés par l'intensité de la perte.
Un disque fort, dramatique, avec de très belles envolées.
Très belle couverture de Claudia X. Valdes
Paru en septembre 2022 chez Sicksicksick Distro / Wertern Noir Recordings / 6 plages / 45 minutes environ
Pour aller plus loin
- peu de choses sur les plates-formes à vous faire écouter pour ce disque-ci. J'ai placé un renvoi à un autre disque de William Fowler Collins, Tenebroso (2012) en toute fin d'article. Très beau disque !
- disque en écoute et en vente sur bandcamp :