John Luther Adams, le désert lumineux de la sensation pure.
Publié le 10 Avril 2009
"Le blanc n'est pas l'absence de couleur. C'est la plénitude de la lumière.
Le silence n'est pas l'absence de son. C'est la présence du calme.
(...) Comme John Cage nous le rappelait, le silence n'existe pas littéralement. De plus, dans un monde devenant sourd à cause du bruit généré par l'homme, le silence perdure comme une métaphore profonde et sonore.
(...) J'aspire à une musique qui soit à la fois rigoureuse par la pensée et sensuelle par le son."
Ces quelques extraits de propos du compositeur figurant sur le livret de In the white silence, paru en 2003 chez New World Records, sont une bonne entrée en matière à cette musique d'une grâce ineffable, lumineuse et transparente. Le disque est tout entier consacré à une longue pièce orchestrale pour cordes, harpe, célesta, vibraphones et cloches, subdivisée en courtes sections enchaînées de 3 à 5 minutes ayant pour titres"Beginning", puis des lettres de "B" à "S". Il préfigure For Lou Harrison par sa structure de concerto grosso fondée sur l'alternance entre sections orchestrales et solistes. Le blanc se retrouve dans les notes blanches, le rythme piano ou pianissimo reposant sur de courts motifs répétés, des lignes mélodiques longues et descendantes issues de différents points de l'espace, John Luther Adams étant très attentif à la disposition des musiciens. Cinq couches instrumentales distinctes convergent, se superposent pour créer un tapis sonore chatoyant, champ de neige sonore animé de frémissements, parcouru d'ondes cristallines. Musique merveilleuse, éblouissante, sereine, source fraîche et intarissable. Soixante-quinze minutes hors du temps mesuré des hommes, dans le Temps essentiel, à la fois presque statique et toujours différent...
red arc/blue veil, paru en novembre 2007 chez Cold Blue Music regroupe quatre pièces très différentes. Le disque s'ouvre sur "Dark waves" , morceau pour deux pianos interprété par Stephen Drury et Yukiko Takagi : assaut répété de vagues sombres, en effet, grondantes d'harmoniques graves, constellées cependant d'arpèges étincelants. C'est Sisyphe dédoublé, colère sourde et lumière emprisonnée, condamné à la résignation. Suit "Among Red Mountains", solo pour piano interprété par Stephen Drury. Notes plaquées, massives, rageuses, obstinées qui donnent à la pièce sa minéralité impressionnante. Quelque chose résiste, est cherché, le piano s'acharne, arrache des étincelles jusqu'au sur place final. "Qilyaun", le titre suivant pour deux percussions basses, déploie un véritable vent percussif à base de roulements qui traversent l'espace sonore en cercles rapides, puis ralentis, entrecoupés : travail rigoureux sur le rythme, d'abord presque fou, ensuite déconstruit et recomposé pour nous envelopper de battements d'ailes. Oui, les percussions s'envolent, libérées, tout l'espace devient rythme ! Ce disque étonnant se termine avec le titre éponyme, Stephen Drury au piano et Scott Deal, l'un des deux percussionnistes du morceau précédent (le second étant Stuart Gerber) aux crotales et au vibraphone. Morceau fusionnel, symbiotique, d'une beauté cristalline, agité de pulsations puissantes, de houles déferlantes de drones de piano.
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 13 décembre 2020)