musiques contemporaines - electroniques

Publié le 17 Décembre 2012

Peter Broderick & Machinefabriek - Mort aux vaches

Peter Broderick, ce jeune compositeur américain né en 1987, multi-instrumentiste qui participa au groupe danois Efterklang, étoffe ces temps-ci sa discographie. Sa rencontre avec Rutger Zuydervelt, guitariste, artiste sonore néerlandais connu sous le nom de Machinefabriek depuis 2004, nous vaut ce magnifique Mort aux vaches, trois sessions en partie improvisées en compagnie d'autres invités, comme le pianiste Nils Frahm, Jan Kleefstra pour ses mots, Romke Kleefstra, son frère, à la guitare et aux effets, et Anne Chris Bakker, compositeur de musique électroacoustique, expérimentale ou ambiante originaire de Groningue aux Pays-Bas, ici à la guitare, aux effets et à l'ordinateur, tous les quatre pour la seconde session. 

Meph. - Cela commence avec des enregistrements de sons extérieurs : cliquetis, cris d'enfants au loin, toute une vie discrète. Le violon s'introduit par courtes plaintes prolongées de halos de drones : entrée dans l'univers somptueusement mélancolique dont on peut dire, sans jouer sur les mots, qu'elle est sa marque de fabrique sans machine...

Dio. - Toi, te laisser ainsi aller !

Meph. - Laisse-moi parler du surgissement feutré du piano, dans les médiums d'abord, puis dans les graves. On entend une machine - je n'y peux rien - à écrire. Les textures se resserrent insensiblement, quelque chose cherche à s'élever dans un climat d'intense émotion. Il y a là comme un lyrisme cérémoniel, en sourdine, avant que la cadence au violon ne vienne nous enlever.

Dio. - Et tout se soulève, dans une montée irrésistible, la voix de Peter en bourdon tout au fond de ce grand mouvement farouche que le piano martèle. C'est puissant, et délicat, méditatif, lorsque le piano se retrouve presque seul dans un environnement légèrement ondulant de sons rugueux, égrenant et laissant résonner ses notes limpides, isolées ou en accords plaqués tandis que le violon, en retrait laisse entendre des notes déformées, étirées.

Meph. - Le disque continue avec la session III, piano en avant, guitare en second plan, avec une dimension "orchestrale" plus sensible, des arrière-plans à la fois plus harmoniques et électroniques. La pièce prend des allures de toile miroitante, oscillante, alternant avancées et moments d'apesanteur. Soudain s'élèvent des voix miaulantes tandis que les ondes courtes se brouillent. Retrouvailles avec les meilleures envolées des grandes pièces psychédéliques, mais d'une fantastique douceur. 

Dio. - Incroyable polyphonie de voix suaves au cœur de cette session océanique, sur laquelle le piano vient marcher comme un miracle, histoire de pendre le temps à un vieux clou. Le violon s'enroule en courtes phrases courbes autour du vaisseau spatial lancé dans les espaces infinis...

Meph. - Quelle imagination ! Je souscris, toutefois. N'oublie quand même pas tous ses petits bruits qui installent notre navire dans un concret habité. Ce qui est beau, c'est cette union intime d'un lyrisme abstrait, si l'on peut dire, et d'un chant des objets qui nous permet d'installer cette musique dans un quotidien transcendé.

Dio. - Ne te moque plus de moi, vieux rêveur.

Meph. - Tu crois plaisanter, mais c'est en effet une musique d'après la chute, hantée par son avant. Cette musique-là n'est rien d'autre qu'une tentative pour réintroduire le paradis dans les interstices de notre vie. Entends-tu la voix de Jan Kleefstra dans la dernière pièce, la session II, la plus longue ? Je ne comprends pas ces mots - j'aimerais les lire en même temps -, j'entends leur velours, leur incantation ouatée, à donner envie d'apprendre le frison (et non le néerlandais, comme nous l'a fait remarquer un de nos lecteurs - le frison est la langue des îles de la Frise), la voix des anges déchus réclamant la beauté foudroyante, disant la beauté troublante et infinie du monde, et peu importe si ce n'est pas leur sens, c'est ce que j'entends par-delà les mots, sur le matériau musical retenu et frémissant qui s'enfle peu à peu jusqu'à devenir une cathédrale sonore dans laquelle se mêlent les arpèges du piano, les drones, les particules poussiéreuses, les chuchotements, la voix bouleversée, pour que surgisse la musique d'avant, commer nommer cela, ce chaos sonore extraordinaire, je ne sais pas pourquoi je pense à Tabula rasa d'Arvo Pärt, le même mouvement de déconstruction, la déchirante suavité arrachée aux décombres, surgie des gestes musicaux en ombres sur le vide qui n'est pourtant pas vide, saturé d'une anti-matière corpusculaire proprement sidérante.

Dio. - Un des très grands disques sortis en 2011, indéniablement. Ouf ! Mon "classement" de 2011 est encore à venir (bientôt...).

