Spéciale Alvin Curran (2): le piano sans peur.
Publié le 21 Décembre 2007
Inner Cities, d'Alvin Curran : l'un des premiers monuments pour piano du vingt-et-unième siècle. Je reviens sur ce coffret de quatre disques publié en 2005 par le label Long distance, auquel j'avais consacré un premier article le 8 mai 2007. J'ai proposé l'écoute intégrale du troisième disque. Pas question de tronquer, bien sûr : soixante-et-onze minutes pour prendre le temps d'une œuvre... Quelques mots me sont venus en écoutant Alvin, les voici :
Improvisation sur Inner Cities 8 et 9 de Alvin Curran
Ténue rare
tenue t’es nue
Seule égrenée
en chapelets denses
aigrelets profonds solennels
La note sans reproche je l’annote
La note est là, venir de la musique qui délivre le silence
Fin de l’angoisse de la mélodie despotique
Assomption du présent pur
La note la notte
retentit dure
redite et déclinée au déclin du silence
Ostinato soudain
crescendo Bloc Brut de Bruit SATURATION
La note s’étire s’enlace ô délice à pas de nuit le fantôme
de Debussy rôde dans la cathédrale du vertige englouti
Grappes fracassées potentiomètres affolés rouge rouge rouge
raz-de-marée oscillatoire fracture
de l’écorce sonore
La tombée des sons tourbillonne dans le vide avide
chute des notes rebelles nuée d’amour pourpre
biffures de sang harmonique sur les parois de l’âme incendiée
Trou autour du ça ça revient ça insiste s’insinue nue
La note est venue de musique sur le corps du néant
L’accord est intérieur antérieur à toute structure préétablie
il danse sur la corde raide époux du rien qu’il épuise
Dans la nuit des possibles il se lance inlassable et puise
les notes au lasso pour rendre justice au piano
SURGIR poussée de graves en laves indécentes
escalier du diable Eve frémit
sous les touches qui l’attouchent
nue comme les notes la notte
Pouls capricant qui s’accélère
les aigus lacèrent les artères
les basses martèlent la cuirasse des tympans
De la musique avant toute mièvrerie
Refuse l’odieux de la mélodie
ses frisettes de caniche
sa mélancolie l’arme à l’œil
et ses garde-à-vous mielleux à l’ordre
si bien tempéré
La musique est tenue de lumière dans la nuit
où s’entend le doux concassage du cosmos
Inner Cities est paru en 2005 chez Long Distance
Eve Egoyan, pianiste canadienne, est la sœur du cinéaste Atom Egoyan. Elle a déjà interprété le cycle d'Alvin en concert. Elle se consacre plus particulièrement au répertoire contemporain, comme en témoigne son site, où des échantillons sont en écoute. Reinier Van Houdt, pianiste néerlandais, interprète lui aussi de préférence les musiciens contemporains (site en néerlandais, anglais et allemand).
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores )