Chas Smith, harmoniste des sphères.
Publié le 14 Mars 2009
Pour aller plus loin :
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
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Chas Smith est un indépendant, élève de Morton Subotnick et d'Harold Budd à la Cal Arts (California Institute of Arts). Passionné de recherches sonores, il pratique bien sûr très tôt le synthétiseur, mais il se passionne vite pour...la guitare hawaïenne, si en vogue dans la musique country.
Rappelons que cette guitare , inventée dans les années 1880, se joue à plat, l'instrument posé sur les genoux ou sur un support. La main gauche fait glisser sur les cordes un objet métallique, une barre en acier appelée "slide bar" ou "steel bar". Quel rapport avec la musique atmosphérique que vous pouvez entendre ci-dessous ? Aucun, en apparence. Il suffit pourtant d'en jouer autrement, de laisser filer les sons, les résonances, de modifier l'accord, et la "steel guitar" devient un synthétiseur étonnant, un orgue cristallin, diaphane. Associée à quelques instruments métalliques de sa fabrication, aux noms insolites comme la Copper box, le Que Lastas, le junior Blue, elle crée des paysages sonores chatoyants traversés de lentes iridescences. Chas pratique aussi la version la plus complexe de la guitare hawaïenne, la "pedal steel guitar", qui peut avoir deux ou trois manches. Une série de pédales permet de modifier les notes ; actionnées au moment où la barre métallique vient frotter les cordes concernées, elles font naître tout un monde d'harmoniques. Sur un titre de Descent, il utilise une "guitarzilla", une guitare sur table à quatre manches, dont deux préparés et un avec cinq cordes basses, avec microphones des deux côtés des manches.
La pedal steel guitar est à l'honneur sur Nakadai, réédition en 2008 sur le même label Cold blue Music d'un LP épuisé des années 80, réédition augmentée d'un morceau composé en avril-juin 2008, "Ghosts on the windows" (prolongement imprévu au disque de HRSTA chroniqué juste avant !) et d'un second datant de 1991 et titré "Joaquin Murphey", hommage à celui qu'on surnomma le "Charlie Parker de la pedal steel guitar".
Quelques informations techniques me paraissaient nécessaires, car lors des premières écoutes, je ne voyais absolument pas ce qui pouvait produire un tel univers sonore, je m'imaginais des sources électroniques, ce qui n'est donc pas le cas, du moins si l'on fait abstraction des procédés de traitement et d'amplification très élaborés qui accompagnent ces instruments bien concrets, fruits de l'imagination d'un homme qui travailla dans la métallurgie pendant trente ans. Pour finir, je laisse la place à Chas Smith parlant de son approche de la composition : " On m'a souvent accusé de faire de la musique à base de drones, ce qui ne correspond pas à ce que je pense faire, mais j'utilise en effet des sons tenus et des structures qui évoluent lentement, ce qui, par comparaison avec le monde frénétique dans lequel la plupart d'entre nous vivent, peut sembler statique. Cet immobilisme pourrait être pensé comme ayant une masse et une gravité, et comme il évolue lentement, cela pourrait donner l'impression d'être vu sous différents points de vue, comme une sculpture. Lorsque je compose, j'ai tendance à assigner des couleurs et des formes aux sons sur lesquels je travaille pour leur donner une composante visuelle et pour m'aider à garder leur trace. Et des pièces construites à partir de sons ne sont pas si différentes que cela des choses construites en métal : les outils et les matériaux sont différents, mais les techniques sont similaires."
Sur la pochette de Nakadai, un tatouage de Chas Smith, anticipation visuelle des paysages sonores de ce musicien défricheur, qui trouve naturellement sa place dans les "Musiques singulières"...
Reparu en 2008 chez Cold Blue Music / 6 plages / 64 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 11 décembre 2020)