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Paru en avril 2011 chez Mort aux vaches (c'est aussi le nom du label...). Si j'ai bien compris, c'est une édition limitée à 500 exemplaires, encore une, alors que ce disque devrait sortir à dix milliards d'exemplaires !! J'espère me tromper, ô fidèles lecteurs, si bien que vous pourrez encore vous le caler derrière les oreilles, je veux dire vous l'instiller dans le cerveau comme une divine ambroisie. / 3 titres / 56 minutes environ.

Pour aller plus loin

- un blog entièrement consacré à toutes les parutions de Peter Broderick, en anglais.

- en écoute partielle ci-dessous (fausse vidéo) :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 25 mai 2021)

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Publié le 11 Décembre 2012

Francesco Tristano, pour le meilleur !

   Francesco Tristano est un pianiste atypique. De formation classique, il interprète les grands musiciens du répertoire. Mais il ne déteste pas la techno, se produit dans les clubs, participe au trio Aufgang, entre musiques contemporaine et électronique, parfois assaisonnées d'un zeste de jazz fou. 

Meph. - Tu as longtemps hésité, pourtant ? Pourquoi donc ?

Dio. - J'ai connu Francesco Tristano par l'album du trio Aufgang, album que j'ai chroniqué à sa sortie. Depuis, il se trouve que je suis tombé sur ses disques personnels par hasard, à chaque fois lors de soldes.

Meph. - Excuse-moi, je ne vois pas le rapport...

Dio. - Tu as raison. Toujours est-il que j'ai donc engrangé not for piano, idiosynkrasia, Auricle / BIo / On, et enfin bachCage. 

Meph. Et, à chaque fois, l'écoute te laissait partiellement insatisfait. Je te connais : la virtuosité démonstrative  ne te plaît guère.

Dio. - C'est un euphémisme de le dire ! Je le trouvais éblouissant, bien sûr, doué, mais j'étais agacé parfois, l'impression d'une course de vitesse stérile, et d'un autre côté j'aimais bien son ouverture sur la techno, les musiques électroniques.

Meph. - Auricle / Bio / On, c'est quelque chose, quand même, de vraiment courageux, une pure folie "enchantée" (c'est sur la pochette) déjà par Moritz von Oswald.

Dio. - Oui, il m'a tenu par là. C'est un disque qui ne ressemble à rien, un ovni discographique qu'on peut écouter cent fois, une sorte de techno bruitiste ambiante, hallucinée et minimale.

Meph. - Alors ?

Dio. - Il m'arrive ainsi de laisser des disques hors-jeu, comme s'ils m'intimidaient. Il me fallait un autre déclic.

Meph. - Et c'est venu lundi dernier ?

Dio. - Sans prévenir ! J'avais une quantité d'autres nouveautés sous le coude lorsque, dans l'après-midi, je me suis dit, il faut que je rende hommage à Francesco.

Meph. - Que s'est-il donc passé ?

Francesco Tristano, pour le meilleur !

Dio. - J'ai réécouté bachCage dans des conditions optimales, pas en voiture ou en faisant la cuisine. Tu connais ma prédilection pour "In a landscape" de John Cage, une pièce dont je ne me lasse pas. Et là, concentré, détendu, face à ma chaîne, j'ai pris une grosse claque comme on dit, mais alors énorme. La version qu'il en propose avec l'aide de Moritz von Oswald, encore lui, est prodigieuse : jusqu'à quinze pistes, peu importe à vrai dire le détail technique, ce qui compte c'est de réintroduire pour cette pièce l'idée d'un piano non normalisé, donc préparé si l'on veut, mais qui a existé avant le piano préparé façon Cage, qui consonne avec des cloches, des percussions étouffées : chaque note déclenche un paysage, c'est exactement ça, ce que cherchent d'ailleurs d'autres pianistes en ce moment, comme Anna Rose Carter de Moon Ate the Dark (voir article précédent). C'est somptueux, et le reste de l'album est à l'avenant.

Meph. - On se prend à rêver à une relecture de l'œuvre de Cage pour piano préparé ou non...

Dio. - À partir de là, j'ai réécouté le reste pour extraire les pépites sous la gangue ébouriffante, étourdissante de ce pianiste bondissant.

Francesco Tristano, pour le meilleur !

Meph. - Et d'idiosynkrasia, que reste-t-il ?

Dio. - C'est un album assez proche de l'esprit d'Aufgang, mais à mon goût un peu trop envahi par des machines aveugles, sauf pour le miraculeux deuxième titre, "Nach wasser noch Erde", où le piano revient au premier plan pour un fascinant nocturne minimaliste.

Meph. - Une pure incantation : ce garçon nous met à genoux, il faut le dire, si bien qu'on lui passe les errements, les tâtonnements, les concessions à la mode.

Dio. - L'étoffe d'un vrai compositeur, en effet. Je ne parlerai guère des autres titres...

Meph. - Calamiteux ? Disons inutilement bruyants, clinquants ? Tu es bien dur, non ? "Mambo" a une belle pêche !

Dio. - Trop de programmation lourdaude. "Eastern Market", par exemple, est à hurler. Je préfère encore "Fragrance de Fraga", nettement jazz pourtant, mais plus fin. J'excepte "Last days" à la délicate mélancolie, le piano serti par une électronique ciselée, aussi le long dernier titre, "Hello - Inner space Dub", qui finit par nous prendre, sur la longueur de ses dix-sept minutes, par sa rage de s'envoler dans une immense cadence environnée de tourbillons sonores incessants, recouverte par des vents électroniques intergalactiques, puis trois minutes de silence suivies d'une réapparition du piano, tout en éclaboussures cristallines, en notes longuement résonnantes, le Francesco que j'adore, musicien et non plus icône glamour, Narcisse prodige.

Francesco Tristano, pour le meilleur !

Meph. - Reste not for piano, notamment avec le pianiste Rami Khalifé. Le caracolant "hello" ouvre l'album...

Dio. - Pourquoi pas...

Meph. - "Barcelona trist", du très bon piano jazz, tu ne me contrediras pas. "Strings", début éthéré, notes filées, puis une chevauchée...

Dio. - Intéressante, cette réécriture de "Strings of Life" de Derrick May, surtout lorsqu'elle se brise, une minute avant la fin. Suit le splendide "andover" basé sur "overand" d'Autechre : à lui seul, le titre justifie l'achat de l'album. Reprise hypnotique d'une courte phrase, prolongée par un savant jeu d'échos, de prolongements électroniques. Un troisième hommage, "ap*", est dédié à Pascal Dusapin : la pièce s'inscrit dans la lignée des études pour piano, d'une écriture à la fois étincelante et fracassée. Là aussi, je tombe à genoux...

Meph. - Et ça continue avec "the melody", joli duo avec Rami, une gaieté dûe à l'évident plaisir de jouer à deux. C'est mieux encore avec un deuxième titre cosigné, "jeita", une ligne d'aigus très dynamique sur des graves percussifs, syncopés, les deux se rapprochant pour une longue échappée brumeuse.

Dio. - Mes pauvres genoux !! C'est en effet magnifique d'émotion. Un disque qui mérite mieux qu'on pourrait le penser, d'autant que "the bells" est impressionnant par ses syncopes en cascade, sa puissance crescendo, que "hymn", à nouveau avec Rami, offre une bousculade rythmique d'une formidable tonicité débouchant sur une coda plus calme, pour finir sur un duo réjouissant avec Raimundo Penaforte, ce dernier superposant de micros halètements à la rythmique pianistique effrénée, puis des sons de gorge étirés, sortes d'appels surgis du tréfonds, un violon frémissant : une vraie folie, du plaisir...

Meph. - Un disque pour décoincer tous les rigides, larguer les amarres et boire la mer entière sans s'en apercevoir !

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- Auricle / Bio / On paru chez InFiné en 2008 / 2 titres / 50 minutes

- bachCage paru chez Deutsche Grammophon en 2011 / 25 titres / 59 minutes

- idiosynkrasia paru chez InFiné en 2010 / 9 titres / 66 minutes

- not for piano paru chez InFiné en 2007 / 10 titres / 51 minutes

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 24 mai 2021)

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Publié le 3 Décembre 2012

Moon Ate the Dark

Illumination négative  

   Moon Ate the Dark, c'est la rencontre de la pianiste galloise Anna Rose Carter et du producteur canadien Christopher Bailey aux microphones, pédales et amplis. Enregistré en deux jours d'août 2011 avec Joe Garcia dans des studios de Bristol, masterisé par Nils Frahm au studio Durton de Berlin, le disque est entièrement improvisé, sans ajout ni intégration d'échantillons tout prêts.

   Dès le premier titre, "Explosions in a Four Chambered Heart", l'auditeur est pris dans le flux continu du piano, souligné par le martèlement audible des touches ( que l'enregistrement met en évidence au lieu de le cacher, procédure fréquente notamment chez Nils Frahm, qui peut agacer, mais ici particulièrement pertinente) et l'environnement sonore trouble et liquide, agité de grands remous sourds, de vociférations étouffées. L'inspiration est marquée par le minimalisme répétitif et, à mes oreilles du moins, par le concept de piano en mode continu développé par le pianiste et compositeur d'origine ukrainienne Lubomyr Melnyk. Le piano avance dans un faisceau d'harmoniques qui constituent peu à peu un véritable tapis bruissant. Chaque note claire se détache ainsi, comme rebondissante, de cette trajectoire irrrésistible, sans cesse relancée par le jeu des reprises consécutives aux baisses de tension pendant lesquelles le piano semble s'enfoncer dans la pâte sonore. Les réverbérations créent une profondeur de champ à l'intérieur de laquelle tournoient drones, crissements, cris d'oiseaux métalliques avant l'absorption finale dans le noir abyssal. Une entrée vraiment superbe !! Le second titre, "Bellés Jar", est plus sombre encore, lentes boucles hypnotiques s'enfonçant dans les graves au-dessus d'agitations nébuleuses. "Capsules 11" reprend la veine du premier titre, avec quelques beaux dérapages dans les dissonances, un aspect buddien plus marqué (car le grand Harold Budd n'est jamais très loin - si ce n'est que le dynamisme est nettement plus puissant ici) et des poussées électroniques sensibles. "In Fiction" fonctionne comme un  interlude : piano sépulcral, battements cardiaques épais, envols froissés d'objets non identifiés...Revoici le flux avec "She / Swimming", sillage lumineux et lancinant jouant sur des reprises successives en canon à différents niveaux de l'échelle harmonique : pièce limpide, avec une longue coda en apesanteur. Dissonances et décrochages caractérisent une autre pièce majeure de l'album, "Messy Hearts", comme menacée par un environnement plus inquiétant. Tous les sons semblent se déformer, les réverbérations se courbent dans un espace contracté, saturé : d'autant plus belle la fragilité du piano pris au piège et qui lutte, englué dans les drones et les déferlements bruitistes ! Le calme semble être revenu avec "Sleepwalk", marche précautionneuse, avancée somnambulique dans le cliquetis claudiquant des touches : c'est une extase suspendue dans l'hallucination toute-puissante,  ou bien la difficile remontée du gouffre des rêves et des cauchemars, de marche en marche humide dans les souterrains infernaux démultipliés. Un disque inspiré ! 

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Paru en 2012 chez Sonic Pieces / 7 titres / 45 minutes

Pour aller plus loin

Addenda : j'aurais dû ajouter que la version cd limitée à 450 est épuisée. Paradoxe : l'évolution du marché conduit à rendre indisponible les meilleures musiques, qui ne sont plus diffusées en grand nombre. C'est à qui dégaine le plus vite. Triste, vraiment triste ! Et n'allez pas me dire qu'un format compressé est l'équivalent d'un format non compressé. Sans parler des visuels et des informations qui disparaissent avec les fichiers...Le morceau de musique anonyme, noyé dans la grande masse des parutions ou au fin fond d'un Mp3, d'un ordinateur...

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 24 mai 2021)

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Publié le 10 Novembre 2012

De la recomposition

Où il sera question de Vivaldi, Max Richter, Baudelaire, Nicolas Bréhal, Carl Craig, Moritz von Oswald, Michael Gordon

et de quelques autres. 

   Cherchant une vidéo pour l'article précédent consacré au travail de recomposition effectué par Max Richter sur les Quatre saisons d'Antonio Vivaldi, j'ai été surpris par certains commentaires, qui reprochaient tout bonnement au compositeur allemand d'avoir osé toucher à un monument intangible. À leurs oreilles, tout avait été dit, rien ne devait jamais altérer, modifier l'œuvre sacralisée par le temps. Pour d'autres, le travail de Richter était passé sous silence, comme si l'ancêtre écrasait de sa célébrité ce jeune bricoleur qui jouait à coller un peu d'électronique sur les sonorités acoustiques. Étonnante surdité des seconds, confondante ignorance ou naïveté des premiers ! Je renvoie les sourds à mon article et les invite à une véritable écoute du disque, sachant bien que je demande là quelque chose qui ne se pratique peut-être plus si souvent, alors qu'on écoute en se baladant ou en se livrant à d'autres activités en occidentaux hyperactifs.

    Quant aux naïfs, aux ignorants, si soucieux de sauver les génies des expérimentations profanatrices, faut-il leur rappeler que les plus grands d'entre les compositeurs classiques ont pratiqué l'emprunt, la citation, le collage, la variation, comme des exercices d'admiration ? En peinture, les maîtres ont commencé par copier dans les musées, puis ils adaptent à leur tempérament. Picasso réinvente Rembrandt, Andy Warhol fait revivre La Joconde de Léonard. Chaque portrait de Giuseppe Archimboldo est une recomposition à partir de fruits, animaux, poissons, ces œuvres de la création divine : qui songerait à lui en faire grief ? En littérature, on a toujours pratiqué la réécriture, autre nom de la recomposition. La Fontaine faisait sienne les fables des grecs Ésope ou Phèdre sans aucunement cacher ses sources : on ne se piquait pas alors d'être original. On imitait les Anciens, on essayait de les égaler, persuadés comme La Bruyère que "Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes qui pensent." Belle modestie, foulée aux pieds par le culte de l'avant-gardisme et la prétention forcenée à la nouveauté. Pourtant, Blaise Cendrars lui-même, chantre d'une poésie nouvelle, a pratiqué le collage à grande échelle, taillant dans le roman-feuilleton Le Mystérieux Docteur Cornélius (1912-1913) de son ami Gustave Le Rouge pour écrire les poèmes de Kodak (1924). William Burroughs, après les cubistes et des surréalistes comme Max Ernst, invente avec Brion Gysin le cut up, qui est sur le plan littéraire l'ancêtre direct du mix et du remix, dans la mesure où il s'agit déjà de créer un texte à partir de fragments d'origines diverses, remontés selon une logique nouvelle.

