Memory Scale - Chapter Five
Publié le 14 Février 2025
Fatigué des musiques qui prétendent changer le monde et assener un message souvent d'un simplisme désolant, je me suis calé Chapter Five pendant une séance photo. Et je n'ai pas abandonné le disque dès le premier ou second titre, ou troisième, car j'insiste pour écouter si quand même je peux en sauver quelque chose. Chapter Five tient la route. Ce cinquième disque d'un bordelais que je découvre avec cette parution est le troisième chez Audiobulb, maison de disque britannique dont plusieurs albums sont dans INACTUELLES. Musicalement, il se fait appeler Memory Scale, Arnaud Castagné pour l'état civil. Il se dit amateur des musiques électroniques des années quatre-vingt dix, de Brian Eno, de Dieter Moebius (Cluster notamment) et de bien d'autres (Depeche Mode, Boards of Canada...). Il se dit aussi rêveur : c'est bon signe !
On est tout de suite dans une ambiante feutrée, poussiéreuse, mystérieuse, avec "Causes & Effects", le premier titre, une très courte introduction emblématique. "Syntropy" semble nous diriger vers une musiqué électronique type IDM, avec clavier en boucles arpégées, mais le fond reste décidément ambiant, en nappes mélodieuses entrecroisées, jouant de plusieurs claviers : on entendra régulièrement le Rhodes ou le Wurlitzer au cours du disque, leurs sonorités réverbérées et glissantes. "A Late reading" s'enfonce dans une nuit glauque, la basse ponctuant lentement le titre en boucles à demi effacées, tandis que de brèves lacérations et picotements traversent les remous... L'un des grands moments du disque est sans doute le titre suivant, "Sense Data" et son prélude : la pièce esquisse un paysage fantomal, habité par des boucles de guitare et un Rhodes (ou Wurlitzer, je m'y perds) dans des graves profonds, auquel répond en écho un autre clavier. Tranquillement hypnotique, la composition monte vers de belles lumières.
"Epicycloid", par contre, ne m'a guère convaincu, trop synthétique, trop mou. Passons ! Et je ne le fais pas exprès, à "But That will Pass" (titre 7), bourdonnant, puis solidement installé autour d'un clavier massif découpant les horizons avant un dernier tiers d'un lyrisme planant sur une pulsation répétitive : bon rétablissement, que confirme le bref "Crystal Ride", rayonnements à travers des volutes orageuses et des flux liquides. Memory Scale est évidemment encore plus à l'aise sur une trame brumeuse d'orgue et de guitare : "Afternoon's Echoes" distille un charme mélancolique certain, qui résiste à l'assaut des sons synthétiques grâce à l'épaisseur des nappes d'orgue ! Mais "The Armillary Sphere We All Need" (titre 10) est bien poussif, plombé par le manque de perspective : les répétitions traînent en longueur... on s'ennuie, je passe au suivant ! "Pluto Leo", s'il est aussi répétitif, en tire parti pour construire une belle et puissante montée aux arrière-plans en clair-obscur. "Life Density", le dernier titre est pour moi l'autre réussite de l'album : musique puissante et énigmatique, épaisse, parcourue d'ondes et de vents cosmiques. De l'allure, quoi, de vagues souvenirs des premiers Tangerine Dream pour faire décoller le tout in extremis.
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Un disque inégal hésitant entre plusieurs directions. La veine vraiment ambiante est la meilleure.
Paru en janvier 2025 chez Audiobulb Records (Sheffield, Royaume-Uni) / 12 plages / 50 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur Bandcamp :