Iva Bittova et Bang On a Can, la jubilation et la grâce.

Publié le 8 Juillet 2008

Iva Bittova et Bang On a Can, la jubilation et la grâce.

   Iva Bittova est la musique incarnée, baignée depuis son enfance slovaque et moldave par la source tsigane colportée par son père poly-instrumentiste. Actrice, au théâtre comme au cinéma, elle joue du violon comme on respire, et elle chante, fidèle à l'injonction paternelle répétée dans les nuits de fête de l'Europe centrale. Quelle carrière que la sienne ! Interprète brûlante du folklore de son pays, elle est de toutes les expériences, les plus folles de préférence, par-dessus les frontières, puisqu'elle joue aussi bien avec le guitariste Fred Frith, le plus incandescent des avant-gardistes, qu'avec Bang on a Can, les instrumentistes guerriers au service de toutes les nouvelles musiques. La rencontre avec ces derniers donne Elida, disque magnifique paru en 2005 chez Cantaloupe, le label fondé par David Lang, Michael Gordon et Julia Wolfe.

Oubliez tous les clichés sur la musique folklorique ! Aucune fétichisation du passé, mais une interprétation fougueuse d'un répertoire habité par une voix, un corps qui sur scène vit la musique en l'incarnant, sur disque la rencontre magique entre une musicienne accomplie et l'un des ensembles de chambre les plus talentueux. Même aux États-Unis, elle n'a pas renoncé à sa langue, ce que je salue à l'heure où tant de français croyant élargir leur audience et...leurs ventes adoptent un anglais insipide. Sa langue, elle en joue comme elle joue du violon, elle est câline, joyeuse, elle jubile, danse, quelque part entre Meredith Monk, Hans Eisler et la tsigane inconnue. Bang On a Can épouse toutes les inflexions de la chanteuse, l'enveloppe dans une interprétation à la fois dynamique et sobre, très aérée, qui laisse la place à de splendides moments suspendus, lorsque la langue perd les mots comme à la fin de Nejsi ou dans Bolis me, Lasko. Piano, basse, percussions, guitare électrique, violoncelle, clarinettes, mais aussi banjo et harmonica soutiennent Iva dans ce parcours tourbillonnant ou rêveur, où les chansons alternent avec titres ou passages purement instrumentaux. Hopahop Talita, le titre 5, déploie sur neuf minutes un très beau dialogue élégiaque entre clarinette, violoncelle et piano, que le violon vient relancer et enjouer, rejoint par les autres instruments, avant de laisser la place à un passage en équilibre sur le silence, piano comme sur des pointes et guitare électrique tout en zébrures retenues s'effaçant ensuite devant le grave violoncelle et une ultime poussée festive, irrésistible. Une rencontre réussie de bout en bout, musicalité et bonheur, la vie imprévisible...
Paru en 2005 chez Indies Records / 9 plages / 46 minutes environ

Pour aller plus loin :

- le site d'Iva Bittova.
- album en écoute et en vente sur bandcamp

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores en novembre 2020)

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