   C'est qu'une œuvre, une fois éditée, publiée, appartient à tous. Elle devient un matériau au même titre que les autres composantes de ce que l'on appelle inspiration. À ce titre, se référer à elle, c'est non pas la profaner, à moins d'une intention polémique affichée, cas évidemment possible, mais la faire revivre, la rendre à nouveau contemporaine, vivante. Citée, coupée, collée, variée, prolongée, engrossée, elle revient hanter la scène, dire que le présent est tissu de passé comme d'imaginaires d'avenir. Toute recomposition est fascinante justement parce qu'elle vient critiquer notre croyance au présent en tant qu'entité séparée, autonome : elle exhibe son hétérogénéité constitutive, sa nature fictionnelle. Car le présent n'existe pas, il n'est que passage, transition, informé par les héritages superposés des strates du temps passé. Ou s'il existe, c'est comme somme de traces, de sillages, avec un peu d'écume à l'avant du navire temps. Si le passé existe, lui, il n'est pas immuable, sans cesse recomposé par la mémoire, l'imaginaire, les travaux des historiens et des artistes.

   Vivaldi, n'ayant pas disparu des mémoires, offre un support à des œuvres d'aujourd'hui : cela devrait réjouir ses aficionados au lieu de susciter des réprobations incompréhensibles. Grand baudelairien, j'ai lu avec passion le beau roman ténébreux de Nicolas Bréhal, Le Sens de la nuit (1998), dont le tueur en série est surnommé Gaspard de la Nuit, clin d'œil au recueil de poèmes en prose d'Aloysius Bertrand tant apprécié par Charles, le poète que lit justement le fonctionnaire de police baptisé Achille (!), ce qui nous vaut un maillage de citations tout au long des quatre nocturnes de cette enquête admirable, bouleversante. La preuve que Baudelaire est toujours vivant, elle est notamment dans ce roman testament d'un écrivain mort l'année suivante dans sa quarante-septième année.

   Pour finir, je renvoie à mon article consacré à un autre disque de la série "Recomposed" publiée chez Deutsche Grammophon, consacré au travail de Carl Craig et Moritz von Oswald à partir du Boléro et de  la Rapsodie espagnole de Maurice Ravel et des Tableaux d'une exposition de Modeste Moussorgski. J'aimerais aussi dire toute mon admiration pour l'un des chefs d'œuvre de Michael Gordon, Weather, sorti en 1999 : une longue pièce en quatre mouvements, véritable recréation hallucinée des Quatre saisons, sans qu'il soit nulle part d'ailleurs fait référence à Vivaldi, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il a écrit là une composition d'un esprit similaire à celui du maestro, adapté à notre société contemporaine.

Post scriptum métaphysique

   Le temps est perpétuelle recomposition. Rien de nouveau sous le soleil, comme le disait déjà L'Ecclésiaste, cela ne veut pas dire autre chose que le gigantesque et permanent brassage des particules élémentaires dont l'ensemble forme l'univers. Celui-ci ne disparaîtra qu'après avoir épuisé toutes les combinaisons possibles du vivant : or, leur somme doit tendre vers l'infini puisque chaque combinaison peut elle-même être recombinée. Donc l'univers ne saurait disparaître : il sera à jamais, et nous aussi, dont les cellules mutent, migrent vers d'autres formes vivantes. Alléluia ! Sic Manet Gloria Mundi !!

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Pour aller plus loin

- Nicolas Bréhal : Le Sens de la nuit (Gallimard, 1998, repris en Folio) 

- Michael Gordon : Weather (Nonesuch, 1999) Couverture en début d'article

  

 

 

 

 

- Extraits de Weather, le début (au-dessus) et l'extraordinaire troisième partie, avec les sirènes, plus bas... (L'un de mes lecteurs au moins y verra une allusion à l'une de ses idées, que je n'oublie pas !!) : (Soyez patient, ou laissez charger pour écouter d'affilée...)

 - Giuseppe Arcimboldo, L'Eau (1566, Musée des Beaux-Arts de Vienne) : ci-dessous.

 

De la recomposition

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 24 mai 2021)

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Publié le 23 Octobre 2012

Recomposed by Max Richter

Les Quatre saisons de l'Éternité

   Je n'ai jamais été un enthousiaste d'Antonio Vivaldi. Pourtant, je ne nie pas les beautés des Quatre Saisons, cet ensemble de quatre concertos pour violon édité à Amsterdam en 1725. Un des points culminants de la musique baroque, dit-on. Curieusement, c'est en le réécoutant maintenant, après le disque de Max Richter, que cette grâce merveilleuse, cette alacrité m'émeuvent enfin, par ricochet. Il aura fallu la décantation opérée par le musicien allemand, pianiste co-fondateur de l'ensemble Piano Circus en 1989, auteur de musiques de films et de quelques disques en solo, à la tête de formations variables, et devenu au fil des ans une des références d'un post minimalisme à la fois accessible et personnel.

    Le miracle de cette recomposition des Quatre saisons, c'est d'avoir fait de Vivaldi un post minimaliste qui s'ignore. Max Richter a écarté autour des trois-quarts du matériau originel pour nous offrir la quintessence du sublime. Dès le début, il y a un frémissement inconnu à la musique de Vivaldi. De temps à autre, les cordes sont creusées par des sons électroniques. C'est cela que j'attendais. Que cette musique en trompe l'œil, en trompe l'oreille plutôt, cesse d'être simplement cette belle surface. En mettant en avant les motifs vivaldiens, en les prolongeant par des cadences outrageusement alanguies ou en les soumettant à une amplification inattendue, Max Richter transcende cette esthétique où la virtuosité tient lieu d'âme. Par un mouvement vers l'intérieur, d'abord, car il retourne l'œuvre pour nous montrer ses dessous, ses sous-bassements véritables ou potentiels. Ô combien plus beau le solo de violon de "Spring 2" après une ouverture en sourdine, retenue, d'une exquise pudeur et par-dessus un orchestre en apesanteur, structuré en grandes plaques monolithiques. Peu après, cela donne par exemple la longue coda brûlante de "Summer 1", ce suavissime "Summer 2", Vivaldi revu par Arvo Pärt, le temps retrouvé par delà l'ivresse factice. Même épaississement saisissant dans "Summer 3", graves plus profonds, arrière-plans fouillés qui rendent les évolutions du violon solo plus intenses, plus crues, moins vaines, tout est là : on sent des réserves, des échappées, le violon troue la trame et s'envole dans des aigus archangéliques, et puis soudain tout dérape, d'où sourdent ces nappes saccadées, ce soulèvement d'une ombre épandue sur la lumière...L'automne, la carte postale sonore vivaldienne, est elle aussi nettoyée de son côté chromo par une aération générale du tissu musical, une des opérations les plus intelligentes de Max Richter. Cette musique sentait le renfermé : il n'y avait aucune place pour le rêve, la coda lente de "Autumn 1" lui redonne sa place. "Autumn 2" est un autre sommet de cette recomposition exemplaire : le clavecin impérial, altier, égrène ses notes sur un fond bruissant de cordes sourdes. Sur quelle corde raide marchons-nous, au-dessus de quels noirs abimes ? Max Richter habite Vivaldi, cette exquise coquille vide, comme un bernard l'hermite fragile, sensible aux moindres variations météorologiques. L'hiver connaît enfin la neige, les étendues poignantes sur lesquelles gémit le violon des délaissés. C'est le surgissement de l'infini dans les forêts immenses, les vannes de l'émotion trop longtemps contenue qui s'ouvrent pour une cadence d'une incroyable douceur, d'une beauté blessée, farouche, se rebellant contre la monotonie du monde. Max Richter n'a jamais, décidément, été aussi proche d'Arvo Pärt, et ce n'est certes pas moi qui le lui reprocherai. J'aime à la folie Antonio Richter, Max Vivaldi, Arvo Richter, Max Pärt, Antonio Pärt, Arvo Vivaldi. Un chef d'œuvre, une transfiguration...une recomposition magistralement servie par le son admirable de l'orchestre, du violon d'époque prêté par une famille allemande ayant souhaité rester anonyme.

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Paru en 2012 chez Universal - Deutsche Grammophon / 13 titres / 44' environ

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 23 mai 2021)

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Publié le 18 Septembre 2012

Due East - drawn only once

   Drawn only once est le second album d'un duo étonnant baptisé Due East. Elle, Erin Lesser, est une flûtiste confirmée impliquée dans l'interprétation de la musique contemporaine. Elle a notamment joué avec So Percussion. Lui, Greg Beyer, est un percussionniste friand d'interprétations solo et d'instruments non-occidentaux (oriental semblerait ici trop restrictif). N'oublions pas le compositeur, mentionné quand même au dos du cd : John Supko, né en 1980, qui a étudié à Princeton (notamment), mais aussi à l'École normale de musique de Paris, et déjà auteur d'un abondant catalogue d'œuvres associant souvent instruments acoustiques et électronique.

   Le disque comporte deux pièces. La première, "Littoral" est un quasi continuum de presque trente-cinq minutes articulé en quatre moments assez distincts. Début calme : vagues, bruits de moteur, sons électroniques répétés, auxquels la flûte et les percussions viennent se superposer. Impression de chants d'oiseaux, démultipliés, fractionnés. Frissonnement de milliers d'ailes, clapotis percussif. Sons aigus, brefs, percussions transparentes. Une immense aspiration à la lumière dans une aube encore trouble. Cercles, éclaboussures, jaillissements. Les percussions sont plus intenses, plus orientales de timbre tandis que le flux électronique est devenu plus prégnant. Nous sommes entre musique ambiante et musique électro-acoustique, enchantés par ce voyage merveilleux dans un paysage sonore aux mille micro variations, modulations.

   Le deuxième temps se caractérise par la superposition de poèmes de l'écrivain néerlandais Cees Nooteboom, dits par l'auteur : la trame musicale est encore plus nettement orientale, pas loin du gamelan indonésien. « des couches de couleurs sur un atlas aussi grand que le monde » dit l'un des poèmes. Des couches qui vibreraient sans cesse, s'interpénètreraient en un ballet dansant, aérien. Des extraits de The principal navigations, voyages, traffiques & Discoveries of the English nation (1598 - 1600) de Richard Hakluyt, dits par John Supko, marquent le troisième mouvement : texte réverbéré, recouvert, ou plutôt fondu dans la pâte sonore plus liquide. La mer impose sa présence, dans le temps même où percussions, fond électronique et flûte sont plus différenciés. Reviennent les mots de Cees Nooteboom : vagues de mots, ombres du passé, constellations. La musique comme mélange révélateur, « art du mètre et du temps » qui tente de saisir au vol le vivant volatile, l'oiseau des hauteurs et des profondeurs en ses multiples traces impalpables. Les tracés infimes entrelacés nous serrent dans les rets du temps, matérialisés par l'éternel retour hypnotique de la flûte, du triangle et des gongs dans les dernières minutes de cette composition atypique et splendide.

   "The window makes me feel" est un voyage intérieur dans l'épaisseur du papier, des mots et des voix. Une rêverie au fil du chuchotement féminin au premier plan, du piano intermittent au second, de drones et sons électroniques en fond sonore, le tout agrémenté de phrases veloutées de flûte, de percussions mystérieuses. Le texte support du poète Robert Fitterman est lui-même une série d'associations liées à l'idée de "fenêtre". Des sons d'extérieur - klaxons, bruits de rue - font d'ailleurs rentrer le monde dans la lente dérive, le flux très doux : ainsi s'abolit l'opposition intérieur / extérieur...« The window makes me feel like I'm flying all over the place, gliding and swirling down suddenly ».

   J'allais oublier. Sur l'autre tranche de l'emballage du cd, une phrase de Saint-John Perse : « Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d'autres rives ! » Extrait de Oiseaux (1962), bien sûr...

   Un très beau disque servi par un livret très complet : textes, photographies, entretien avec John Supko - qui précise que tout est écrit, mais aussi que la partie électronique est issue d'instruments virtuels accordés de manière aléatoire, de voix retraitées. La partie Dvd m'enthousiasme moins pour le moment (en tout cas pour "Littoral", car je n'ai pas encore regardé la seconde vidéo).

Paru en novembre 2011 chez New Amsterdam Records / 2 titres / 50 minutes / Cd + Dvd

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 avril 2021)

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Publié le 31 Août 2012

Alva Noto + Ryuichi Sakamoto with l'Ensemble Modern - UTP_

   Sortie initialement en 2008, cette collaboration exemplaire entre l'un des maîtres de la musique électronique d'aujourd'hui, l'allemand Carsten Nicolai alias Alva Noto, le pianiste japonais Ryuichi Sakamoto au bel éclectisme lui permettant de naviguer avec aisance entre impressionnisme, pop et contemporaine, et l'Ensemble Modern fondé à Frankfort en 1980, un ensemble qui joue aussi bien les compositeurs de la contemporaine pure qu'un Fred Frith, ouvre des voies nouvelles passionnantes. Si la collaboration entre Alva et Ryuichi donne des albums magnifiques comme Vriion (2002) Insen (2005), Revep (2006), et plus récemment Summus (2011), le recours à l'Ensemble Modern permet au duo de sortir du fascinant face à face entre l'électronique et le piano. L'ajout d'instruments acoustiques crée de facto l'une des possibles musiques symphoniques du temps présent. Précisons que je ne rends compte que du cd reparu seul en 2011, pas du dvd + cd sorti en 2008 et donc pas du concert et du travail multimédia lié au projet.

   Par delà la consanguinité avec les réalisations du duo, la différence est sensible dès le premier titre, significativement intitulé "Attack / Transition" : une discrète entrée électronique, comme une particule striant finement l'espace, dont l'itinéraire est fracturé par l'irruption des cordes, tranchantes, rugueuses, pizzicati, col legno, dans une sorte de bouquet fracassé au ralenti. Alva récupère certaines notes des cordes, étirées, enrobées dans un léger cliquetis de sons électroniques, cette marque de fabrique du maître qui rythme sa musique grâce à ces petits points éruptifs. C'est d'une beauté sidérante : Alva Noto est un organisateur du son, comme aurait dit John Cage, ou plutôt un sculpteur et un architecte sonore. Les titres vont s'enchaîner pour nous plonger dans la nouvelle ère.

  Si "Grains" peut au début nous remettre dans l'oreille les collaborations du duo, avec sa ponctuation délicate, il y a ces autres instruments, ces notes frottées qui installent cette fois la conception toujours très minimale, épurée, dans le concret des matières. Le boisé, le métallique se donnent à entendre comme rarement, comme si l'on était au seuil de leur corporéité. Quelque chose bat...d'infimes crissements, c'est déjà le monde de "Particle 1" : musique concrète d'une infinie délicatesse, loin des messes inaugurales et des agressions auditives des temps préhistoriques de ladite musique. Il faut du temps pour que de ces manifestations minuscules de percussions lilliputiennes lève une pâte vivante de sa vie propre : un monde surgit à peine et disparaît. En cela, cette musique est aux antipodes d'une civilisation du plein, du trop-plein, du clinquant et du spectaculaire : austère et rare, elle se déploie avec une vraie majesté radieuse, comme dans "Transition" sous forme de continuum électro-acoustique à la fois glacé et velouté. Ryuichi se manifeste peu, le voici dans "Broken Line 1" : parcimonieux, enveloppé par une aura de cordes frémissantes et lointaines, souligné par la toile électronique d'Alva. Quel paysage pur : pas distants sur la neige onirique étoilée de fins réseaux tandis qu'un souffle s'ourle dans le ciel ultraviolet...Et puis vous arrivez sur "Plateaux 1", arêtes farouches des montées brutes des cordes en longues poussées puissantes. Le ciel gronde, saturé de drones. Pas d'apitoiement : il faut avancer en direction du haut plateau, loin des séductions factices. Alva et Ryuichi sont des ascètes d'aujourd'hui, en marche vers une sorte de Mont Analogue, celui cherché par René Daumal et par tant d'autres sous d'autres noms. On est proche des univers d'un John Luther Adams ou d'un Spyweirdos, ces autres chercheurs intransigeants. En chemin, il y a "Silence", froissements imperceptibles, au fond une seule note tenue, percussions électroniques graves, résonantes, en guise de gong. "Particle 2" nous plonge dans un monde semi-liquide parcouru de reniflements, battements insistants : cela fermente, s'enfle et décroît au fil de soupirs, le piano presque atone en notes très brèves à peine frappées. Un chant s'élève à la fin de la pièce, fragile, transparent. C'est confondant, admirable. "Broken Line 2" voit le retour d'un piano plus affirmé, des cordes glissantes ou en pizzicati. C'est un cortège peut-être, orné de draperies électroniques somptueuses ; il se déplace dans un autre espace, à l'intérieur d'une âme immense, pour nous entraîner vers le dernier titre, le plus long avec presque  treize minutes, "Plateaux 2 / End". La montée reprend, âpre, sombre, altière, longues vagues crescendo séparées par des intervalles de foisonnement particulaire. Épaisseurs, stridences : renaissances dans des torsades denses creusées de béances aveuglantes, avant l'explosion d'une puissance sèche qui libère comme de monstrueuses cymbales cosmiques se perdant dans l'infini. Un disque vraiment extraordinaire, celui d'artistes exigeants, visionnaires.

   Utp pour Utopia, ou comment une pièce de commande pour le quatre-centième anniversaire de la ville de Mannheim - conçue au XVIIe en tant que ville idéale - remplit pleinement son programme en  accomplissant de nouvelles combinaisons musicales, certes déjà tentées, esquissées, mais rarement aussi pleinement maîtrisées. 

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Paru en 2011 chez Raster-noton / 10 titres / 72 minutes

(Première parution en 2008 avec le Dvd - j'avoue m'y perdre dans la discographie prolifique d'Alva !)

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 avril 2021)

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Publié le 9 Août 2012

La fin d'un label fondamental : New Albion Records.

     Ce blog aurait-il existé sans New Albion Records ? Je me le demande parfois. C'est par l'intermédiaire de John Luther Adams que je viens d'apprendre la nouvelle de l'arrêt définitif du label - dont les dernières publications remontaient d'ailleurs à 2008 : le stock de cds est redistribué aux artistes, à charge pour eux d'éventuellement les proposer aux amateurs. Reste pour le moment un espace de téléchargement : les fichiers triomphent des cds.
  Une aventure se termine, l'une des plus belles de l'histoire du disque. Foster Reed, le fondateur du label, a contribué à la découverte d'artistes majeurs dans des domaines assez divers : minimalisme et post-minimalisme, et plus largement musiques contemporaines, électroniques, expérimentales, avec quelques belles incursions dans les musiques anciennes. Une partie de l'index des musiciens de ce blog vient de là ! Pour n'en citer que quelques uns, ceux qui me sont les plus chers : Ingram Marshall, Terry Riley, John Luther Adams, John Adams, Kyle Gann, Alvin Curran, Stephen Scott, Peter Garland... Avis aux amateurs : le catalogue du label est dorénavant un gisement d'incunables précieux.

   On ne dira jamais assez le rôle fondamental d'un éditeur avisé. Je suis assez d'accord pour considérer Foster Reed comme un équivalent pour les musiques novatrices d'un Manfred Eicher, le fondateur et animateur du label munichois ECM, consacré au jazz, prolongé à partir de 1984 par ECM New series, tourné vers les musiques contemporaines. Ce qui est sûr, c'est que si je suis redevable à Manfred de la découverte d'Arvo Pärt, je dois à Foster d'avoir ouvert d'immenses horizons qui m'ont permis de sortir des musiques trop souvent compassées ou à mon goût trop dificiles, offertes par le catalogue des Nouvelles séries d'ECM. 

Les deux dernières parutions du label ont mis en lumière la pianiste Sarah Cahill :

 - en janvier 2008, Private Dances de Kyle Gann.

 - en mai 2008, Fantasy and Metaphor de Leo Ornstein
 

La fin d'un label fondamental : New Albion Records.
La fin d'un label fondamental : New Albion Records.

   D'autres labels indépendants passionnants ( Je n'envisage ici que les labels américains) restent heureusement au service des nouvelles musiques les plus exigeantes : Lovely Music, Cold Blue Music, Mode Records, Cantaloupe Music, New World Records, New Amsterdam Records, Innova Recordings, Tzadik... Ces petites maisons irriguent largement ce blog...

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 avril 2021)

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